Quatrième Génération

Attente (2)

Ma résolution de profiter des derniers moments dans l'espace ne dura qu'un temps. Rapidement, le stress de la fin du voyage revint, et depuis ce jour, je ne suis obsédée que par une chose: notre répartition. 

Nous sommes maintenant cinq jours avant la date supposée de l'atterrissage. Ces derniers jours, je ne les ai pas vu passer. Entre entrainement intensif et rendez-vous amoureux avec Alix, c'est comme si le temps s'était subitement emballé. Pourtant, je ne suis pas celle qui voudrait le plus stopper l'écoulement des heures en ce moment. Mes parents, et tout les autres aussi, je n'en doute pas, sont de plus en plus anxieux. Ma mère essaye de passer le plus de temps possible avec moi, tandis que mon père multiplie les petits conseils du type "Fait toujours confiance à ton instinct" ou "La prudence est mère de sûreté, alors ne prend pas de risques inutiles". C'est parfois un petit peu abstrait pour moi, mais je hoche la tête en lui souriant, et il semble rassuré.

Myron quant à lui, est encore plus solitaire que d'habitude. L'agitation de tous ces parents doit lui rappeler la perte des siens, et je ne peux qu'imaginer sa douleur. Alors, je m'efforce dès que je peux de passer le voir un petit moment le soir. Hier encore j'y suis allée, et comme toujours il m'a assuré qu'il n'avait pas besoin de moi.

- Pourquoi tu t'acharnes Kate? Rentre chez toi, tu sais que tes parents s'inquiètent en ce moment.

 - Et moi je m'inquiète pour toi, Myron! Tu sais que je suis là pour toi, je l'ai toujours été non? ... Myron?

 - Bien sur que tu as toujours été là, ce n'est pas le problème! S'il-te-plait, laisse moi un peu seul. Tu sais bien qu'une fois sur la Nouvelle Terre, les choses seront différentes, et je vais être obligé de vivre avec une bande d'idiots pendant je ne sais combien de temps! 

 - Ok, très bien, tu as gagné. Je te laisse tranquille, au moins pour ce soir.

Alors que j'allais passer la porte de sa cellule, je me suis retournée et j'ai ajouté:

 - Si tu t'ouvrais un peu plus aux autres, tu verrais qu'il n'y a pas que des idiots. Avant, certains de ces "idiots" comme tu dis, étaient tes amis.

Et j'ai vu dans ses grands yeux sombres, juste avant de partir, que cette phrase avait fait mouche, car il n'apprécie pas vraiment que je lui rappel qu'avant il était différent.

Pourtant, ce matin, alors que nous nous dirigeons, Myron et moi, vers la salle d'entrainement, je doute de l'effet de notre discussion d'hier. Il m'a attendu ce matin bien sur, comme toujours, comme depuis notre enfance. 

Petit, il m'attendait déjà devant sa porte, et me lançait un énorme sourire dès qu'il m'apercevait. Ensuite, nous nous rendions en cours, rigolant tout les deux tout le long du trajet. Souvent même, à force de nous amuser en chemin, nous devions, à la fin, courir pour ne pas être en retard. Alors, nous arrivions essoufflés en classe, mais heureux de commencer une nouvelle journée en compagnie de notre meilleur ami. 

Ce matin, cependant, Myron semblait encore plus froid que d'habitude, comme si il m'en voulait d'avoir évoqué son passé. Et je crois que, moi même, je m'en veux un peu, car je sais bien qu'il n'aime pas ça, et que je l'ai fait quand même. Alors, sur le chemin, je tente doucement une approche:

 - Myron, je voulais te dire, pour hier soir, je n'aurais pas dû, je...

Mais je n'ai pas le temps de finir qu'il me coupe la parole pour me dire sèchement:

 - C'est bon, je sais. C'est pas grave. Oublie!

Ses mots auraient presque pu être réconfortant si son intonation avait été différente, si il l'avait pensé vraiment... Malheureusement, nous arrivons devant la salle juste quand celle-ci s'ouvre, et je n'ai donc pas l'occasion de relancer la "conversation" entre nous. 

A l'instant même où j'aperçois non pas UN entraîneur, comme d'habitude, mais TROIS entraîneurs, comme cette fois, il y a maintenant un peu plus de deux semaines, je sais que c'est aujourd'hui. C'est aujourd'hui que nous allons être répartis.