Chapitre 2

112 19 8
                                    

     Le samedi suivant, ce n'est pas Claude qui rejoignit Gabriel sur le terrain vague, mais le garçon qui l'attendait dans la cage d'escalier de son immeuble, assis sur le rebord d'une fenêtre dont la vitre avait disparu en 1943. L'hiver était particulièrement rude dans cet escalier. La jeune fille fut d'ailleurs surprise de le trouver là. Elle se figea sur une marche d'escalier.
« Suis-je en retard Monsieur l'impatient, ou vous manquais-je déjà trop pour y survivre ? Demanda-t-elle à Gabriel qui écrasait sa cigarette contre la façade du bâtiment.
— Tu es seule ?
Claude regarda autour d'elle, maline, et sourit. Mais il la devança dans la farce, anticipant l'intervention de quelques faux amis imaginaires.
— Chez toi, ajouta-t-il.
Elle enfonça ses mains dans ses poches en sautant une marche à pieds joints pour se rapprocher.
— Marie dort encore, pourquoi ?
Gabriel hésita un instant en se grattant la nuque, un petit rictus au coin des lèvres. Il se redressa en se levant.
— Alors il va falloir être discrets et ne rien oublier.
Ils montaient les marches tous les deux.
— On va cambrioler mon propre salon ? On lui prépare une fête surprise pour son anniversaire dans 4 mois ? On cache un corps ? S'amusa-t-elle à lui demander sans lui laisser le temps de répondre.
— On récupère quelques affaires et on s'en va, annonça-t-il.
— Où ?
— Où tu veux.
La jeune femme tourna le regard vers lui en s'arrêtant dans l'escalier. Il grimpa jusqu'au palier et se retourna vers elle, quelques marches plus bas.
— Ne me dis pas que tu as la trouille, se moqua-t-il.
Elle souriait bien plus depuis quelques secondes.
— Tu aurais pu me le dire, que tu avais gagné au loto. Il vient d'où le jackpot ?
Le jeune homme ne dit rien. Il faisait de son possible pour garder le moindre indice. Il se contenta d'une inclinaison de la tête.
— Serait-on en train de perdre du temps ma petite Claude ? »
Elle ria et grimpa les quelques marches restantes à cloche pied pour finir par lui sauter dans les bras. Portée suffisamment haut pour qu'elle puisse enrouler ses jambes autour de la taille du jeune homme, elle posa sa tête contre l'épaule chaude et parfumée de Gabriel et respirait à plein poumons l'odeur de l'après-rasage qui traînait encore là, sur son cou.
« Tu sens bon le garçon. »
Il sourit en marchant jusqu'à la porte de l'appartement des parents de Claude et la posa sur le sol. La jeune fille ouvrit doucement la porte et les deux jeunes pénétrèrent dans le couloir. Ils se précipitèrent dans la chambre de Claude et commencèrent à rassembler des vêtements, affaires de toilette et autres babioles sur le lit de la jeune fille.

     La chambre de Claude ne sortait pas vraiment du lot. Des souvenirs d'enfance et d'adolescence traînaient un peu partout. Elle n'avait jamais eu le droit d'accrocher de posters aux murs mais avait dérogé à la règle à sa manière : quelques photos de famille étaient scotchées sur la porte du placard. Autrefois elle partageait cette chambre avec sa petite sœur Marie, mais depuis le déménagement de ses frères aînés, la cadette avait pris possession de leur ancienne garçonnière. Cependant le lit d'enfant de la jeune sœur se trouvait encore dans la chambre de Claude et cette dernière semblait croire que le cacher sous des piles d'oreillers, de vêtements et d'un bazar divers le rendrait plus utile.
« Ce lit se sent seul de ne plus pouvoir serrer Marie dans ses draps » se convainquait-elle.
Il fallait lui trouver une occupation.

     Un vieux bureau traînait au coin de la pièce, devant l'unique fenêtre. D'un bois usé et rayé, il donnait du cachet à la chambre de la jeune femme et son seul tiroir verrouillé renfermait les quelques trésors d'enfance de Claude tels qu'une balle sauteuse colorée trouvée dans la cour de récré, un caillou en forme de boomerang ou encore les précieux ciseaux qu'elle utilisait pour découper minutieusement les images de beaux lieux dans les journaux. Personne n'avait le droit d'emprunter ces ciseaux-là. Claude avait trop peur de ne plus pouvoir découper d'images à cause d'une soudaine pénurie d'outils (ce qui lui était déjà arrivé suite à l'étourderie de ses parents ou à l'espièglerie de ses frères qui bien souvent s'amusaient à les cacher pour rire de leur sœur devenant alors hystérique).

ClaudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant