Chapitre 7

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     Après une bonne nuit de sommeil, Claude et Gabriel rejoignaient sereinement la gare de Warrenton pour y prendre un bus touristique direction la Louisiane. Ce n'est qu'une fois assis à bord du véhicule qu'ils se rendirent compte qu'ils furent de retour sur le chemin principal de leur quête et ce sentiment les confortait.

« Adieu Warrenton, merci pour ta beauté à toute épreuve » songeait Claude, « il est temps pour nous de reprendre la route ».

     Gabriel lui aussi était confiant. Les événements chaotiques qui avaient débuté leur périple lui semblaient déjà loin, il ne s'en inquiétait plus. Bien sûr, ils prenaient garde à ne pas se faire reconnaître en se cachant derrière de grosses écharpes mais ils se faisaient beaucoup moins de soucis et ceci était dû à leur avancée dans la chasse au trésor qui les animait. Les deux amis profitaient du voyage en regardant le paysage défiler sous leurs yeux, à la vitesse de croisière d'un bus rempli de touristes hétéroclites.

     Ce jour-là, il faisait un temps radieux. Le ciel dégagé proposait un dégradé de tons bleuté vif et le soleil reflétait des lumières orangées sur le bitume. Après avoir quitté les dernières maisons aux briques rouges et aux palissades blanches de Warrenton, le bus rejoignait l'interstate 64. L'autoroute qui permettait à la Virginie de rejoindre le Missouri en une demi-journée les accueillait radieusement. Des arbres verdoyant fraîchement feuillus semblaient indiquer le chemin vers l'ouest aux routiers, formant ce qui semblait apparaître comme deux hauts mûrs les empêchant de prendre une autre direction.

     Le chauffeur du bus avait choisi une allure correcte, conduisant machinalement son véhicule en écoutant un vieux tube rock des années quatre-vingt à la radio. L'attrapeur de rêve accroché à son rétroviseur se balançait de gauche à droite et les quelques perles joignant les plumes aux ficelles claquaient contre le pare-brise. C'était une belle journée qui commençait.

     Situées derrière Claude et Gabriel, deux femmes âgées se racontaient les histoires de leurs petits-enfants en tricotant activement leurs chandails respectifs. Elles se mélangeaient les pelotes de laine quelques fois, mais elles restaient méticuleuses dans leur tâche manuelle. Claude et Gabriel s'amusaient à les écouter jacter sur les quatre cents coups des terreurs qu'elles décrivaient. Lorsque l'une d'elles se mit à raconter les exploits de la petite dernière, Claude ne put s'empêcher de rire en entendant la grand-mère donner les détails de la coiffure de son mari après avoir dû ramoner la cheminée pour y ôter les oreillers et les peluches coincés là, dans l'unique but d'amortir la chute du Père Noël.

« Un épouvantail, ricanait la vieille femme, on aurait dit l'épouvantail dans le magicien d'Oz, vous savez ? Avec les bouclettes autour des oreilles. »

     Son interlocutrice elle non plus, ne pouvait s'empêcher de rire à cette anecdote, imaginant très bien la tête que cet homme devait avoir en sortant du conduit de la cheminée.

     Gabriel souriait en écoutant la même histoire à demi-mot, un peu plus concentré sur la chanson Like a rolling stone de Bob Dylan qui fut à ce moment-là diffusée à la radio. Il trouvait d'ailleurs beaucoup de similarité entre cette chanson et leur aventure. Autrefois ils faisaient les malins, Claude et lui, à clamer que partir serait facile et à se vanter de leurs exploits futurs. Ils avaient eu le temps de déchanter dès qu'ils avaient fait les frais des premières difficultés de l'aventure.

♫ Qu'est-ce que ça fait de vivre sans maison, comme un parfait inconnu, comme une pierre qui roule ? ♫

     Il pensait avoir découvert ce que cette sensation procurait et se sentait fort d'avoir pu surmonter ce challenge. Il était fier. Sa vie semblait plus facile avant, malgré les épreuves qu'il avait déjà traversées. Alors que Bob Dylan singeait cette bourgeoise tombée dans la misère, Gabriel se moquait de sa propre personne qui, il y a encore quelques semaines, pensait arrogamment qu'il n'y aurait rien de plus facile que d'affronter la réalité. Il n'oublierait jamais à quel point rien n'était joué. Il pourrait encore s'en mordre les doigts par la suite.

ClaudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant