Chapitre 8

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     Après une longue journée de trajet à bord du bus touristique et après de nombreuses escales et pauses, les passagers de la ligne commençaient à s'endormir alors que la nuit pointait le bout de son nez. Très vite, le brouhaha s'estompait et les gens s'installaient le plus confortablement possible pour somnoler le temps des quelques heures de trajet restant. Claude et Gabriel avaient déjà fait plusieurs siestes mais comme tous, l'inactivité à laquelle ils étaient soumis dans ce bus les fatiguait. Claude s'appuya contre le bras de Gabriel pour caler sa tête contre l'épaule de son ami qui en profita pour appuyer la sienne contre celle de la jeune femme. Regarder les lampadaires défiler les plongeait peu à peu dans un léger sommeil, un peu l'effet que ferait une veilleuse à un enfant craintif pour l'apaiser et l'endormir. Le chauffeur du bus troqua une de ses nombreuses compilations cd contre la radio et se forçait à écouter les informations pour rester concentré et éveillé. Le calme régnait dans le véhicule, la nuit serait courte pour certains, longue pour d'autres.

     Lorsque Gabriel ouvrit les yeux, il remarqua que le bus était en train de s'arrêter au bord de la route et il entendit quelques voyageurs questionner le chauffeur à ce sujet. Il se redressa pour suivre ce dernier du regard, l'homme sortit du car après avoir demandé aux passagers de ne pas bouger. Claude sursauta lorsque son ami changea de position, elle regarda autour d'elle en se redressant, les yeux éblouis par la lumière dans le véhicule. Elle se frotta un instant les yeux.

« Qu'est-ce qu'il se passe Gabriel ?
— On vient de s'arrêter.
— On est arrivé ?
— Non pas encore.
Le chauffeur du bus remonta dans son véhicule en essuyant ses mains sur sa chemise et saisit le microphone avant de se tourner vers les voyageurs.
— Mesdames et Messieurs, je demande votre attention s'il vous plaît. Comme vous pouvez le remarquer, nous sommes arrêtés sur le bord d'une route, je pense qu'il y a un souci mécanique. Je vous demande de prendre votre mal en patience le temps qu'un dépanneur se déplace jusqu'à nous. Ne sortez pas du véhicule. Je vous remercie, je prends la situation en main. »

     Le brouhaha recommençait progressivement tandis que le chauffeur ressortait du bus. Claude et Gabriel s'échangèrent un regard, le jeune homme se leva et se dirigea vers la sortie. Il rejoignit le chauffeur qui se trouvait dehors, en train de consulter son téléphone pour trouver un numéro.
« Bonsoir, je suis mécanicien, dit Gabriel. Je peux peut-être vous aider.
— Oh super ! S'enthousiasma le chauffeur en dirigeant Gabriel vers l'arrière du bus, où se situe le moteur du véhicule. Vous vous y connaissez en autocar ?
— Je peux toujours essayer. »

     À l'intérieur du bus, l'ambiance était à l'inquiétude et les gens commençaient à discuter avec leurs voisins de sièges sans pour autant se connaître. Claude s'était retournée vers l'arrière, appuyée sur le dossier de son siège. Elle avait une vision presque globale sur les gens voyageant avec elle. Les deux grands-mères commentaient l'événement en espérant arriver à temps en Louisiane pour profiter de leur court séjour entre amies. Ce n'était pas un événement à manquer ! Hors de question, elles ne voyageaient pas souvent. Claude les regardait, attendrie.
« Ne vous inquiétez pas Mesdames, mon ami est sorti jeter un coup d'œil. Il est mécanicien, il va réparer le bus en moins de deux ! C'est le meilleur ! Se vanta-t-elle, rassurante.
— Oh en voilà une bonne nouvelle ! Dit l'une d'elles soulagée.
— Les jeunes savent tout faire de nos jours, ajouta l'autre.
— Oh oui c'est fou ! »
Claude les écoutait en souriant, une pointe de franche satisfaction aux coins des lèvres.

« Alors ? Demanda le chauffeur à Gabriel comme s'il prenait des nouvelles d'un patient auprès d'un chirurgien à peine sorti du bloc opératoire.
— Ce n'est pas grand-chose, vous avez des outils ?
— Dans la soute, je vous l'ouvre tout de suite. »
Le chauffeur remonta dans le bus et fut accaparé par les passagers en attente de réponses. Il déverrouilla la soute. Gabriel y récupéra les outils et se mit au travail, rapidement assisté par le chauffeur du véhicule.

     La sortie rapide du conducteur après avoir déverrouillé la soute venait de provoquer une seconde vague d'inquiétude dans le véhicule. Peut-être aurait-il dû prendre le temps de rassurer ses voyageurs. Claude s'en chargea et leur affirma plusieurs fois que Gabriel connaissait son métier et savait ce qu'il faisait. Elle leur assura que bientôt il reprendrait la route. Au fur et à mesure que les minutes défilaient, le calme revint. De toute façon, ils n'avaient pas le choix : il fallait attendre. Claude se rassit correctement et guettait le retour de Gabriel à travers la vitre. Mais soudain, son attention se posa sur l'autoradio toujours en marche.
« Nous rappelons l'événement de la journée, cet avis de recherche au niveau national. Nous recherchons activement Gabriel Moore et Claude Roy, les fugitifs mineurs de l'affaire Caroline. Le couple en fugue avait volé une voiture à New York City pour poursuivre leur route par un braquage à Crozet, en Virginie. Leur portrait-robot est diffusé dans tout le pays, prévenez les autorités si vous les croisez. Attention, ils sont armés. Ne tentez pas de les maîtriser seuls, ils peuvent être dangereux. Je répète, ne tentez pas de les maîtriser seuls. Wall Street à présent... »

     Claude se leva immédiatement et se traîna apathiquement dans le couloir du bus, abasourdie. Ça y est, ils étaient officiellement en cavale. Elle tourna le regard vers les voyageurs qui la regardait, espérant avoir des nouvelles de la réparation du bus par Gabriel. Elle se força à leur sourire pour les rassurer et descendit les quelques marches. Elle accéléra le pas et se rendit à l'arrière du véhicule en glissant ses mains dans les poches de son blouson.
« Alors ? Demanda-t-elle, surprenant le chauffeur et Gabriel qui étaient jusque-là concentrés.
— J'ai presque terminé, dit Gabriel.
— Je peux t'aider.
— Non ne t'inquiète pas.
— Mais si. Je t'aide, pardon.
Elle bouscula le chauffeur pour prendre sa place puis se tourna vers lui pour l'interpeller.
— Monsieur, les passagers s'inquiètent, vous devriez aller les rassurer.
— Je reviens tout de suite.
Elle lui sourit, il retourna dans le véhicule. Gabriel tourna la tête vers Claude, l'interrogeant du regard pour connaître la raison de son attitude étrange.
— On est recherché, ils parlent de nous à la radio, il y a des portraits-robots, chuchota-t-elle.
Le jeune homme se figea.
— Ils croient qu'on est dangereux à cause de l'arme, ajouta-t-elle. Ils nous appellent même "les fugitifs de l'affaire Caroline". Qu'est-ce qu'on va faire ?
— Calme-toi.
— Que je me calme ? C'est facile à dire, il y en a bien un qui va aller sur internet avec son smartphone et nous reconnaître. On ne peut pas remonter dans le bus. C'est national. »

     Gabriel réfléchissait en regardant son amie. Elle avait raison, maintenant que les voyageurs étaient au courant d'un avis de recherche national, il y en a au moins un qui essaierait d'en savoir plus avant son arrivée en Louisiane. À partir de maintenant, le sablier était retourné et les grains de sable s'écouleraient jusqu'à leur arrestation. Le temps était compté en présence d'autant de gens susceptibles de les reconnaître.
« Alors, c'est bientôt terminé ? Demanda le conducteur qui venait de réapparaître.
— Oui, presque. Vous pouvez leur dire, je range tout ça et on repart, affirma Gabriel.
— Génial, merci beaucoup jeune homme.
Le conducteur remonta dans son bus.
— Qu'est-ce qu'on fait Gabriel ?
Il se remit à réparer le moteur du bus.
— Range les outils et mets-les dans la soute.
— Pourquoi ?
— Attends-moi devant. »

     Claude ramassa donc les outils et les rangea dans la boîte en ferraille avant de la déposer dans la soute à bagages. Elle entendit Gabriel fermer le capot du bus et la rejoindre. Il fouilla rapidement à travers les bagages et en sortit celui de Claude. Il trouva également le sien et se redressa en regardant son ami.
« Vous pouvez refermer la soute ! » Cria-t-il au chauffeur.

     La soute se referma automatiquement, Les deux jeunes jetèrent un regard vers les passagers du bus, mais personne ne semblait les regarder. Ils pouvaient d'ailleurs percevoir la voix du conducteur dans le microphone, assurant aux voyageurs qu'ils allaient repartir. Gabriel prit la main de Claude et les deux fuirent au pas de course par-dessus la barrière du bord de l'autoroute. Ils couraient à toute vitesse jusqu'à pouvoir se cacher dans la faune longeant la route, sans regarder derrière eux avant qu'ils ne soient complètement cachés. Là, ils jetèrent un coup d'œil vers la route et virent que le bus ne démarrait pas.
« Ils nous attendent Gabriel.
— Ils finiront bien par partir. Viens, il ne faut surtout pas qu'on longe la route. »

     Alors, les deux amis partirent s'enfoncer un peu plus dans ce début de forêt recouvrant l'une des vallées que l'autoroute traversait. Avec la nuit tombée et aucun éclairage, il leur était difficile de connaître leur position géographique. Mais ils savaient qu'ils devaient fuir les zones éclairées et garder une seule direction, celle qu'ils avaient choisie hasardeusement. Ils se perdraient de toute manière, c'était inévitable. Autant se débarrasser au maximum du risque d'être reconnu.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 25, 2018 ⏰

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