Prologue

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Ce jour-là le ciel est bleu et le soleil brille haut. Malgré cela il fait froid, j'ai froid. Je me dis qu'une fois de plus le destin me rit au nez et que le Karma me rattrape faisant ainsi de ma vie un nouvel enfer. Mais finalement peu m'importe. Le noir m'engloutira bientôt et je serais enfin délivrée. Libérée de cette oppressante douleur qui ne me quitte plus. Étrangement je n'ai pas peur, je suis impatiente même.

Mon dernier regard est pour ma balançoire, abandonnée au fond du jardin voilà maintenant plus de sept ans. Cette balançoire qui fut mon refuge durant les dix premières années de ma vie. Celle vers qui j'allais quand je tentais désespérément d'échapper aux cris qui provenaient de la maison, celle qui me permettait de me sentir légère quand je tentais d'atteindre le ciel et de voler comme un oiseau. Celle qui me faisait sentir minuscule et pourtant si grande quand je me balançais sûr elle.

Il m'arrive, encore parfois, de m'assoir dessus et de me balancer légèrement mais sans jamais rompre le contact entre mes pieds et le sol. Je ne suis plus la même qu'avant, j'ai changé, tout a changé. Je ne suis plus l'enfant insouciante d'autrefois, celle qui pensait que rien ne pourrait l'atteindre tant qu'elle se balancerait toujours plus haut. Non. Aujourd'hui je vais voler et, pour la première fois, atteindre ce que je n'ai toujours touché que du bout des pieds.

Ma dernière pensée est pour lui. Cela fait longtemps que je ne me suis plus autorisé à penser à lui, c'est trop douloureux. Encore plus que tout le reste. Mais, aujourd'hui, je me sens libre. Je m'autorise à ressentir. C'est pourquoi, malgré tout, je lui adresse mentalement trois mots. Trois mots qui peuvent tout changer quand ils sont dit à voix haute et au bon moment. Trois mots que je n'ai jamais eu le cran de prononcer, par crainte. Alors voilà pourquoi, aujourd'hui, je les lui dis, même s'il ne peut pas m'entendre, pour moi cela compte. " Je te pardonne ".

Et mon dernier geste est pour moi. Pour fuir. Par égoïsme. Par douleur. Par lâcheté. J'attrape la bouteille de whisky et en bois une longue rasade. Je m'empare ensuite de la boîte de médicaments. J'en verse le contenu dans ma main et jete l'emballage contre le mur. Je serre mon poing autour des dix comprimés qui vont me permettre d'en finir.
Je n'ai pas peur et je n'appréhende pas.
C'est comme d'elle-même que ma main s'approche de ma bouche et jette à l'intérieur tous les cachetons.
Je bois encore et encore pour les faire passer
plus facilement. Je finis la bouteille. Ça n'a aucune espèce d'importance.
J'attends et ne pense plus à rien.
J'attends simplement.
Enfin je m'autorise à lâcher prise et c'est avec reconnaisance que j'accueille les premiers effets de l'alcool.
Lentement je me sens dérivé puis plus rien.
Le noir.
Pas complètement vivante mais pas complètement morte non plus.
Le noir.
Le vide.
La déchéance.
Le calme.
La béatitude.
Le bien-être.
Le soulagement.
Et c'est là, parmis toutes mes émotions. Par delà les effets brumeux des médicaments et de l'alcool que je l'entends. Comme une supplique.

Mon prénom.

- " Léonie ! "

Les Mots de mon SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant