1942

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-Il était assis sur un nuage quand c'est arrivé.
-Quand c'est arrivé quoi ?
-Il venait de vomir un truc qui ressemblait à un arc-en-ciel, et puait l'esbrouffe.
-L'esbrouffe ?
-Il faut dire qu'il ne faisait pas chaud... Mais pour moi, il débordait de courage et de bonté. Je dis nuage parce qu'il avait neigé toute la nuit, et on s'était assis tous les deux sur le trottoir, devant l'appartement rue Jaurès. On était sortis quand même parce que c'était bientôt Noël tu comprends, et il m'avait promis un tour de magie. Mon père il avait des mains qui faisaient des miracles, et n'importe laquelle de ses illusions mettait des étoiles plein les yeux aux gamins comme moi. Pourtant ma préférée était simple : un disque de carton avec d'un côté un petit cheval, de l'autre des flocons de neige, et un bout de ficelle qui sort de chaque extrémité du disque. Et tu vois petit, quand tu tournes les deux bouts de ficelle, et bien les deux images se mélangent ; et c'est drôlement joli. Comme il neigeait dehors c'était encore plus chouette.
C'était comme dans un rêve, même si mon père était très malade parce qu'il ne mangeait pas assez, du coup il ne pouvait pas guérir. On riait bien tous les deux, pendant que Maman faisait de la soupe. Elle faisait souvent de la soupe mais cette fois là elle avait trouvé du lard à mettre dedans, ça sentait vraiment bon. J'avais 8 ans quand c'est arrivé.
-De quoi tu parles...?
-On était sur le trottoir devant l'appartement rue Jaurès, on regardait le petit cheval sous la neige, et là ils ont débarqués. Ils étaient descendus de leur voiture exprès pour mon père, mais il n'avait pas peur d'eux. Eux, c'étaient les Hommes par delà la Montagne. Ils n'étaient pas d'ici. Ils étaient immenses, avec des yeux glacés. Il y en avait partout, à tous les coins de rue, mais ce n'était pas eux les plus dangereux. C'était leur chef : la Tête noire de la Montagne. Un fou furieux qui en avait après tout le monde. Lui petit, c'était un vrai méchant. Mais mon père il craignait pas les méchants, même malade. On riait bien quand les Hommes par delà la Montagne se sont approchés. Mais soudain mon père avait eu une quinte de toux et s'était mis à vomir, alors je m'étais inquiété. Les Hommes s'en moquaient, ils disaient des mots que je ne comprenais pas. Je les regardais et ils avaient toujours le même air froid, mauvais et déterminé. Mon père même s'il allait mal il s'était levé, il brillait comme une étoile et ça lui allait bien. Il avait toujours été celui qui me réchauffait le coeur, le magicien qui faisait apparaître une pluie de contes de fée. Tu sais mon père il était un peu comme tous les hommes, pas plus mauvais qu'un autre. Moi c'était mon héro. J'ai essayé de ne pas pleurer quand c'est arrivé mais c'était dur...
-Quand c'est arrivé quoi ?!
Après les Hommes par delà la Montagne étaient montés à l'appartement rue Jaurès. Je crois qu'ils voulaient parler à ma mère mais au fond à part la magie je ne comprenais pas grand chose. Je voulais monter pour lui dire, mais les voisins qui étaient sortis acheter des fruits pour Noël m'en avait tout de suite empêché. C'est étrange comment réagissent les gens. Je n'ai pas entendu grand chose, mais je n'ai revu ma mère qu'une fois après. Elle aussi elle montait dans l'énorme voiture des Hommes par delà la Montagne. Le tour de magie s'achevait ici petit. Tu sais il n'y a rien de plus irrationnel que la guerre, et pourtant quand la réalité vous rattrappe on comprend un certain nombre de choses. Comme les étoiles, j'ai compris ce qu'elles signifiaient quand ils l'ont emmené.

*Nouvelle numéro 11 !! Il en manque je sais mais elles arriveront ;) Thème plus sérieux que d'habitude abordé avec une distance enfantine mais qui me plaît beaucoup *-* Voilà voilà Lecteur je te retrouve au fil des pages...*

Pourquoi j'aurai dû naître animaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant