Mardi 28 octobre 1942,Tours.
Mon cher Camille,
je t'écris de mon nouvel appartement à Tours; le vieil hôtel de Poitiers ayant été évacué il y a peu. Comment vas-tu ? Mon quotidien est plutôt calme, mis à part l'incident m'ayant obligé à déménager en hâte. J'ignore comment les gens de ton village vivent, pardon, subissent l'occupation allemande, mais dans les grandes villes, la brutalité rivalise avec le bourrage de crâne. Exemple terrible : l'autre jour, des officiers SS sont entrés dans l'hôtel pictavien. Ils ont vérifié les cartes d'identité de chaque client, avant de nous ordonner à tous d'évacuer les lieux et de trouver un nouveau logement. "Celui-là est infesté par la vermine", nous ont-ils dit, "des patrons juifs, qui le pourrissent de l'intérieur. Heureusement que leur rejeton n'a pas hésité à les dénoncer, pour laver un peu son honneur.".Cet enfant avait dénoncé ses propres parents juifs. Parce qu'on le lui avait appris à l'école.Ce incident, ce crime, a fini de me convaincre d'écouter l'appel à l'aide de la France. De mettre un terme à ses souffrances, et aux souffrances de ses enfants. De mettre un terme aux crimes des nazis. Et de mettre un terme à la soumission qui nous accable, et nous empêche de reprendre nos droits.Devant toutes les injustices que nous subissons chaque jour, je te lance à toi et aux autres, mon cher Camille, un appel à la rébellion. Chacun peut, à sa manière, servir la Résistance. Je sais que tu as toujours été contre la violence, et c'est aussi pour cela que je fais appel à ta haine de la guerre. A ta haine du nazisme, que tu pourras toujours dissimuler sans que cela ne la fasse disparaître. Ensemble, nous pouvons relever la France et relever nos têtes fièrement, car notre union indispensable peut sceller un destin meilleur si nous agissons.Entrer dans la Résistance ne signifie pas uniquement prendre les armes; beaucoup de personnes au contraire la servent pacifiquement. Plusieurs de mes amis hébergent des juifs en cavale, et moi-même, je transmets mon désir de révolte à travers des poèmes, publiés dans des revues clandestines.J'ai d'ailleurs pensé à toi : restaurateur d'art. Ton don pour la copie est extraordinaire Camille. Je t'imaginais à mes côtés, aidant des réfugiés en leur créant de faux-papiers.Ce ne sont que des idées, peut-être des divagations. Cela dit, j'aimerai vraiment que tu réfléchisses au contenu de cette lettre, que je clos ici.Remercie chaleureusement le jeune Rémi, sans qui cette lettre aurait fini censurée et oubliée au service des postes.
Je t'embrasse et ai hâte de recevoir de tes nouvelles.
Robert Desnos.
PS: J'ai glissé cette strophe dans un de mes poèmes, et j'aimerais que tu médites dessus :
"Du fond de la nuit, nous témoignons encore de la splendeur du jour et de tous ses présents. Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore, qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.".
*Numéro 4, thème : écrire une lettre à un ami pacifiste pour le convaincre de rejoindre la résistance, en tant que Robert Desnos.*
VOUS LISEZ
Pourquoi j'aurai dû naître animale
NouvellesIci seront entreposées toutes mes nouvelles écrites depuis 2012-2013 ! Elles sont classées dans l'ordre chronologique, la numéro 1 étant la plus vieille. Il a une ambiance étrange plutôt commune à tous les textes, malgré quelques exceptions, et les...