Chapitre 1- suite 6

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J'ignore combien de temps j'ai dormi encore. Cette période est complètement floue, elle me fait penser à un cauchemar. Il me semble qu'à un moment donné, tu m'as donné à manger, à boire. En revanche, tu ne m'as pas lavée. Je le sais parce qu'en me réveillant, je puais, j'étais moite de transpiration et mon T-shirt me collait à la peau. J'avais aussi envie de faire pipi.
Je suis restée immobile, à écouter, tendant désespérément l'oreille pour entendre quelque chose, mais tout était silencieux.
C'était curieux, aucun craquement ni bruit de pas, pas le moindre bruit de gens, ni de voitures, ni de vrombissement d'autoroute au loin, ni de grondement de train. Rien, à part cette pièce et la chaleur.
J'ai vérifié si mon corps était en état de marche en soulevant prudemment une jambe après l'autre, puis en agitant les doigts de pied. Je n'avais plus les membres aussi lourds, j'étais mieux réveillée.
Le plus silencieusement possible, je me suis redressée pour examiner la pièce. Tu n'étais pas dedans, il n'y avait que moi. Moi et le grand lit dans lequel j'étais couchée, une petite table de nuit, une commode et la chaise avec le jean dessus. Tout était en bois, rudimentaire. Aucune décoration aux murs. À ma gauche, une fenêtre fermée devant laquelle était tiré un mince rideau. La lumière brillait au-dehors. Il faisait jour et
une chaleur caniculaire. En face, une porte.
J'ai attendu quelques minutes, tendant l'oreille, à l'affût du moindre de tes bruits. Puis tant bien que mal, j'ai gagné le bord du lit. J'avais la tête qui tournait, l'impression que mon corps allait basculer, mais j'y suis parvenue. Les mains agrippées au matelas, je me suis forcée à respirer, j'avais retenu mon souffle jusque-là.

J'ai posé un pied par terre, puis l'autre , fait peser le poids de mon corps dessus, gardé l'équilibre en me tenant à la table de nuit. Ma vision s'est obscurcie, mais je me suis levée, les yeux fermés, l'oreille aux aguets. Toujours rien.
J'ai tendu la main, pris le jean et me suis rassise sur le lit pour l'enfiler. Je l'ai trouvé serré, lourd, collant aux cuisses. Le bouton appuyait sur ma vessie, décuplant mon envie de faire pipi. Je n'ai pas pris la peine de mettre les chaussures, je serais plus silencieuse sans.
J'ai avancé vers la porte. Le sol était en bois, comme tout le reste, frais sous mes pieds, et avec des interstices entre les lattes qui plongeaient vers l'obscurité en dessous. J'avais les jambes raides comme du bois, mais j'ai fini par atteindre la porte. J'ai tourné la poignée.
De l'autre côté, l'obscurité était dense. Une fois mes yeux habitués à l'absence de lumière, j'ai découvert un long couloir, en bois également, avec cinq portes, deux à gauche, deux à droite et une au fond. Toutes fermées. Au premier pas, le plancher a craqué. Je me suis figée. Mais pas le moindre bruit derrière les portes, rien qui indique que quelqu'un m'ait entendue, j'en ai fait un deuxième. Laquelle de ces portes ouvrait sur la liberté
Je me suis arrêtée devant la première à droite et j'ai posé la main sur la poignée métallique que j'ai trouvée froide. Je l'ai abaissée en retenant ma respiration. Je me suis arrêtée, tu n'étais pas à l'intérieur de la pièce. Celle-ci était grisâtre et comportait une douche et un lavabo. Une salle de bains. Au fond, une autre porte. Des toilettes sans doute. J'ai été tentée, me demandant si je prenais le risque d'un petit pipi. Dieu sait si j'en avais envie .
Mais combien d'occasions comme celle-ci se présenteraient? Une seule peut-être. J'ai reculé dans le couloir. Je pouvais faire pipi le long de ma jambe ou dehors. Il fallait seulement que je sorte. Si j'y parvenais, alors tout irait bien. Je trouverais quelqu'un pour m'aider, quelque part où aller.
Je ne t'entendais toujours pas. Je me suis appuyée aux murs des deux mains pour ne pas perdre l'équilibre et j'ai visé la porte du fond.
Un pas, deux. Des craquements minuscules à chaque fois. Mes mains couraient sur le bois, se hérissant d'échardes au passage. Je respirais vite, avec bruit, comme un chien qui halète, les yeux furetant partout pour essayer de deviner où j'étais. La sueur me dégoulinait du cuir chevelu dans la nuque, le dos, le jean. La seule chose que je me rappelais clairement, c'était l'aéroport de Bangkok.
Mais il me semblait avoir pris l'avion et fait un voyage en voiture. À moins que ça n'ait fait partie d'un même rêve. Et, où étaient mes parents?
Je me suis efforcée de faire des pas de souris. J'aurais bien paniqué, hurlé, mais je devais me contrôler, je le savais. Si je me mettais à réfléchir à l'endroit où je me trouvais, à ce qui s'était passé, la peur me paralyserait .

La dernière porte s'est ouverte facilement, elle donnait sur une grande pièce plongée dans la pénombre. J'ai reculé dans le couloir en me faisant toute petite, prête à prendre mes jambes à mon cou. Mon estomac s'est serré, la pression dans ma vessie est devenue intolérable. Aucun mouvement dans la pièce, aucun son. Tu n'y étais pas, j'ai vérifié rapidement.
Dedans, un canapé et trois chaises en bois, de conception aussi rudimentaire que celle qui se trouvait dans la chambre. Une trouée dans le mur m'a fait penser qu'il pouvait s'agir d'une cheminée. Les murs étaient en bois. Les rideaux avaient été tirés devant les fenêtres, nimbant l'ensemble d'une lumière marronnasse. Aucune décoration, aucun tableau. La pièce était aussi austère que le reste de la maison. Et l'air y était lourd comme partout ailleurs, étouffant.
À gauche dans le couloir, j'ai trouvé la cuisine avec une table au milieu et des placards tout autour. Les rideaux étaient tirés mais, à l'autre bout, j'ai aperçu une porte dont le verre dépoli laissait passer la lumière. Dehors. La liberté. Je suis allée jusqu'à la porte en suivant le mur. La douleur dans ma vessie a empiré, le jean était trop serré.
J'ai posé la main sur la poignée, je l'ai abaissée lentement, pensant que la porte serait fermée à clef, mais non. J'ai dégluti, surprise. Puis je me suis reprise, j'ai ouvert la porte, juste assez pour me faufiler par l'entrebâillement et je suis sortie sans attendre.
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Tataaaa☺️ Gemma à t'elle trouver un échappatoire?

Lettre à mon ravisseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant