«Un nouveau monde»

« chapitre trente et un »

Cela fait déjà plusieurs jours que le petit groupe marche le long des rails. La première voiture les a lâché il y a d'ça deux jours et la deuxième, ce matin même. Ils ont dû abandonner de nombreuses affaires et ont réparti le plus essentiel dans un sac à dos chacun. Même Mia en a pris un qui, par moment, se balade de bras à d'autres pour soulager la petite fille.

Quand ils ont continué leur ascension à pieds, ils ont instinctivement suivi les rails. Peut-être qu'à un moment où un autre, ils tomberont sur quelqu'un. Même si, pour le moment, ils n'ont croisé que des cadavres. Riley traîne derrière, démotivée jour après jour, elle y croit, mais elle est inquiète. Où sont-ils passés ?

«-Riley, l'interpelle Maya qui est plus loin devant, Glenn, ça te parle ? »

Elle relève directement la tête. Restant immobile quelques secondes avant de la rejoindre en courant. Son regard se pose sur les inscriptions faites sur les fondations d'un tunnel. C'est un message adressé à Glenn, de la part de Maggie.

Le sang avec lequel ce message est écrit n'est pas tout à fait sec. En conclusion, ça ne fait pas si longtemps que ça que Maggie l'a écrit.

Après quelques minutes, Riley relève la tête vers le ciel, la nuit ne va plus tarder, il vaut mieux qu'ils ne s'aventurent pas dans ce tunnel tout de suite. Elle leur propose d'aller droit vers l'Est pour atteindre une petite ville à à peine deux kilomètres afin d'y passer la nuit. Ils acquiescent et reprennent leur route vers un moment de repos bien mérité.

Ils se sont installés au dernier étage d'un immeuble proche de la forêt. De l'appartement 316, le plus grand de tous, ils ont une vue impeccable sur la lisière boisée et sur la seule rue menant ici. Rapidement, les deux couples vont s'installer dans les chambres pour se reposer sans attendre. Riley monte sur le toit et, accompagnée par Maya, elles montent la garde la première moitié de la nuit, Will et Romain viendront les remplacer pour la seconde moitié de celle-ci.

Riley et Maya en ont profité pour grandement discuter. Elles ont échangé sur leur vie passée respective, et même si Riley reste plus discrète sur son passé, Maya apprécie qu'elle se confie un minimum à elle.

«-Mon père battait ma mère, souffle Maya, devant moi, et puis devant Mia. Il tentait de me rassurer en disant que c'était normal, que c'était pour son bien. Que maman n'était pas en forme et qu'il essayait simplement de l'aider. Jusqu'à la naissance de Mia, j'y ai naïvement cru... Maman allait aux urgences toutes les semaines mais c'était parce qu'elle en avait besoin, dit-elle ironiquement, quand Mia a eu huit ans, ma mère nous a donné de l'argent et on est partit.
-Et t'avais eu des nouvelles d'elle, par la suite ? Demande Riley.
-Pendant les premiers mois, on s'appelait tous les soirs, quand papa s'endormait, elle allait s'enfermé à l'autre bout d'la maison pour nous joindre. Mais après quelques semaines à peine, plus aucunes nouvelles. J'en ai rapidement déduis que c'était fini. Trop curieuse, j'ai fini par appeler l'hôpital général de notre ancienne ville. Par chance, j'suis tombée sur une amie qui m'a rapidement confirmé que oui, ma mère était morte. Une chute dans les escaliers apparemment, ricane nerveusement la jeune femme.
-J'suis désolée. Personne mérite de vivre un truc comme ça. Mais, ajoute-t-elle en tirant deux lattes successives sur sa cigarette, au moins, ta soeur et toi, vous vous êtes battues jusqu'au bout. Et vous vous battez encore. Notre passé nous forge. Perso, j'arrête pas d'me dire que si je suis encore en vie dans un monde comme celui-ci, c'est parce que j'ai tellement galéré toute ma vie que j'ressens quasiment que d'la haine. J'arrive encore à m'attacher aux gens, j'aime mon frère et mon groupe, mais j'ai eu une telle rancoeur envers la terre entière que c'est ça qui me fait tenir.
-Tu tiens parce que t'es une battante. Tout ce qui gêne ton passage, tu le dégages. Tu ouvres encore ton cercle pour quelques rescapés comme nous mais si t'as la moindre hésitation quant à une personne, tu feras en sorte qu'elle n'affecte en rien ta famille. C'est honorable.
-Ils sont tout c'qui me reste. De base, j'étais seulement avec Rayan. Mais quand j'ai rencontré Sophia et les autres, il m'a fallu du temps, précise-t-elle, mais j'ai fini par me rendre compte que j'y avais trouvé une famille. Je donnerai ma vie pour eux.
-Et j'y crois sans hésiter. On va les retrouver, j'en suis sûre, ajoute Maya en la regardant droit dans les yeux.
-Moi aussi, répond Riley en rencontrant son regard, c'est des guerriers. C'est pas cet enfoiré de Gouverneur qui va les avoir. »