UnLovers

Nostalgie. 5

Arrivé au collège, Marc coupait toujours son don de télépathie. Les pensées de tous les élèves se retrouvaient dans sa tête en un bourdonnement insupportable pour lui, et à la fin de la journée il se retrouvait avec une migraine à défier les plus grands philosophes. Il adorait aller au collège, il avait l'impression d'être un adolescent normal dont les principaux problèmes étaient le contrôle de trigo en deuxième heure, le sixième niveau de son jeu vidéo, et la fille qui lui plaisait. Malheureusement, ce dernier allait être un peu difficile à réaliser, compte tenu de ses aptitudes étranges.

Il rejoignit ses amis dans la cour. Ils savaient très peu de choses sur lui et l'appréciaient quand même. Il se demandait souvent si leur amitié changerait le jours où son secret serait découvert. La réponse était oui, bien sûr. Il savait qu'à cet âge là, les ados n'aimaient pas s'approcher des gens différents, et, il fallait bien l'avouer, il l'était, différent. C'est pour cela qu'il s'était promis de ne jamais révéler sa véritable identité. Ah oui, et aussi à cause de l'interdiction formelle du Gouvernement. Il fut interrompu dans ses réflexions par une question de son meilleur ami :

"-Alors Marc, hier avec Emma ? Vous avez fini sur le lit ? Hahaha !!

-Tu es hilarant Mathis, répondit l'interpellé sur un ton mi-figue mi-raisin, non, nous avons juste travaillé, et puis tu sais très bien qu'elle ne m'intéresse pas.

-Allez ! Elle est canon quand même. Si tu voyais comment elle te regarde en cours, je suis sûr que j'ai la même tête quand je vois qu'il y a des frites au menu du self... Ahahah !! et il donna un coup de coude dans le ventre de son ami.

-Ah bon ? Je ne savais pas...

-Achète-toi des yeux alors, mec ! Fit Mathis avec un clin d'œil. Nan sérieux c'est du gâchis, regarde-la, elle est vraiment pas mal, essaye !

-Je t'ai déjà dit, elle ne m'intéresse pas.

-Tu es sûr ? C'est que tu as quelqu'un d'autre en vue alors ? Genre, sa copine Chloé ?

- Non ! Non, non et non, s'insurgea Marc. Pour qui tu me prends ?! Je sais que c'est toi qui est sur elle alors je te la laisse. De toute façon ce n'est pas mon style.

-Ouais ben heureusement. C'est déjà assez dur de la draguer comme ça. Je lui ai proposé un minigolf hier et elle m'a fait une crise parce qu'elle n'aimait pas ça.

-Pfff, les filles, on ne sait jamais quoi faire pour leur faire plaisir, elles ne sont jamais contentes...

Là-dessus la sonnerie retentit et ils rejoignirent leurs camarades et leur salle de cours.

Durant son contrôle de trigo il fit attention à l'attitude d'Emma. Elle était deux rangées devant lui à gauche, sachant qu'il se trouvait en fond de salle. Elle avait sa calculette en main et était en train de griffonner quelque chose sur sa copie. Elle avait un tic, remarqua-t-il : elle remuait sa bouche dans tous les sens et se mordillait les lèvres. Cela aurait pu paraître bizarre, voire dérangeant chez les autres, mais sur elle... Ca lui apportait une petite touche enfantine sans qu'il puisse comprendre pourquoi. Il trouva cela adorable. Soudain elle posa tout ce qu'elle avait dans les mains et fouilla dans sa trousse pour en ressortir un baume à lèvres. Il était légèrement teinté et lui procurait une jolie couleur rose. Il s'attarda un moment sur les courbes de ses lèvres... Celles qu'il avait failli embrasser la veille. Il sentit le rouge lui monter au visage et se replongea rapidement dans sa copie.

De temps en temps il redressait la tête, mais à aucun moment il ne la vit l'observer. Il attendit ainsi toute la journée une réaction de sa part, mais elle ne vint ni lui parler, ni le regarda. Elle semblait l'ignorer. Il rentra chez lui avec une douleur au creux de l'estomac -ou serait-ce plutôt au cœur- qu'il ne put identifier.

Ce jour-là il était seul. Ses parents rentraient tard et sa sœur avait son entrainement de handball, puis elle irait trainer avec ses amies. Il avait donc devant lui environ trois heures de liberté. Il fallait qu'il en profite. Il se dirigea vers la bibliothèque située au dernier étage de leur grande maison, dont elle occupait la quasi-totalité de l'espace. Elle ressemblait étrangement à celles des grandes universités américaines, style Yale. Marc aimait cet endroit, l'odeur des vieux livres qui chatouille le nez, l'empreinte sagesse qui y régnait, le souvenir de son grand-père lui contant des histoires...

La bibliothèque était leur repère. Le jeune Marc était toujours enclin à apprendre des nouvelles choses et encore plus lorsque cela venait de son grand-père. Il était archiviste au Gouvernement et s'occupait de tous les documents anciens. Lorsqu'il trouvait une histoire intéressante pour son petit-fils, il la mettait de côté pour la lui raconter. Il recopiait alors le texte et quand il revenait à la maison de sa fille, où il logeait aux moments où il n'était pas en mission officielle, il appelait Marc qui préparait un gouter, et ils s'installaient dans la bibliothèque où ils se construisaient une cabane. Au fur et à mesure que Marc grandissait, Alban lui ramenait des histoires de plus en plus dures. Le garçon admirait son grand-père pour toutes ses connaissances. Il savait ces choses que l'on apprend uniquement dans les dossiers archivés des états. Ces choses qui sont cachées de tous et que personne n'ose imaginer.

A ces souvenirs, Marc sentit la tristesse le gagner. Son grand-père était parti et il lui avait laissé pour seul cadeau un vide impossible à combler.

Mais soudain, un flash lui apparut. Des images qu'il ne voulait pas revivre s'imposèrent, elles défilaient vite, mais ce n'était peut-être pas si mal.