Dès qu'Emma fut partie Marc se sentit vide. Il ne savait plus où il en était. Il avait promis à son père de la quitter et il avait promis à Emma de ne pas le faire. Deux promesses contradictoires qui allaient le mener à sa perte, il en était sûr. Il devait choisir entre vivre et aimer. Mais son choix était tout fait. Dès le premier jour d'ailleurs, il avait résisté tellement d'années, ça avait été dur, néanmoins il avait réussi... Jusqu'à ce fameux jour dans la forêt où tout avait basculé, il l'avait senti et il avait su, après avoir tenu Emma dans ses bras qu'il ne pourrait plus jamais résister. C'était elle qu'il choisissait et qu'il choisirait toujours.
Il se leva pour rentrer chez lui, décidé à discuter avec son père, à le convaincre de le laisser vivre heureux. Il était prêt à quitter son foyer, à se faire croire mort au Gouvernement, il était prêt à tenter n'importe quoi pour rester avec Emma. Lorsqu'il arriva chez lui il sentit la présence de quelqu'un, et en se concentrant un peu il discerna des pensées et reconnut la signature si particulière de sa mère dans le salon.
"Viens Marc, j'ai à te parler."
Marc la rejoignit et entra dans le grand espace ouvert. Sa mère, posée sur un canapé, un verre de vin à la main, l'attendait. Son regard habituellement doux avait disparu, remplacé par une lueur flamboyante, à l'image de ses cheveux. Marc était surpris par le liquide rouge que buvait sa mère, il ne l'avait jamais vue saoule, l'était-elle ? Il allait devoir faire attention.
-Bonjour Maman, salua-t-il.
-Assieds-toi près de moi et profitons de l'absence de ton père pour discuter, dit-elle en tapotant le coussin près d'elle.
Marc s'avança lentement et s'assit à côté de sa mère, sur ses gardes. Il sentait qu'elle était tendue. Etait-ce dû au vin rouge, ou bien la boisson était-elle là pour l'aider à se détendre. Si c'était le cas, qu'est-ce qui la tracassait autant ?
- Si tu t'apprêtais à faire ce que je vais faire, mon fils, tu boirais autant, voire même plus que moi que ça ne m'étonnerai pas. Et puis un petit verre de rouge de temps en temps, ça ne fait pas de mal. D'ailleurs, tu n'en voudrais pas un par hasard ?
-Non merci Maman... dit-il avant d'ajouter mentalement : "Je tiens à rester sobre, moi".
Sa mère le regarda avec un petit sourire en coin.
-Tss tss, je suis sobre, Marc, et ça me chagrine que tu aies si peu d'estime pour ta mère. Après tout j'ai été jeune moi aussi, répliqua-t-elle en secouant son carré.
-Si tu veux, mais maintenant arrêtons de tourner autour du pot : que voulais-tu me dire ?
Sandra acquiesça et bu une longue gorgée de vin rouge avant de prendre la parole.
-Tu n'as pas rompu avec Emma, et tu ne le feras pas. Pas la peine de nier, je l'ai lu dans tes pensées aujourd'hui et même hier et ton père l'aurait aussi lu s'il n'avait pas été aussi obnubilé par ses souvenirs, ce qui t'a jusqu'à présent laissé un peu de temps pour réfléchir, mais imagine sa réaction quand il se rendra compte que tu lui as menti...
Marc était pétrifié, il essaya de lire dans les pensées de sa mère pour connaître ses intentions mais il n'y arriva pas, elle avait réussi à les masquer, elle avait toujours été douée pour ça.
-Tu vas me dénoncer à Papa ?
Sa mère eut un petit sourire satisfait.
-Non. Au contraire je vais t'aider, et son sourire s'agrandit.
Marc était stupéfait. Il s'attendait à tout sauf à ça. Pourquoi voulait-elle l'aider, elle n'avait rien à y gagner, pire, elle risquait de tout perdre en s'impliquant dans ses problèmes.
-Oh ne t'inquiète pas, ça fait longtemps que je suis impliquée, et ton problème n'est qu'une infime partie du véritable sac de nœuds, la partie émergée de l'iceberg en quelque sorte. On peut même dire que c'est toi qui t'es immiscé dans mes problèmes, mais ne t'inquiète pas, je n'en attendais pas moins de toi, dit-elle fièrement.
Marc était complètement perdu, il ne comprenait rien au discours de sa mère.
-Arrête de te poser des questions et laisse-moi t'expliquer. Tout à commencé avec ton grand-père, mon père, Alban. Tu connais les premières règles du Gouvernement : "Je dois garder mon identité secrète ; en aucun cas je ne dois la divulguer à une personne dite "normale", et cela pour mon bien ainsi que celui de la minorité que je représente" et "Je ne dois, qu'importe la raison, m'engager dans une relation non-autorisée par le Gouvernement, que ce soit avec un Unlover ou une personne dite "normale" ?
-Oui, ce sont celles que j'ai enfreintes en sortant avec Emma, je sais... grogna Marc.
-Eh bien tu n'es pas le seul à les avoir enfreintes. Mon père, comme toi, est tombé amoureux.
-Amoureux ? Mais c'est impossible !
-Tu es mal placé pour dire ça, il me semble... le taquina-t-elle.
Marc s'empourpra. Elle avait raison, il était lui aussi amoureux, mais son grand-père l'était-il vraiment ? Il s'était toujours senti proche de lui, était-ce la raison ? Il n'arrivait pas à y croire. Ils souffraient de la même anomalie, il n'était plus le seul ! Mais une autre pensée le glaça, le Gouvernement l'avait emmené et l'avait tué, c'était celle-là la raison de son emprisonnement. Lui arriverait-il la même chose ? Oui, c'était ce que son père avait dit. Une image s'imposa à lui, Antoine, les yeux fous, racontant sa future arrestation avec les moindres détails, comme s'il l'avait déjà vécu. Sa mère avait dit il y a quelques instants "ton père l'aurait aussi lu s'il n'avait pas été aussi obnubilé par ses souvenirs"... Non, c'était impossible. Il regarda sa mère, son air doux avait réapparu sur ses traits.
-C'est lui n'est-ce pas ? C'est Papa qui l'a dénoncé, c'est à cause de lui que Grand-Père est mort !
Marc hurla son désespoir. Puis sa haine. Il se souvint des grandes flammes dans lesquelles il avait failli sauter pour oublier sa douleur, des longs jours durant lesquels il avait voulu en finir, du trou béant qu'avait laissé la disparition de la seule personne dont il était attaché. Il se souvint du comportement de son père, fier, conquérant. Des regards dégoûtés qu'il lui jetait, des piques qu'il lui lançait.
-Le salaud, il va me le payer, je te le jure ! fit-il en serrant les poings et en imaginant toutes sortes de tortures qu'il pourrait infliger son père.
-Non Marc, ça ne servirait à rien, dit doucement Sandra en posant avec délicatesse ses mains sur les phalanges de son fils qui étaient devenues blanches. Calme-toi, j'ai une solution, mais il faut que tu me laisses finir d'expliquer toute l'histoire pour que tu comprennes l'étendue du problème.
Elle regarda Marc avec toute la douleur qu'une mère pouvait ressentir en voyant son garçon pleurer. Elle était différente, certes, mais c'était son fils, elle l'avait mis au monde et cela avait crée des liens qu'elle n'aurait jamais cru possibles. Etait-ce cela le fameux "amour" qu'elle n'était pas censée éprouver ? Ce n'était pas le même que Marc ressentait pour Emma, mais elle savait qu'il en existait plusieurs sortes, et le sien, c'était ce que les gens, les mères, appelaient "amour maternel", elle en avait été sûre dès la naissance de Marc, ce jour qui avait changé sa vie, l'instant où elle s'était rendue compte qu'elle n'était pas comme Antoine, le mari qu'avait choisit le Gouvernement pour elle, et heureusement qu'elle ne lui a rien dit, sinon elle aurait fini comme son père, ou bientôt comme Marc, mais elle ne le laisserait pas faire, il ne lui enlèverait pas son fils ! Elle le serra dans ses bras, geste qu'elle n'avait pas fait depuis la disparition de son père réalisa-t-elle. Elle le sentit se calmer, et une fois sûre qu'il était revenu à un état plus pacifique, elle reprit la parole, prête à entrer dans le vif du sujet.
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UnLovers
RandomCela fait quatre ans qu'Emma est amoureuse de Marc et ce dernier ne semble pas partager ses sentiments. Mais est-ce parce qu'il ne veut pas ou parce qu'il ne peut pas ? Echec après échec, Emma se rend compte que quelque chose cloche chez lui et se m...