UnLovers

Douleur. 7

Il ouvrit les yeux brusquement. Ses joues étaient trempées.

"Putain de larmes !" cria-t-il.

Après la scène du feu, il s'était enfermé dans sa chambre pour pleurer. Il avait hurlé à s'en vider les poumons d'air et à se briser les cordes vocales, il avait déchiré ses  draps et percé ses oreillers, il avait renversé sa bibliothèque et arraché les pages de son roman préféré. Marc était resté une heure dans ce monde de destruction, il devait extérioriser sa souffrance  s'il ne voulait pas être le seul à ressentir la douleur. Il avait jeté un regard par la fenêtre et avait vu les flammes dans son jardin. Une heure qu'elles brûlaient, une heure que son grand-père avait été emmené.

Finalement il était descendu pour voir sa mère et sa sœur. Il les avait trouvé dans la cuisine, les bras l'une dans l'autre, elles pleuraient et hurlaient. Il avait "entendu" toute la souffrance de leurs âmes, il avait senti à quel point elles étaient déchirées, autant que lui, même.

Il avait abandonné son chaos pour trouver du réconfort et un endroit calme dans les bras de sa mère, il avait espéré, égoïstement, qu'elles sauraient à quel point il était perdu et qu'elles s'occuperaient de lui, qu'elles laisseraient tout tomber pour lui, leur chagrin et leur peine, mais il s'était rendu compte qu'elles souffraient aussi. Il s'était souvenu que son grand-père était aussi celui de sa sœur et qu'il était avant tout le père de sa mère. Un sentiment de haine était doucement monté en lui et il avait décidé de retrouver sa chambre lorsqu'il avait entendu sa mère l'appeler d'une voix douce et déchirée, alors, malgré toute la fierté qu'il avait assemblé pour arrêter de pleurer quelques instants auparavant dans sa chambre, il s'était jeté dans les bras protecteurs afin de laisser couler sa douleur.

Il tira sur sa manche et l'utilisa pour nettoyer ses joues humides. Ca faisait longtemps qu'il ne s'était pas plongé dans ses souvenirs, et il ne souvenait pas qu'ils étaient aussi douloureux. Il pensait qu'avec le temps leur intensité se serait dégradée, mais non, il avait toujours la même impression, celle de revivre la scène.

Marc entendit soudain un bruit de voiture dans l'allée et commença à percevoir les pensées de ses parents. Il prit les quelques livres qu'il avait trouvé et les cacha dans sa chambre. Il ne fallait pas que ses parents sachent qu'il s'intéressait sur "ce sujet", sinon il risquait bien de finir comme son grand-père, mais il allait devoir trouver un moment pour étudier ces textes. Il sortit ensuite des cahiers et fit semblant de faire ses devoirs pour occuper ses pensées. Ainsi ses parents le trouveraient plongé dans des algorithmes complexes.

Durant tout le week-end il se força à ne pas penser à ses livres soigneusement rangés dans son sac de cours. Il avait trouvé une solution, assez simple à vrai dire : il s'isolerait dans un coin pour pouvoir les étudier. En plus, à quelques mètres du collège se trouvait un petit bois, où il serait sûr de ne pas être dérangé.

Mais un autre sujet torturait son esprit : des images d'Emma en train de mordiller un stylo revenaient sans cesse. Plus il se forçait à les chasser, plus elles revenaient, et chaque fois avec plus de force. Heureusement que sa sœur était occupée avec une affaire sur une dispute entre copines, sinon elle ne l'aurait pas lâché. Il put ainsi se consacrer entièrement aux souvenirs de ses lèvres pleines et roses, des ses grands yeux gris paniqués à la vue du sujet de maths, et des mouvements de sa tête qui faisaient balancer ses longs cheveux châtains. Il se rendit compte qu'il les adorait : il aimait la manière dont ils venaient tomber devant ses yeux lorsqu'elle était concentrée, il était fasciné par les reflets dorés ou roux qu'ils prenaient selon la lumière. Ils avaient l'air doux et lisses. Marc s'imagina en train de les caresser, sa main faisant des mouvements lents dans sa belle chevelure. Il se surprit à se sentir heureux rien qu'en y pensant. Il se sentait calme, serein, pas rempli de haine comme d'habitude. Il se ressaisit, se trouvant trop mou :