Janvier 1413
Une année s'était presque écoulée depuis la pendaison de Tancrède, à Roibourg. La deuxième que Gautier et Ralph avait passé avec Cruel et les autres.
Il faisait froid en cet après-midi de début janvier lorsque des cris parvinrent au campement. Tous se regardèrent, se demandant quoi faire, à l'exception de Maurin qui dormait à poings fermés. Les bruits étaient tout proches du campement.
Gautier et Ralph se hâtèrent les premiers jusqu'à la source des bruits, rapidement rejoints par Alix, Cruel et Théobald. Le groupe était dissimulé par quelques arbres et buissons. Les cris étaient ceux de six combattants. Trois de ces derniers étaient en armure complète assez sombre, tandis que les trois autres ne portaient, en tout et pour tout, qu'une tunique blanche sertie d'une sorte de grosse ceinture rouge, descendant derrière eux. Les « hommes en blanc » se battaient comme des diables. L'un deux tua rapidement l'un des ses ennemis, à l'aide d'une lame fixée à un brassard sur son poignet.
Gautier n'avait jamais vu cela.
Cependant, cela ne l'empêcha pas de chuchoter : « Allons-y, on pourrait les vaincre et détrousser leurs cadavres ensuite ! Attendons juste que quelques uns meurent.
- Vois comme ils se battent, quelle idée ridicule que de leur foncer dessus, sombre idiot ! Je te l'interdis » répliqua Cruel.
Gautier n'en pouvait plus des ordres de ce chien. Pour seule réponse, il regarda Ralph, qui hocha la tête. Les deux partirent à toute vitesse vers les guerriers et dégainèrent leurs lames. Seuls quatre hommes étaient encore debout ; deux de chaque « camp ». Gautier jaugea rapidement la situation : les hommes à la lame cachée avaient l'avantage. Gautier décida donc d'attaquer les deux autres, déjà affaiblis ; Ralph suivit son ami.
Le combat était déjà bien engagé quand Alix vint leur prêter main forte.
« Théobald s'est enfui, mais Cruel arrive, et il est en rogne ! » dit la jeune femme lorsqu'elle se retrouva dos à dos avec Gautier, afin de repousser les assauts plus facilement l'espace d'un instant.
Gautier grogna et fonça sur son ennemi ; il réussit à trouver une faille dans son armure et l'acheva lorsqu'il fut à genoux. Dans le même temps, Ralph et Alix tuèrent le dernier homme en armure. A présent, il ne restait plus que deux hommes en blancs et Cruel.
Ralph engagea le combat le premier, mais déchanta vite ; son ennemi l'avait touché à la jambe, et le sang affluait. Gautier s'interposa entre son ami et l'assaillant avant que ce dernier ne l'achève. Ralph recula tant bien que mal et tenta de s'éloigner. Gautier, quant à lui, para un coup, puis deux, avant de faiblir une toute petite seconde.
Erreur.
Le guerrier lui entailla profondément la joue droite du tranchant de son épée. Gautier poussa un cri, suivi d'un juron. Fou de rage, il fonça sur son adversaire et le plaque au sol. L'homme lâcha son épée et tenta de blesser Gautier avec sa lame cachée, en vain. Gautier dégaina sa dague et trancha la gorge du combattant. Le sang chaud gicla sur son visage ; il aimait cette sensation.
Malgré sa blessure au visage, il se replongea dans la mêlée. Le dernier des hommes mystérieux s'enfuit lorsqu'il vit le cadavre de son compagnon. Il courait comme si le Diable en personne le poursuivait. Gautier ne tenta pas de le poursuivre et s'attaqua à Cruel, aidé d'Alix.
Cruel bouillonnait de rage, et sa lèvre inférieure était en sang. Il attaqua Alix, qui esquiva habilement avant de lui taillader le museau.
Cruel était affaibli, et, visiblement, sa rage lui faisait perdre ses moyens. Cruel détestait que quelqu'un refusât ses ordres. A tour de rôle, Gautier et Alix l'attaquaient et, contrairement à ce que Gautier pensait, ils arrivèrent rapidement à le vaincre.
Gautier allait l'achever lorsqu'il entendit la voix de Maurin s'élever. Alix et Gautier dévièrent le regard vers ce dernier. Il descendit le talus de feuilles à toute allure et fondit sur Gautier qui le repoussa. Maurin tomba au sol.
Gautier se retourna ; Cruel en avait profité pour filer. Il le vit courir tant bien que mal vers le sud. Il voulut le rattraper mais Alix l'en empêcha : « Laisse-le, le temps est venu d'oublier cet infâme bâtard. Qu'il crève sur les routes. »
Il acquiesça et regarda Maurin. Gautier jaugea le misérable quelques secondes avant de lui planter sa lame au niveau de l'épaule gauche.
« Te tuer serait bien fade. Souffre, imbécile. »
Il lui lacéra aussi la cuisse droite. Pendant ce temps, Alix s'était rendue auprès de Ralph, qui semblait souffrir. Gautier donna un violent coup de pied à Maurin, qui hurla de douleur et dévala ensuite la pente de la forêt.
« Enfin débarrassé de ce fils de putain. » souffla Gautier.
Il rejoignit ensuite ses deux compères. Alix avait déchiré une partie de la tunique blanche d'un des hommes et l'avait appliquée sur la blessure. Le morceau de tissu était déjà recouvert de sang.
« Nous devons partir, je vais chercher les deux chevaux au campement et prendre ce que je peux, je reviens. »
***
Ils galopaient maintenant depuis une bonne heure, en direction du Nord. Gautier et Ralph étaient montés sur l'étalon gris, tandis qu'Alix l'était sur le bai. Les deux chevaux avaient survécu depuis leur arrivée quelques mois plus tôt, contrairement à la jeune fille. Cruel l'avait gardée deux semaines avant de s'en lasser de la tuer. Il n'avait même pas partagé ; « Salaud jusqu'au bout celui-là. » pensa Gautier.
Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant une auberge ; la première depuis leur départ.
« La nuit tombe, et nous sommes tous fatigués ou blessés, y compris les chevaux. Nous devrions nous arrêter ici cette nuit. », déclara Alix.
Gautier acquiesça en soupirant. Sa joue lui faisait un mal de chien, même si Alix avait réussi à légèrement apaiser la douleur. Cette dernière lui sourit ; cela lui réchauffa un peu le cœur.
Enfin, ce qu'il en restait.
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Cent Ans
Historical FictionLa guerre a tué, tue et tuera toujours. Celle dite "de Cent Ans" ainsi que la guerre séculaire opposant Assassins et Templiers ne font pas exception à la règle. Chacun le sait, même les quelques bandits tranquillement établis non loin d'un village...