Quelques minutes plus tard, nous marchons d'un pas lent sur le chemin du retour. Trish me parle de Jimmy Demetter, le capitaine de l'équipe de baseball du lycée avec qui elle aimerait sortir depuis le primaire. Je l'écoute à moitié observant ses cheveux blonds voler dans le vent. Nous sommes à la mi-octobre, il commence à faire froid. L'automne a déjà pris possession des lieux. La rue est couverte d'un manteau de feuilles aux couleurs chatoyantes et le vent omniprésent fait danser celles-ci, donnant vie à la rue. Les piscines dans les jardins, vestiges de l'été sont couvertes de bâches et les maisons sont décorées de citrouilles, bougies, épouvantails et fausses toiles d'araignées annonçant Halloween. J'aime cette période de l'année où l'on a le teint encore hâlé par l'été et pendant laquelle on ressort les bottes et les trenchs en pensant que très vite, les fêtes de Noël seront là.
Enfin, cette année-là Trish et moi n'étions pas bronzées. Nous avions passé l'été recluses chez elle dans l'attente d'un coup de fil de l'hôpital. Le cancer du sein de sa mère, Hélène, avait resurgi au printemps et elle avait subi une ablation au mois d'août. Ne partant pas en vacances, j'avais séjourné la moitié de l'été chez Trish pour la soutenir et lui tenir compagnie. Mais ça nous était égal, car nous avons gagné un voyage en République Dominicaine en jouant à un jeu sur internet cet été et nous avons décidé de partir pendant les vacances de février. Cet hiver, quand tout le monde sera en train de gratter les vitres des voitures, nous serons loin. Cette pensée me console de n'avoir pu exposer au soleil ma peau qui en a grand besoin.
Mais pour l'instant mes pensées sont prises par ce garçon. Non seulement sa rencontre aurait suffi à me nouer l'estomac, mais ce qu'il a chuchoté, a vingt mètres de moi, ce « on se voit plus tard », me tyrannise l'esprit. Est-ce que j'ai bien compris, et dans ce cas pourquoi a-t-il dit ça sans même me connaître ? Il l'a dit comme s'il était sûr qu'on allait se voir « plus tard », et comme s'il savait que j'allais pouvoir lire sur ses lèvres. Est-ce que mon imagination m'a encore joué un tour ? Trish me raconte inlassablement son histoire que j'ai entendue des millions de fois et je décide de l'interrompre.
— Il m'a dit « on se voit plus tard ».
Elle me fixe soudain, ne donnant aucun signe de compréhension.
— Quoi ? Mais de qui tu parles ? De Jimmy ? Pourquoi il t'a dit ça ?
— Mais non, pas Jimmy, idiote...
Je lève les yeux au ciel. Trish continue à me fixer comme si elle n'y comprenait rien.
— Le type du supermarché Trish ! Il me l'a dit avant de sortir du magasin, je l'ai lu sur ses lèvres, c'était bizarre, comme si....
— N'importe quoi !
— Si, je t'assure, je n'invente pas, il me regardait, et puis d'un coup il l'a dit. Je n'ai rien entendu mais je l'ai lu sur ses lèvres...
— Léna ! Tu sais, je t'aime beaucoup, mais parfois quand certaines choses te tiennent à cœur, et dans ce cas je sais que ce garçon ne t'a pas laissée indifférente, eh bien, parfois... tu imagines des choses, je te jure, t'es un peu la Amélie Poulain américaine, se moque-t-elle en riant.
Comprenant que ça ne sert à rien d'en parler et que de toute façon je n'arriverai pas à exprimer ce moment que j'ai eu, avec lui, je lui adresse un sourire crispé et la laisse reprendre son histoire.
Nous arrivons devant ma maison. Trish me demande si je suis sûre de ne pas vouloir venir à la soirée qui a lieu le soir même, chez je ne sais qui... Je lui réponds que je préfère me reposer. En réalité je préfère être seule pour penser à lui. C'est ridicule, je sais. Nous nous saluons et elle reprend son chemin. Mon amie vit à un pâté de maisons plus loin.
VOUS LISEZ
He's she
RomanceAprès un accident qui aurait pu lui coûter la vie, Léna Reed se voit grandir trop vite. De nature réservée, cette habituelle rêveuse le devient davantage et s'enfonce dans une routine ordinaire. Entre le lycée et son petit job d'étudiante, elle ne s...