Chapitre 16 De tes peines

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Cliquer sur « envoyer » a été la chose la plus douloureuse que je n'ai jamais eue à faire de toute ma vie. Mon cœur éclate littéralement en mille morceaux. Ce petit geste vient de détruire le peu de lumière qui éclairait mon âme. Je suis brisée depuis ce jour de novembre au cours duquel il a décidé de ne plus répondre à aucun de mails, de disparaître. Je croyais que j'avais puisé toutes les larmes de mon corps pendant ces dernières semaines, mais il faut croire que non. J'aurais toujours assez de larmes pour Sam. Le plus étrange, c'est que je l'aime toujours malgré son comportement odieux. Je crois que je l'aime même encore plus.

Quand j'ai réalisé qu'il ne me répondrait plus jamais, j'ai eu l'impression qu'on m'arrachait quelque chose. Que je perdais une partie de moi. Perdre Sam c'est me perdre un peu. Son absence se lit dans mes yeux, sur ma peau qui a perdu de son éclat, sur mes joues qui sont déchues de leurs rondeurs enfantines. Le feu qui m'animait n'était plus qu'une petite étincelle et je viens de souffler dessus en lui envoyant ce dernier message. Ces derniers mois ont été exténuants. Avant que je ne rencontre Sam, j'avais le sentiment de vivre ma vie comme un pantin articulé. Et ces derniers mois, à chaque fois que je me heurtais à son silence, c'est comme s'il coupait les petits fils qui me retenaient à la vie, un à un.

Mes parents ont voulu m'envoyer voir un psychologue. J'ai fait des cauchemars pratiquement toutes les nuits. J'ai bu de l'alcool presque tous les Week-ends. Les fêtes de Noël et de fin d'année que j'aime tant sont passées sans que je ne m'en rende compte. J'ai passé mon temps à fixer les flocons qui tombaient sans pouvoir émettre une pensée positive. J'ai été un zombi. Je le suis toujours. Toutes sortes de choses me sont passées par la tête. J'ai pensé qu'il menait une double vie... Qu'il était marié, qu'il avait peut-être un enfant... Qu'il avait réalisé que je n'étais pas assez bien pour lui, ou qu'il avait rencontré quelqu'un au Canada. Qu'il était mort ou qu'il n'avait même jamais existé. Je suis toujours incapable de savoir si une de ces suppositions est exacte. Je n'arrive pas à comprendre comment je fais pour ne pas lui en vouloir et de l'aimer encore. S'il venait vers moi après tout ce temps, l'air de rien, je l'accepterais. Je suis faible. Il me rend faible.

Jeff a été merveilleux. Il a bien vu que quelque chose n'allait pas, même si ce n'était pas difficile à deviner. Il a tout fait pour que je me sente mieux. Il n'a même pas cherché à comprendre ou à en savoir plus. Il n'a cessé de panser mes plaies sans rien me demander. Je suis un monstre de continuer à aimer quelqu'un qui n'existe plus alors que lui est là, avec plein d'amour à m'offrir. Je n'ai cessé de combler le manque de celui qui m'anime en allant flirter avec Dany, comme une boulimique. Une boulimique de sensations physiques. C'en était devenu un besoin. À chaque fois que j'en ai eu l'occasion, je me suis jetée sur lui à l'abri des regards, le laissant même toucher mon intimité de ses doigts experts. Si on n'avait pas mis un terme à tout ça, je crois qu'on aurait fini par coucher ensemble dans les toilettes du lycée comme deux dépravés. Je n'aurais jamais cru ça, mais me sentir désirée m'a aidée à tenir bon. Me faire tripoter dans les toilettes, à l'arrière d'une voiture, ça a été ma bouée de sauvetage, mon salut, une échappatoire. Ce sont les rares moments où j'ai pu me sentir vivante. Je ne me reconnais pas... Sam a bouleversé ma vie et je ne sais toujours pas pourquoi... Je ne sais pas si Sam a lu mes messages. Je ne le saurai jamais.

Je suis là, sur mon lit, à déverser des litres de larmes en regardant l'écran de mon téléphone. Si mes parents ne dormaient pas dans la chambre d'à côté, je me mettrais probablement à hurler, à casser tout ce qui me tombe sous la main. Je finis par sombrer dans le sommeil, en position fœtale, serrant mon portable contre moi et sans arrêter de me dire que... je viens de dire adieu à Sam.

Le matin, ma mère ouvre les rideaux de ma chambre pour me tirer du sommeil et dépose une tasse de café sur ma table de nuit. Puis elle s'attarde un moment sur mon lit et me caresse les cheveux avec un voile de tristesse devant les yeux. Elle me demande de me lever et s'en va. C'est comme ça tous les jours depuis que mes parents sont rentrés de Boston. Parfois c'est mon père qui fait ce rituel. C'en est tellement devenu une routine qu'il m'arrive d'en rêver. Sauf que dans mes rêves, d'autres gens que je connais remplacent mes parents. Je n'ai plus envie de me lever le matin. Je pourrais dormir à longueur de journée. Mais il le faut.

He's sheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant