Pommes de terre dégueu, accompagnées de quelque chose qui ressemble à de la viande.
Tout ça c'est de la faute de Ji Yong, mon frère jumeau. Lui et sa grande gueule. S'il n'avait pas provoqué cette folle et si on ne s'était pas battus, on ne se serait pas retrouvés au centre de détention juvénile.
Bon, je dois avouer que je suis un peu en faute aussi. Mais je n'étais pas dans mon état normal : on s'était enfilé une sacrée dose de soju, avec mon frère. C'était le troisième soir de suite qu'on buvait et qu'on faisait les fous. Notre cœur se met à battre quand on se bagarre, quand l'échelle d'adrénaline se met à monter. Se battre contre un adversaire, c'était avoir un but : gagner le combat. Une perspective d'avenir.
Soudain, j'entends mon frère crier : « Ji Hee ! Tu vas bien ? » Comment a-t-il réussi à venir dans le réfectoire des filles ? Je n'ai pas le temps de répondre que les gardes chopent mon frère et l'emmènent au loin.
« Ji Hee ! » continue-t-il à beugler.
Je finis par lui crier que je vais bien pour qu'il se calme, avant que les gardiens ne lui fassent du mal. Il finit par m'apercevoir et se laisse emporter par les gardes, rassuré. Au passage, l'un d'eux ne se gêne pas pour lui foutre un coup dans l'estomac. Ce n'est pas grave. On a vu bien pire.
J'entends quelqu'un à côté de moi grommeler quelque chose. Je me retourne et vois que c'est la fille que Ji Yong a provoqué hier soir.
« Qu'est-ce qui y'a ? je lui lance méchamment.
- Ton copain n'est pas net.
- Je t'interdis de parler comme ça de mon frère » je rétorque.Puis, je prends mon plateau et m'éloigne pour aller m'installer à une table vide. Cette fille me tape sur les nerfs. Elle s'est pris pour quelque chose avec ses « chef de gang » et « mon territoire ». Son territoire ? Elle se croit où !? Dans un remake de GTO ? Sérieusement ! En plus, elle n'a aucune élégance ! On aurait dit une vraie bête avec son regard ivre de colère et son cri qui pourrait effrayer les animaux les plus féroces.
Par contre, elle est restée bien silencieuse lors du trajet jusqu'au commissariat. Et même après. Elle et ce garçon, Sato qu'elle l'appelait, n'ont pas dit un seul mot. J'ai entendu quelques personnes discuter entre elles, dans le couloir, quand Ji Yong et moi patientions avant d'être interrogés. Ils disaient que ces deux-là n'avaient pas pipé mots. Pourtant, quand on attendait la décision du juge tous les quatre, dans une salle surveillée par des gardes, je les ai vu se chuchoter des choses à l'oreille. Cette folle avait l'air de se retenir d'exploser à plusieurs reprises, en serrant et desserrant les poings. Je crois bien que, si elle n'a rien fait, c'est grâce à ce garçon. De temps à autre, elle nous lançait des regards meurtriers. Je suis soulagée de ne pas être dans la même cellule qu'elle.
Poussant un soupir, je m'attaque à mon déjeuner. L'appétit n'y est pas. Je pense à mon frère. Hier soir, il était bien amoché. Sato ne l'a pas loupé. Je l'ai bercé dans mes bras dans la salle de détention provisoire, en attendant qu'on nous emmène. Quand le policier a essayé de nous séparer pour nous placer dans des voitures différentes, j'ai piqué une crise. Comme d'habitude, quand il s'agit de ma moitié et de séparation. Le policier a fini par céder et j'ai continué à bercer Ji Yong dans mes bras.
On ne doit être séparés que depuis une petite heure tout au plus, mais Ji Yong me manque déjà. Poussant un autre soupir, j'observe mon entourage. La cantine ressemble à un self lycéen. Les plus populaires se trouvent sur une longue rangée de tables, rigolant et parlant plus fort que les autres. Les plus rebelles, seules dans leur coin, silencieuses. Quant aux plus dangereuses, elles sont assises sur les tables et surveillent attentivement la cantine. Mon regard se pose sur la copine de Sato. Debout, adossée au mur près du service de nourriture. Elle balaie du regard la salle, se demandant sûrement où elle allait bien pouvoir se poser. Quoique, elle a plutôt le regard d'un prédateur à la recherche d'une proie. Ses vêtements sont toujours imprégnés de sang. Du sien et du mien. Enfin, vu l'état quasiment parfait de son visage, je dirai que c'est plutôt le mien qui sert de nouvelle couleur à son bombers. Son jogging de sport est troué et ensanglanté à quelques endroits. Je ne parlerai pas de ses chaussures, tellement j'en ai honte. Vraiment, cette fille a besoin de quelques bons conseils de mode. Quoiqu'il en soit, elle n'a pas l'air de s'inquiéter plus que ça pour son pote, qu'elle ne verra pas avant longtemps. Les garçons et les filles n'ont pas les mêmes cours de promenade ni les mêmes activités. A cette pensée, mon cœur se sert très fort.

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Gang Project
Fiksi RemajaUne chef de gang un peu trop violente, un gars aussi pipelette qu'une grand-mère célibataire, une fashion victime qui n'a pas froid aux yeux et un gars aussi causant qu'une porte de prison : difficile d'imaginer une parfaite entente, facile d'imagi...