Blue Steam

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Je marchais, tremblotante de froid tandis que ma vision était rendue floue par les nombreux verres d'alcool et les multiples pétards sur lesquels j'avais tiré. Quelle soirée de merde. Je n'avais pas pu rester, tout était bien trop oppressant dans cet appartement. La musique battait fort et les gens s'écroulaient un par un de fatigue et d'alcool , et les plus résistants avaient la tête dans les chiottes. J'étais moi-même complètement défoncée, avançant ne sachant pas où mes pas me mèneraient. Mon regard était fixé depuis bien cinq secondes sur la façade de l'immeuble en face de moi, comme si mon cerveau n'ayant pas calculé que c'était une impasse, prenait le temps de localiser un autre trajet menant vers nulle part. Les fenêtres paraissaient être d'immenses yeux qui me regardaient avec colère et la porte semblait être une bouche me hurlant dessus. Je mis mes mains sur mes oreilles.Une fois mon chemin chargé dans ma tête, je fui ce monstre créé par les ongles griffus de la nuit et m'élançai sur les pavés, mes pieds nus glissant sur ceux-ci. Il semblait tellement y avoir de bruit dans mon crâne qui bourdonnait et pourtant c'était comme si la vie s'éteignait dès la tombée de la nuit. Tout était désert, rien ne bougeait, pas même les feuilles mortes dans les flaques d'eau larmoyantes de l'automne. Qu'importe, de toute manière je haïssais cette saison. Tout devenait triste, plus triste encore que l'hiver qui était normalement la période portant la symbolique de la mort. J'avais l'impression que les bâtiments défilaient devant moi alors que c'était moi qui défilait devant eux. Je ne sentais plus mes jambes, ni mon corps d'ailleurs. Je n'étais plus qu'une tête flottant au milieu de l'espace temps. Une tête qui emprunta un chemin sombre où débordaient des portails des maison un amoncellement de ronces peu accueillant qui déboucha finalement sur une large place faiblement éclairée aux airs de Bellecour miniature. Revigorée par ce constat, j'enlaçai un arbrisseau et dansai une esquisse de valse sur Moonlight Serenade qui me passa rapidement dans l'esprit. Je n'avais pas la moindre idée d'où je pouvais bien être et je n'avais aucune notion du temps que j'avais passé à marcher. Un souffle de vent décoiffa un peu plus mes cheveux détachés. J'observai mes jambes. Elles étaient couvertes de bleus, de morsures, et de suçons. Je n'avais de souvenir que de ce qui s'était passé au début de la fête. Le reste était du brouillard. Autant dire que la personne qui m'avait fait ces marques m'était parfaitement inconnue, ayant certainement profité de mon état de poupée de chiffon pour accomplir ce qu'elle désirait. Mais désormais j'allais bien. Enfin non. Bien était un grand mot. J'allais surtout légèrement mieux. Je fit une rapide vérification des effets que je ressentai toujours. Jambes tressaillantes, état de larve, légères hallucinations visuelles, tendance à n'arriver à réfléchir qu'avec grande difficulté, parler avant de réfléchir. Certes, je n'allais pas mieux. Mais au moins ma mémoire paraissait de nouveau fonctionnelle. Je me traînai jusqu'à un banc. J'avais l'impression d'avoir la tête bloquée sous l'eau. De me recevoir toutes les secondes des vagues dans le cerveau. J'avais un peu peur. Je tirai sur ma robe pour essayer de cacher mes cuisses. C'était peine perdue. Je n'étais pas croyante mais je priai pour ne pas me faire violer. La drogue faisait apparemment croire au seigneur.

J'étais pitoyable. J'espérai que personne que je ne connaissais passe par ce chemin et me voit dans cet état. Mais il y avait peu de chances. Le lendemain j'avais cours et il ne devait pas être loin de trois heures du matin.

Je me levai et allai me traîner un peu plus loin sur la place, mes pieds sans force raclant le sable orangé et mes hanches tangant à la manière d'une pendule.

Soudain j'aperçu un homme sur le banc face à moi, à seulement quelques mètres. Et s'il appelait la police? Et s'il profitait de moi? Il avait des cheveux brun où s'étallaient quelques nuances de gris. Il était seul. Mais peut-être pouvait-il m'aider à retrouver mon chemin. Mes pieds, ayant apparemment chacun prit un parti différent, se croisèrent pour enfin partir dans des directions opposées, me faisant lourdement chuter au sol, la moitié du visage balayant la poussière orange de la place. Je vis l'homme sursauter à mon bruit en tombant, se tourner à droite, puis à gauche, et quand enfin il se tourna vers moi, j'étais assise, essayant tant bien que mal de me redresser.

-Juliette?

Tiens, tiens cette personne me connaissait.

-N'appelez pas la police, suppliai-je

Ma bouche avait encore une fois de plus parlé sans l'accord de mon cerveau. Je la grondai de manière muette. Revenue à la personne face à moi, je plissai les yeux. L'alcool me faisait voir trouble. Je n'avais pas la moindre idée de qui cela pouvait être. J'observai ses pieds. Ses chaussures étaient vraiment moches. Un croisement entre des Timberland et des Snickers pour le moins affreux. Je remontai sur son jean d'un bleu le plus banal du monde. Un pull bleu clair par dessus une chemise blanche. Au moins il ne devait pas avoir froid.

-Qu'est-ce que tu fais ici?

Il s'avançait vers moi. Je reculai sur mes mains, mes pieds me poussant le plus loin possible de lui en faisant glisser mes fesses sur le sol. Je ressentais son approche comme une intrusion. Son visage me disait quelque chose mais ma mémoire refusait de me donner plus d'informations. Il s'arrêta quand il vit mon manège ridicule. Il avait les yeux bleus et des lèvres fines. Il n'était pas très grand mais avait une jolie silhouette. Il fallait absolument que je me souvienne de lui. Je compris dans son regard qu'il avait deviné l'état dans lequel je me trouvais. Il fronça les sourcils.

-Où sont tes parents?

Je demeurai muette. . Un spasme me parcouru. Il jeta un coup d'oeil à mes jambes. Je regardai vers le ciel tentant d'échapper à son regard inquisiteur et sans aucune raison je me mis à rire. Un rire pur et incontrôlable Il se rapprocha de moi, toujours aussi défoncée. Il me tendit la main. Je ne la pris pas. Alors il coinça ses mains sous mes bras et m'aida à me soulever.Un frisson de délice parcouru mon corps devenu ultrasensible au toucher à cause de la drogue. Je fixai une dernière fois son visage. Oh shit. Ma mémoire avait accepté de revenir. Je savais qui était cette personne. Ma bouche se souleva en un sourire en coin. J'allais avoir des problèmes.



Le Chemin de la Vapeur (Prof - Élève)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant