Amélie acheva d'enfiler ses bottes de cuir et se regarda dans le miroir. Elle n'avait pas les belles boucles blondes d'une princesse, elle était brune et ses longues mèches étaient raides. Cela lui permettait de se faire facilement passer pour ce qu'elle n'était pas. Aujourd'hui, ce serait une domestique du bateau sur lequel elle venait de monter, une manière simple et rapide de quitter son pays en toute discrétion.
C'était presque parfait. Elle réarrangea sa coiffure de sorte à cacher la longueur de ses cheveux sous son bonnet de dentelle et refit son maquillage à la mode simple, comme elle avait vu faire sa servante nombre de fois.
Elle sortit tout en enfilant ses gants pour cacher ses mains trop fines et se rendit auprès de la famille qu'elle était sensées servir. Sur le pont, toute une cohorte de familles de petite noblesse arrivait par vagues avec leurs malles conséquentes. Tous allaient au mariage diplomatique du moment, un roi sorcier d'une île voisine avec une comtesse du continent... Amélie avait vu sa chance dans cet évènement et elle l'avait saisie. Quand elle arriverait sur l'île, elle pourrait fausser compagnie à ses maitres et obtenir l'audience d'un sorcier. Tel était son but.
La famille pour laquelle elle travaillait était nombreuse. Il s'agissait de comtes peu connus de la cour. Elle-même qui avait vu passer bien des courtisans et leurs famille ne les avait jamais rencontré, et c'était d'ailleurs pour cela qu'elle les avait choisis. Il y avait ainsi bien moins de chance pour qu'on la reconnaisse.
Hélée par la mère de la famille nombreuse, elle n'eut qu'à obéïr aux ordres. Déballer une malle, arranger les fleurs sur la table, changer la petite dernière et lui lire un conte pour qu'elle cesse de pleurer. Rien de bien méchant et qu'elle ne soit en mesure d'accomplir. La petite fille qu'on venait de lui mettre à charge était une adorable gamine avec de grands yeux bleus terrifiés, et si c'était bien celle avec qui elle devrait passer la traversée, alors ce serait une véritable partie de plaisir. Elle était très à l'aise avec les enfants.
Le bateau prit la mer en milieu d'après midi, la traversée devant s'achever deux semaines plus tard au port de l'île du roi sorcier.
- Ne pleure pas Éphanie, souffla Amélie en berçant la petite dans ses bras. Tout va bien se passer. Tu as vu les vagues ?
Pendant que la petite regardait l'eau croyant y voir des formes, la princesse regardait les terres s'éloigner. Elle en avait fait des bêtises, mais aller aussi loin, ça, jamais. Son père ne savait surement rien, à l'heure qu'il était, mais elle avait laissé un message pour le prévenir. Lui aussi était parti en voyage. Quand il saurait où elle était, il n'aurait aucun moyen de stopper son plan maintenant que la mer la séparait de lui. De plus en plus... Elle retint ses peurs, ses scrupules, ses inquiètudes et sourit à la petite fille dans ses bras.
- C'est beau, n'est-ce pas ? Tu peux l'admirer autant que tu veux. Ça s'appelle l'océan. Tu n'en as pas chez toi, je parie, hein ?
- Astrid, va chercher de l'eau pour Lionnela qui ne se sent pas bien.
- Oui, madame.
Tête baissée, elle obéït, rapide comme devait l'être toute servante. Elle aurait préféré ne jamais sortir de cette cabine au cas où quelqu'un la reconnaisse malgré son déguisement. Mais elle ne devrait pas être en danger, les servantes étaient des femmes invisibles qui ne méritaient pas l'attention de la noblesse. Et puis qui irait imaginer que la princesse s'était grimmée en servante ? Alors tachant d'être humble et discrète elle quitta le repli de la cabine, le broc vide à la main, pour monter sur le pont et atteindre la grande salle et son buffet qui avait été préparé pour les voyageurs.
Dès le premier coup d'oeil, elle reconnut des visages qui lui étaient familiers. Elle tourna rapidement la tête devant un lointain cousin, esquiva un des habituels courtisans de sa cour et réussit à obtenir l'eau qu'elle était venue chercher... Au moment où elle se retourna, elle tomba face à face avec Adam de Saad. Adam, c'était aussi un courtisan qui s'était révèlé, il y avait quelques années, aussi abjecte et interressé que les autres. Sauf que lui, elle l'avait embrassé...
Et zut, elle s'était déjà trahie. Pourtant le comte de Saad ne lui accorda pas un regard. Il ne l'avait pas reconnue. Non, Adam ne s'interressait pas aux soubrettes, mais seulement aux princesses, elle en savait quelque chose...
Elle continua sa manoeuvre d'esquive jusqu'à la cabine où elle se permit enfin de souffler. S'il y avait bien quelqu'un qu'elle n'avait pas envie de rencontrer aujourd'hui, c'était bien lui. Il faudrait qu'elle mette beaucoup de soin à l'éviter, désormais.
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Naufragés
RomanceIl y a deux ans, Amélie, princesse du royaume d'Evont, et Adam, comte de Saad, se sont séparés sous le glas de la trahison. A nouveau confronté l'un à l'autre lors d'un voyage diplomatique vers une ile voisine, ils vont devoir apprendre à se faire à...