Sur le bateau - Chapitre 4

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Le lendemain, Amélie s'éveilla avec difficulté. Tout son corps endolori répugnait à quitter le repos, même inconfortable de sa couche dure et minuscule, mais la gouvernante de la famille était intransigeante. Elle déjeuna trois fois rien avec les autres, puis commença à briquer de fond en comble le quartier des servantes avec les plus jeunes d'entre elles, attendant que les maitres se lèvent pour continuer avec les leurs. Ce n'est qu'à la mi-journée, qu'elle retrouva l'air libre avec soulagement, respirant juste un peu d'air non confiné pour aller chercher les repas des filles de Gey rendues malades par le roulis. Alors qu'elle retournait vers les cabines, Adam, qui arrivait en sens inverse, la bouscula, la faisant renverser ses assiettes. Il poursuivit son chemin jusqu'à la salle principale sans lui adresse ni un mot, ni un regard. Amélie se répandit en excuses, ramassant le plus possible, se préparant déjà à se faire passer un savon, ce qui ne manqua pas. Déjà la gouvernante était vers elle et la sermonait vertement. À nouveau, elle débita milles excuses, ramassa, nettoya, et repartit chercher ses plateaux. Ce faisant, elle imagina en elle-même qu'elle insultait de toutes ses forces cet abruti de comte de Saad qui aurait pleuré des excuses à genou devant elle et son père s'il avait su qui il venait de bousculer si violemment.

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Oui, c'était mesquin... Mais quelque part, c'était... libérateur. Tout ce temps passé en courbettes vaines, tout ce ressentiment inexprimé... ce n'était qu'une douce vengeance finalement, pour tout ce qu'elle lui faisait subir depuis son arrivé à la cour. Mépris, indifférence... Il en avait soupé plus qu'à son tour. Aujourd'hui, les rôles étaient inversés. C'était bon, parfois, de cèder au mal. Et tant qu'elle endosserait ce rôle il ne comptait pas s'en priver.

Au diner, quand elle monta à nouveau, il fit en sorte d'amener le petit groupe avec lequel il discutait juste devant le buffet pour être sur de la voir se tortiller au milieu d'eux pour se frayer un chemin jusque là.

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Amélie observa l'attroupement. Impossible d'approcher d'autant de visages dangereux pour elle. Elle resta à l'écart, attendant, attendant encore, jusqu'à ce que la gouvernante s'approche et ne la tire par les cheveux pour lui faire quitter la grande salle, furieuse, la menaçant de la faire virer, l'accablant comme une incapable. Au final, elle fut presque soulagée de devoir ranger des caisses dans les cales du bateau avec les mousses, même s'ils étaient grassements entreprenants. Ce voyage ressemblait à un enfer. Et de Saad était partout, absolument partout. Ça l'énervait et ça lui faisait mal au cœur aussi. Ce salopard méritait de passer par dessus bord.

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