Luce et Holda courraient depuis une bonne dizaine de minutes quand elles durent se rendre à l'évidence : le garçon leur avait filé entre les doigts et elles étaient maintenant seules dans la grande demeure. Si on rajoutait qu'elles étaient perdues, tout allait très mal. Luce regrettait presque d'avoir quitté le hall avec la vieille femme.
Cette dernière était insupportable et grincheuse.
« - Tu me prends pour une gazelle, gamine ? S'apitoya Holda. Tu as besoin de lunettes ou quoi ? J'ai plus vingt ans !
- Si ça peut vous rassurez, je n'ai jamais eu la moyenne en sport non plus.
- Non ! Cela n'a rien de rassurant ! Je dirai même plus : c'est une catastrophe. »
Luce avait beau lui expliquer qu'il était essentiel pour elles de garder leur avance, Holda contestait toujours les arguments de la jeune fille. Celle-ci se demandait s'il serait correct de la laisser sur place et de s'enfuir.
Luce devait cependant accorder à la vieille femme la longueur surnaturelle du château. Elles étaient dans le même couloir depuis un long moment et rien n'indiquait qu'elles touchaient au but. Il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond ici, mais Luce était incapable de comprendre où était le problème.
Elle commençait à perdre patience quand pour la première fois depuis qu'elles étaient parties, elles croisèrent d'autres « participants ». Ils ne se parlèrent pas, ne se regardèrent pas. Luce n'était même pas en mesure de dire combien ils étaient. Deux ou trois ? Quelle importance ? Personne ne savait encore en quoi consistait les défis évoqués par la voix mais le décès brutal du garçon dans le hall avait refroidit tout le monde. Une méfiance s'était installée, il n'était plus l'heure pour la solidarité.
Cela terrifia Luce. Qu'allaient-ils tous devenir si chacun jouait cavalier seul ? Ou pire si ils se mettaient à s'entretuer ? On pouvait dire que Luce était naïve mais certainement pas stupide. Elle jeta un œil aux papiers qu'elle tenait dans sa main droite. C'était ces papiers qui avaient généré la peur. Le manque d'eau et de nourriture les tueraient certainement et certains seraient sans doute prêts à tuer pour survivre.
La voix avait divisé le groupe.
« - On doit trouver de la nourriture rapidement.
- Sans blague ? railla la vieille.
Luce ne répondit pas et se contenta d'ouvrir un maximum de portes sur leur chemin. Des chambres, des salles de bains mais pas de cuisine. Après une bonne heure de recherche intensive, elle sentit les larmes s'accumuler dans ses yeux. Qu'avait-elle fait de mal pour en arriver là ?
- C'est une vieille maison, Luce, intervint Holda. À l'époque, c'étaient les domestiques qui s'occupaient de la cuisine et ils dormaient dans les sous sols. À ton avis où se trouve la cuisine ?
- Dans les sous-sols ? On doit redescendre ?
- Bingo, gamine. »
La jeune était rassurée d'avoir Holda à ses cotés. Sans elle, elle se serait sans doute assise pour pleurer un bon coup. Si seulement elle pouvait arrêter avec ses réflexions . . .
Retrouver l'escalier par lequel elles étaient arrivées ne fut pas simple et elles perdirent encore du temps sur les autres prisonniers. Du haut de l'escalier, Luce remarqua que le garçon décédé n'était plus allongé sur le sol. Elle soupira de soulagement. Si elle avait dû voir le cadavre une seconde fois, la crise de larme aurait été inévitable.
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Décadence
General FictionQui n'a jamais rêvé de se retrouver prisonnière d'un château ou notre vie ne tient qu'à un fil ? Certainement pas Luce qui ne demande qu'une seule chose : vivre une vie normale et ennuyeuse. Alors quand elle se réveille, entourée de personne qu'ell...