Chapitre cinq

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La voix chaude agit comme un signal et les cliquetis s'arrêtèrent.

Le silence, étrange, après la montée en puissance du bruit semblait avoir enveloppé les oreilles de Luce dans du coton. Holda n'avait pas l'air particulièrement à l'aise non plus. La vieille dame ne cessait de regarder à droite à gauche en plissant les yeux, prête à bondir au moindre danger.

Luce remarqua que Reyn était toujours très tendu, comme si le bruit ne s'était pas stoppé. Elle comprit avec un peu de retard qu'elle et Holga avaient dû lui faire peur en reculant sans raison apparente devant l'obscurité. Il attendait encore que le danger leur tombe dessus. Elle attira son attention et murmura :

« - On a entendu du bruit, comme des clous qui tombent au sol, mais ça s'est arrêté. »

Il hocha la tête, toujours sur ses gardes.

La personne qui criait depuis le trou dans le mur continuait de s'acharner pour qu'on lui réponde, mais Luce ne savait pas si ils devaient répondre ou non. Qu'elle aimât sa voix - qui appartenait sans aucun doute à un homme - n'entrait évidemment pas dans la liste d'arguments convaincants. Elle décida que si Holda ne parlait pas, elle ne parlerait pas non plus.

La question n'eut pas vraiment lieu d'être débattue plus longtemps car le cliquetis reprit. À la limite de la zone éclairée par la lampe à l'huile, entre l'ombre et la lumière, une forme se mouvait. Noire comme si elle était une extension de l'ombre et ronde comme un ballon de football, elle avançait lentement sur ses pattes d'araignées. À l'extrémité, des pincettes métalliques leurs servaient de coussinets.

Dans les longs poils poisseux des créatures, deux yeux globuleux les observaient. L'iris était mangé par la pupille, lui conférant un regard surnaturel. Des dents rondes dépassaient de la lèvre supérieure et soulignaient l'absence de lèvre inférieure. Bientôt, une deuxième, puis une troisième vinrent grossir les rangs.

Luce tremblait de tout son corps. Qu'est-ce qu'il venait encore de leur tomber dessus ? Elle n'arrivait même plus un lâcher un son. Pourtant, qu'est-ce qu'elle aurait aimé crier ! Un son plaintif sortit de la bouche d'Holda et Reyn avait un air terrifié collé au visage. Ce n'était pas parce que ces bêtes avaient les dents rondes qu'elles n'aimaient pas la viande rouge. Ils ne s'en sortiraient pas comme ça. Pas en restant paralysés de la tête au pied.

Luce se souvint de la personne de tout à l'heure et se concentra pour essayer de l'entendre, de savoir s'elle était toujours là. Peut-être était-ellel partit. Peut-être qu'elle ne les aiderait pas. Mais Reyn ne pourrait pas les protéger de ces choses. L'inconnu peut-être. La première créature s'avança vers elle dans un cliquetis, l'aidant à se décider.

« - Hey ! Hurla-t-elle. Il y a quelqu'un ? »

Aucune réponse.

« - Je sais qu'il y a quelqu'un ! Je vous ai entendue !

- Ah oui ? »

Luce en aurait pleuré de joie. Où pleuré tout court. Les créatures se rapprochaient et aucun de ses deux compagnons n'avaient encore esquissé un geste.

« - Venez nous aider ! S'il vous plait !

- Et à quoi aurai-je droit en récompense ? demanda la voix.

- Pardon ? Il y a des créatures en bas ! Je ne sais pas ce que c'est et je suis toute seule. Je ne pourrai pas me défendre et. . . »

Luce espérait que son mensonge soit assez réaliste pour que la personne daigne descendre. Elle avait vite comprit qu'il n'était pas vraiment intéressé par la charité. Elle poussa la comédie en criant à la façon des filles dans les films d'épouvantes. Il ne restait qu'à espérer qu'il ne se souviendrait pas qu'elle avait parlé à la deuxième personne du pluriel et qu'il ne lui viendrait pas l'idée de passer la tête par le trou. Luce pensait que l'homme avait le vertige.

DécadenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant