Chapitre 8

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Et il y a un nouveau baiser où je ressens une grande force.

Blottie contre lui, je suis bien.

J'ai l'impression d'être à ma place.

Ce baiser me fait chanceler. Je n'ai jamais connu cela. Intense et passionné. Je me sens partir. Je remarque à peine qu'il me soulève pour me mener jusqu'à un lit d'une grande douceur, plongée dans la profondeur de cette étreinte. Et ses gestes qui suivent me perdent complètement. Je ne sens que ses mains sous ma tunique, sur ma peau. Douces. Ce parfum musqué me cerne, m'entête. Ses mains se faufilent sous ma jupe, remontent doucement. Il sait exactement ce qu'il faut faire pour me faire basculer, pour produire dans mon corps une chaleur entêtante.

À un moment j'ouvre les yeux, et je croise les siens, fiévreux, étincelants.

Je réalise ce que je suis en train de faire...

Cela me ressemble si peu. M'abandonner ainsi, tout oublier.

Je ne peux pas... Cela va trop vite...

— Non, murmuré-je.

Ses yeux montrent leur incompréhension face à ce refus soudain.

Je lui dis un peu plus fort :

— Je suis désolée.

Il s'écarte de moi :

— De quoi ?

— Je ne peux pas aller plus loin.

Il se lève, et me regarde : les étincelles qui dansent dans ses yeux sont dorénavant celles produites par la colère.

— Vous êtes donc pareille aux autres, constate-t-il dans un murmure.

— Je...

— Partez donc.

Il m'indique la porte, se détournant de moi.

— Kassem...

— Je pensais que vous étiez différente, mais vous jouez au même jeu. J'ai fait une erreur. Hassan va vous ramener.

— Kassem, laissez-moi vous expliquer. Je n'ai...

— Suffit ! rage-t-il.

Il ouvre la porte avec hargne, et je l'entends donner des ordres en arabe avec force, puis il me prend la main pour me conduire dans le couloir, avec quand même de la douceur malgré sa colère inattendue et referme la porte derrière lui.

Je ne sais plus quoi faire.

Je ne comprends plus rien.

Je vois venir à moi Hassan, tandis que j'entends les moteurs se mettre en marche. S'il voit ma mine défaite et ma rougeur, il ne fait aucune remarque. Il m'accompagne le long du couloir, silencieux, puis une fois en haut, je vais m'assoir sur une des banquettes, serrant mon sac contre moi, ne parvenant pas à profiter du paysage paisible qui se déroule devant moi. Je n'ai pas la tête à cela. J'espère aussi que Kassem va me rejoindre, et que nous pourrons discuter de cela, afin que je puisse lui donner une explication, lui dire la raison de mon refus... mais le voyage s'achève, et rien ne se produit. Hassan ne tente pas de me parler, même s'il reste auprès de moi. Que peut-il penser de cela ? Rien dans son attitude ne laisse deviner ses sentiments. Il n'y a aucune froideur à mon égard, juste de la réserve.

La ville se profile, je trouve de plus en plus que ma veste ne me protège pas du froid. Et surtout de ce froid intérieur qui commence à m'envahir. Pourtant à quoi pouvais-je m'attendre d'autre ? Il attendait de moi que j'aille plus loin, mais je ne suis pas arrivé à dépasser mes appréhensions. Tout est allé si vite ! Enfin, j'ai eu quelques moments de rêves... je vais les garder au chaud, et passer à autre chose...

Le quai est là, et une voiture est prête. Nous accostons en douceur.

— Venez, je vous raccompagne, dit Hassan avec gentillesse.

Il fait un geste pour me prendre mon sac, mais je secoue la tête en signe de refus, la conservant baissée. Alors il me laisse descendre la passerelle, restant derrière moi, puis il m'ouvre la portière, néanmoins il ne tente pas quoi que ce soit pour m'aider à monter. Je m'assois sur la banquette machinalement, le regard fixé devant moi.

Je n'arrive toujours pas à comprendre la réaction plus que vive de Kassem, et surtout qu'il ne m'est pas accordé le temps de m'expliquer.

Je me sens au bord des larmes, et je ne cherche pas à les retenir. Le flot salé qui s'écoule sur mes joues m'aide à évacuer une partie de ma douleur, mais je sais que cela va être difficile pour moi de m'en remettre. Lorsque Quentin avait rompu, j'étais tellement bouleversée par la mort de mes parents, par les responsabilités qui me tombaient dessus que cela ne m'avait fait ni chaud, ni froid, et puis... je n'éprouvais pas la même chose pour lui. Ce n'était pas aussi intense.

Lorsque nous arrivons devant l'hôtel, je n'attends pas qu'Hassan vienne m'ouvrir la portière pour sortir. Je préfère laisser tout cela derrière moi très vite. Je murmure rapidement un au revoir, et je rentre dans l'hôtel, ne faisant pas attention à son appel. Je ne vais pas chez les garçons. Je n'ai pas envie de parler de cela, et je sais que je ne leur dirais rien.

J'ai besoin d'être seule.

D'oublier.

Je me couche sur le lit. Habillée.

Au réveil, je ne sens que l'oreiller mouillé sous ma tête.

J'ai du mal à me lever.

J'ai mal aussi. Mais je dois tourner la page. Avancer.

Un coup est frappé à ma porte.

Je n'ose pas répondre, redoutant de montrer la tête que fois avoir.

— Annie !

Je reconnais la voix de Stéphane.

Je me lève et je tourne la clé, puis je reviens vers le lit où je m'assois en tailleur.

Stéphane entre et lorsqu'il voit ma tête, il me demande aussitôt :

— Ma puce, ca va ?

— Je ne veux pas en parler...

— Ton rendez-vous, c'est cela ? Que s'est-il passé ?

— Rien, j'ai tout gâché, c'est tout.

Eric arrive sur le palier.

— Eh bien, Choupette ! Que se passe-t-il ?

— Ecoutez, on va être clair. Je ne veux plus en parler. On va finir notre travail ici. Aller à Louxor, et une fois en France, je ne veux aucune allusion à ce qui m'est arrivé ici. D'accord ?

Mes amis se regardent.

— OK, dit Stéphane. Mais par contre, si jamais tu veux en parler, nous serons là.

— Je sais.

— Bien, alors va prendre une douche, et prend tout le temps que tu veux. Cela te fera du bien. Puis rejoins-nous... et nous travaillerons.

Je hoche la tête, prend ma veste, mon nécessaire de toilettes et des vêtements, puis je pars dans la chambre des garçons.

La douche me fait un bien fou ! Je laisse couler l'eau, mais celle-ci n'enlève pas tout...

Allons Annie, reprends-toi !

Je respire, m'habille et je passe dans ma chambre. Les garçons sont là, et Éric vient me serrer contre lui. Puis Stéphane s'exclame :

— Bon, un petit déjeuné, et au boulot !

Je ne vois pas le reste de la journée passer. Et le lendemain non plus.

Une dernière conférence, un au revoir à Hussein, et nous faisons nos bagages.

Dans le taxi, je ne regarde pas la ville. Elle me laisse un goût amer.


Rencontre dans le désert.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant