À l'aéroport, je suis toujours dans le même état d'esprit. Les garçons ne disent rien, et me laisse en paix. J'ai l'impression d'agir comme un automate.
Pendant le vol, je reste silencieuse.
Même le fait de me rendre à Louxor n'y fait rien.
Lorsque nous sortons de l'aéroport, je me sors un peu de cette langueur. La lumière qui nous accueille est belle. Nous sommes loin de la pollution du Caire, de cette oppression que j'y ai subi.
Cette ville me paraît plus humaine.
Le chauffeur de taxi est agréable et son véhicule beaucoup plus confortable.
Et notre hôtel est une heureuse surprise, avec cette fois-ci un grand soulagement. C'est un hôtel pour touriste, neuf, simple et confortable où nous bénéficions d'une chambre chacun, et d'une salle de bain.
Je m'octroie d'office celle avec une baignoire. Non mais !
Nos repas du soir seront pris sur place, ainsi que le petit déjeuner, cela nous facilitera bien les choses.
Nous nous rendons au musée où se déroulerons les conférences, et nous y passons en fait notre après-midi, ne résistant pas à le visiter comme il n'y a rien de prévu ce jour-là, et que le travail commence demain. Thèbes était si importante. Nous prenons notre temps pour observer ces vieillies pierres si impressionnantes, ces objets plurimillénaires.
À l'hôtel nous mangeons assez tôt un très bon repas mi-couleur locale mi-occidental, et ce n'est qu'une fois dans ma chambre, dans un bain chaud, mousseux et parfumé que je repense à Kassem.
Cette histoire avortée.
Je le sais... même si j'avais été plus loin serais-je mieux dans ma tête ? La passion seule aurait-elle suffit à me satisfaire ? Vivre une aventure, cela me rassemble si peu. J'attends plus, je le sais. Je veux croire que la vie me réserve quelque chose de bien. Et puis je suis encore tutrice. Même si je ne risque plus grand-chose des services sociaux, je me dois encore d'avoir un comportement exemplaire, et cette impression de n'avoir pas droit à l'erreur est toujours en moi. Je sais que depuis ce choix, j'ai aussi décidé de faire le sacrifice de ma vie de femme, mais cela devient si compliqué avec les années. J'ai beau adorer les petites, et assumer mon choix, ma solitude me pèse. J'aimerais pouvoir partager cela avec quelqu'un, avoir une épaule sur laquelle me reposer. Et je viens d'en avoir la preuve. Face à l'attirance, et à quelque chose de plus fort encore, j'ai du mal à lutter. Enfin, heureusement je ne suis pas si vieille que cela. Encore trois ans...
J'avais pourtant senti un lien s'installer entre cet homme aux yeux verts et moi. J'avais eu l'illusion que cela pouvait déboucher sur quelque chose de plus beau, de plus fort, malgré toutes nos différences.
Il est milliardaire, cheikh, égyptien et moi enseignante, fille de paysan, les pieds bien ancrés dans ma Dordogne natale. D'après nos échanges, j'avais remarqué chez lui une ouverture d'esprit, une volonté de partager et de faire oublier sa richesse. Il avait été un compagnon agréable.
Mais au fond peut-être ne s'est-il intéressé à moi qu'à cause de cela justement. J'étais une nouveauté ! Il avait trouvé une petite chose différente de mannequins ou autres qu'il avait l'habitude de fréquenter, peut-être moins facile, une femme différente de son univers coutumier. Et avec moi il avait touché le gros lot ! Aucune publicité, aucun risque de plainte ! Qui pourrait me croire, je suis tellement quelconque.
Pourtant une part de moi n'adhère pas à cela. J'ai du mal à imaginer un tel manque de respect venant de sa part, une si grande malhonnêteté à mon égard. Il y a eu de la sincérité de son côté. Il a recherché ma compagnie aussi. Assez importante d'ailleurs. C'est un homme de parole, aussi inflexible avec lui-même qu'avec les autres, mais aussi si tendre...
Et il y a cette attirance physique envers lui, comme une attraction si évidente qu'elle semble inéluctable, et pas seulement d'ordre charnelle. Je ne peux oublier notre premier échange de regard. C'était si intense. Comme une reconnaissance, et je suis sûre que lui aussi l'a ressenti, sinon pourquoi aurait-il cherché à me revoir ainsi ? C'était plus qu'un coup de foudre.
Jamais avec Quentin cela n'avait été ainsi, ni aucun de ceux que j'ai pu rencontrer après...
Et cette façon de me sentir bien auprès de lui, en sécurité, en confiance, inexplicablement.
Je n'avais jamais ressenti cela !
Pourquoi tout cela s'est-il achevé sur une telle amertume, sur ce malentendu ? Pourquoi... ?
Je sors du bain, qui au cours de mes réflexions s'est sensiblement refroidit, je m'essuie et passe un vêtement de nuit.
Une nuit qui est beaucoup plus reposante que la nuit dernière, même si je veux toujours savoir pourquoi il m'a repoussé de cette manière.
Les deux jours qui suivent passent vite. Nous sommes plongés dans le travail et les conférences sont vraiment intéressantes. Comme beaucoup de conférenciers sont logés dans le même hôtel que nous, les deux soirées se prolongent assez tard entre discussions et plaisanteries. Nous élargissons notre cercle de connaissances dans notre domaine, et nous sommes aussi ravis de rencontrer des sommités suer l'Antiquité. Comme nous sommes encore non titulaires, nous recevons même des propositions, mais les garçons de souhaitent pas quitter la France, et pour ma part, je suis entre les deux. Il y a d'un côté mes responsabilités familiales, et de l'autre l'envie de découvrir autre chose. Mais seule, cela peut devenir compliqué.
Et cette idée de faire quelque chose de différente est toujours présente...
Enfin...
C'est aussi lors de ces deux jours que j'apprends que Lyne a eu son Brevet avec une mention très bien, mais mon portable faisant des siennes, je ne peux pas discuter plus amplement avec elle, mais j'ai été heureuse d'entendre sa voix. Ils commencent à tous me manquer.
Où est-ce ce voyage qui commence à être trop long ? Ou les conséquences de ce que j'y ai vécu ? Ou ce regret que je vais ramener en France qui me donne cette impression ?
Aujourd'hui, nous avons travaillé toute la matinée, et après un repas rapide, nous nous promenons un peu dans la ville. À un moment, j'attends sur un banc les garçons qui sont entrés dans une boutique de souvenirs pour acheter des choses pour leur famille. Je suis bien à l'ombre des jacarandas.
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Rencontre dans le désert.
RomantikUn voyage pour le travail va bouleverser la vie d'Annie... Ce texte n'est pas fini, il peut donc y avoir des fautes, des coquilles qui ont pu échapper à ma lecture !