Chapitre 1

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- Qamara ! Qamara ! Que fais-tu ? Pourquoi cette enfant ne répond donc-t-elle pas ? 

-Elle doit dormir, laisse-la, Israh."

-Elle doit nourrir les poules et ramasser les oeufs, tu es trop tendre avec elle, Rabah, tu lui laisses tout passer. Elle doit apprendre, elle n'est pas petite, elle a treize ans ne l'oublie pas".

Je m'appelle Qamara, ça veut dire lune dans une langue qui ne doit pas être la vôtre. La lune, c'est cette lampe qui brille tout là-haut au firmament quand autour c'est la pénombre, c'est cette sphère de satin lumineux qui illumine les cœurs détruits.

Je vis au chaud entre mon père, Rabah, berger, et ma mère Israh, couturière. J'ai six frères et sœurs, et je suis la petite benjamine de la famille. Nous vivons dans une maison de campagne à Ramallah, capitale administrative de la Palest...

Quoi ? Pardon? Ah excusez ma maladresse. Je voulais dire, Israël. 

Je vais à l'école pour filles et ça me plaît beaucoup. Je suis une élève brillante, et ma matière préférée, c'est les mathématiques. Mère et père n'ont jamais eu la chance de pouvoir y aller, alors je suis heureuse de pouvoir les rendre fiers, debout et vivants par ma vivacité et mon assiduité scolaire.  Plus tard, je voudrai devenir docteur In cha Allah. 

Ça veut dire si Dieu le veut chez nous, les musulmans. Et je sais que Dieu m'aidera, car il ne m'a jamais abandonné, j'ai la foi. 

La religion c'est pas tabou ici, dans mon coin de campagne, je vis entre deux mosquées et tout le monde ici est très pieux; à vrai dire, la piété c'est ce qui nous tient debout, nous, les Palest... Euh, les gens d'ici là, vous voyez. 

Ici, à Sidi bou arif, tout le monde se connaît, tout le monde se salut du plus humble des saluts, As Salamu Aleykum wa rahmatulLah wa Baraketuh, ça signifie "que la Paix et la bénédiction d'Allah soit sur vous".  Toutes les femmes du villages se réunissent et organisent de grands repas en commémoration à ceux qui réussissent et qui meurent au combat, ceux qui résistent et qui ne faiblissent pas. Les hommes, après avoir prié, se joignent au repas de l'autre côté d'un grand sitar, un tissu permettant de séparer les hommes et les femmes pour respecter le principe de pudeur. Ils prient deux unités supplémentaires en mémoire à tous ceux disparus, et invoquent Allah afin d'apaiser notre situation.

Mais, quelle situation? Et puis quels disparus? Et qui sont ceux qui résistent? Pourquoi faiblir? Pourquoi? Contre qui ?

Je m'appelle Qamara, ça veut dire lune dans une langue qui ne doit pas être la vôtre. La lune, c'est cette lampe qui brille tout là-haut au firmament quand autour c'est la pénombre, c'est cette sphère de satin lumineux qui illumine les cœurs détruits.  

Je m'appelle Qamara, et depuis soixante-sept ans, c'est la guerre.  

Avril 1984, Rabah Ibn Harith et Israh bint Musa se marient, et ont quelques années plus tard, une ribambelle d'enfants qui s'ensuivent. Firdaws, née en 1985, Muhammad, né en 1987, Issa et Yunus, nés en 1990, Fatima, née en 1994 et Qamara née en 1996. 

Famille pieuse et sage, ils s'installent à Jérusalem, puis déménagent à Ramallah peu après la naissance de Fatima. 

Les enfants vont à l'école quand la zone ne paraît pas dangereuse, et les voisins ont déjà perdus huit de leurs membres. Depuis 1948, c'est la terreur, et aucun cri n'a été propagé en soixante-sept ans. 

En soixante-sept ans, Qamara bint al Harith n'a jamais connu nulle famille que ses parents et ses frères et sœurs, un peu comme la quasi totalité des enfants de ce territoire ravagée et meurtri.

Mais... Pourquoi sommes-nous en arrivés là ? 




Qamara from RamallahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant