Chapitre 5

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-Allez, donne-moi ton nom ! 

Mon petit cœur se resserra par la surprise. Le bourreau s'éclaircit la voix et consulta sa montre. 

Combien de temps étais-je enfermée? Je sentais l'urine dans mes haillons, la faim me brûlait les entrailles et mon pouls était sûrement faible. J'avais l'impression d'être incarcérée depuis une semaine, peut-être plus. Soudain, la raison me parvenu de nouveau. Peut-être que c'était moi qui délirait. Peut-être que mon bourreau n'était pas un bourreau, qui sait? La question qui occupait mon esprit désormais était, qui était son supérieur? 

-Tu comptes me délivrer ton identité demain c'est ça ? Sauf que demain ce sera trop tard ma p'tite.

-Qamara bint al Harith, je suis née le 8 mars 1994 à Gaza.

-Eh bien. 13 ans. Tu en fais au moins 16, plutôt futée pour une gamine. J'en ai 18.

Lui? 18? Il fallait s'en douter, il n'est pas fini dans sa tête ce gars là, me suis-je dit. J'ai l'impression qu'il est possédé, même ses gestes, les plus banaux, comme trouver un papier dans son bureau étaient incertains, ses mains tremblaient.

Zéro crédibilité.

Dans sa lancée, le bourreau me lança :

-Au fait, je m'appelle Adam. 

Il tourna les talons en claquant la porte derrière lui.

Pourquoi me donne-t-il son prénom, celui là? Qu'est-ce qu'il veut? Il croit qu'on va sympathiser, boire un thé et bavarder? Quel culot.

Je contemplais la lune qui laissait paraître son éclat et sa lumière à travers les nuages qui tentaient de la dissimuler. En fait, elle a beau rencontrer obstacles et épreuves, elle savait que sa lumière était mille fois plus belle et qu'elle s'imposait dans ce ciel noir. Elle était celle qui guidait ces voyageurs perdus dans le hogar algérien, elle trompait cet enfant dans sa voiture qui pense qu'elle le suit. Aussi mystérieuse que charismatique, la lune me fascinait, et c'est seulement à cet instant que je compris pourquoi mes parents m'avaient nommé ainsi. Signe du destin ou pur hasard, ma vie commençait à prendre un nouveau cours dans cette cellule froide dans la pénombre de la nuit que je pensais sans issue.

Mes paupières étaient lourdes et mon visage devait être affreux. Par terre, une gamelle de chien en guise d'hydratation, je me penchai difficilement et je constatai le spectacle horrible que ma face offrait : paupières gonflées, cernes violettes, mes yeux noirs contrastaient avec les veines du blanc de mes yeux, les traits tirés, les lèvres gercées, le teint gris, je m'effrayai moi-même.

De nouveau, la porte de la salle claqua. C'était Adam, mon bourreau. L'appeler par son nom lui attribuerait un caractère humain ce qui serait difficile à croire si vous viviez ce que je vis. Il ne me prêta nullement attention, il s'affala sur sa chaise et alluma une cigarette. Le regard vide, ses yeux bleus semblaient sans vie. Les cheveux ébouriffés, noirs de jais, rangés dans un képi un peu trop grand pour lui, lui donnait un air de Marlon Brando rêveur. Petite, j'avais pour passe-temps de dessiner dans l'air, avec mon doigt, toute chose qui retenait mon attention. Alors j'eus décidé d'esquisser le portrait de cet Adam, de mon ravisseur. Nez fin, bouche large, teint basané, yeux bleus, petits, mais bleus, uniforme trop grand, étoile de David. Quoi de mieux que de passer le temps, dessiner son bourreau ! Suis-je devenue folle? Et puis qu'attendais-je? Quel serait mon triste sort? Pourquoi cette attente interminable et monstrueuse? 

Je m'adossai contre le mur et j'enfoui ma tête dans mes genoux, songeant, une fois n'est pas coutume, à mon passé.

Qamara from RamallahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant