Chapitre 6

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Le jour se leva péniblement mais les faibles rayons d'un soleil encore timide me réveillèrent difficilement. Mes gestes étaient las, mes membres peu irrigués. Soudain, avec une plus conséquente attention, je remarquai que les chaînes qui m'emprisonnaient les mains étaient... Brisées. Je fus prise de stupeur, la cellule était vide et un verre de lait de chèvre ainsi que deux dattes étaient soigneusement posées devant moi. Je crus tout d'abord à une plaisanterie de mauvais goût, puis je me levai avec peine, mes jambes engourdies ne me supportèrent pas deux mètres et l'écroulement de mon corps attira l'attention de deux gardes qui arrivèrent en courant à moi.

-Qui t'a permis de te lever toi ? Allez, vient de toute façon Benjamin t'attends, cracha un soldat israélien, accompagné d'un deuxième homme, probablement ayant la soixantaine. Le regard sévère, la pupille brillante, leur face suscitait l'effroi le plus total. 

Les questions se bousculaient dans ma tête, qui était-ce Benjamin ? Où était mon premier bourreau ?

 La frayeur gagnait mon cœur et je ne cessai d'implorer Celui qui me l'a donné. Les jours où vous vous êtes disputé avec quelqu'un, les jours où vous enfliez d'orgueil, les moments où votre fierté prenait le dessus sur vos affaires, ces instants où vous ne pardonniez pas, tout cela, vous le regrettez au plus profond de votre âme lorsque vous savez que la mort vous attend avec impatience sur l'échafaud. Ces instants où je n'ai pas dit je t'aime, ces instants que je ne voulais partager avec ma famille, ces instants de tendresse, tout ce qui composait mon bonheur l'air de rien allait s'envoler, en une fraction de secondes.

L'air pur m'enivra et mes poumons se gonflèrent, comme si je renaissais pour mourir. Une foule d'hommes, sûrement israéliens, me huaient. J'étais un spectacle, vivant, et non un être humain. En haut de l'échafaud, un homme cagoulé m'attendais avec impatience, un beretta 92 en main, une chaise à côté. Je ravalais le peu de salive qui me restait, ainsi que les larmes qui voulaient couler, mais l'adage de papa en tête refit surface et je relevais ma tête.

 C'était ça, la fierté palestinienne. 

Marche après marche, je montai rencontrer la mort, ma mort, ma fierté, mon martyr, mon sang allait couler au nom de l'innocence, ce qui ne me désola point. J'allai rencontrer Adnan, mes grands-parents, mes amis de la madrassa, et j'allai témoigner.

J'allai rencontrer Allah, et j'irai  tout lui raconter, Lui qui voit tout, oui, j'allai revivre de nouveau.



Qamara from RamallahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant