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Il fait nuit, 6H02 du matin, une figure seule marche au milieu de la rue. Les lampadaires éclairent faiblement mais suffisamment pour faire tourner l'ombre autour de l'homme portant un chapeau de feutre.
Tout est calme, il porte une valise, serein, profitant de sa solitude temporaire dans cette ville infâme. Le vent n'est pas au rendez-vous, sûrement dort-il encore se dit-il, tout semble figé. Figé ... Comme lors d'une explosion, il y a un moment où tout est sourd, rien ne bouge le temps même semble s'être arrêté... Figé. Neriad frémit à ce souvenir, étrangement. Le plus humble des citoyens se réveille, les jeunes filles se préparent, d'autres dorment encore moins attaché à leur aspect, tout dors. Tout, sauf le bâtiment devant le quel Neriad viens d'arriver, il avait apprécié cette marche solitaire. Les urgences. Des lumières partout, cet endroit sentait la mort, le sang et la sueur. À chaque fois qu'il passait devant Neriad imaginait toutes ces personnes souffrantes ou en voie de rétablissement. C'était le bon moment pour essayer a nouveau de ressentir la culpabilité. Dans sa main droite, à l'intérieur d'une malette pesaient deux bombes. Le plan était simple, si simple que ça le siderait, entrer dans les urgences. Si vous ne vous présentez pas à l'accueil et que vous avez l'air de savoir où vous allez, de ce pas pressé, personne ne vous interpellera. Placer les bombes, ressortir, attendre, admirer, ressentir. Il l'avait déjà fait, il est pleinement conscient de ce qu'il entreprend et n'en éprouve rien. Il n'aime pas les gens, il ne les déteste pas attention ! Les gens l'exasperent juste, en conséquent il n'a aucune compassion ni aucune empathie, étant donné qu'il ne s'est jamais attaché à quelqu'un. Ce n'est pas un monstre, juste un vieil homme qui n'a jamais connu l'amour, ni l'amitié. Il n'est pas comme un religieux désirant rester loin des femmes pour rester pur, non il n'y a juste jamais pensé. Il est gentil, serviable, souriant et attentif, pas par envie mais par principe. Il n'a jamais rien ressenti mais arrivé à son vieil âge il aimerait ressentir justement, à commencer par la culpabilité car c'est l'inverse même de sa personnalité. Et c'est pour ça qu'il est la, devant un hôpital, respirant l'air frais avant de pénétrer dans l'enfer des couloirs blancs. Il traverse après une voiture, premier mouvement mécanique depuis sa sortie de chez lui. Il monte le trottoir et s'arrête net.

La devant lui, un jeune homme, décharné, cerné, les cheveux en bataille, abattu le long d'une colonne le fixe de ses yeux noirs profonds et c'est ça qui avait stoppé ce vieillard de 82 ans. Il y avait dans ses yeux un monde entier de remords, deux grands lacs de peine, Neriad sentait en cet homme l'envie de tout assumer, même la faute d'un autre ! Comme si il venait de tout perdre. Il était perdu dans ce regard ou il y aurait pu y avoir écrit coupable. Neriad aurait perdu sa montre, l'aurait accusé de vol que toutes les personnes alentour auraient été d'accord tant ce jeune homme respirait la culpabilité, pourtant on sentait que quelque chose clochait. Comme si ce jeune adulte planté la était coupable de choses qu'il n'avait jamais demandé, on sentait en lui un amour profond subjugé par une fatalité, étouffé par un monde sans pitié qui avait fait de lui l'inverse de ce qu'il était. Coupable par erreur, comme si cette âme s'etait trompé de corps, de vie, de destin. C'est effroyable, extremement gênant. Neriad est absolument fasciné. Une pure culpabilité en face de lui. Quelquechose de profond gronde doucement en son coeur et il s'apprêtait à ôter la vie à cet homme ? Son parfait opposé ? Impossible. Et c'est avec un pas nouveau qu'il se dirige vers cet être sale et étrangement accoutré.

Ce que la vie nous opposeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant