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Adrien attend devant l'hopital, le long d'une colonne, ses yeux le piquent terriblement a cause du manque de sommeil mais il ne souhaite pas pour autant dormir.
Sa vie venait de changer au moment où il sortait de l'hôpital, comme si il sortait d'un rêve. En ce moment même il essaie de se remémorer les évènements passés. Un grand vide tend pourtant a l'en empêcher,plus rien ne tourne dans sa tête il se rappelle des images, l'ambulance, le lit roulant et la peine des deux hommes en blanc à hisser sa mère dessus ... Ils n'avaient pas réussi d'ailleurs et avaient du attendre l'arrivée de deux autres pour enfin soulever ce mastodonte et s'en aller. Ensuite? Il fronce les sourcils ... Il se souviens d'une épaule le soutenant puis d'un homme plus tard lui parlant calmement et doucement comme a un enfant que sa mère était morte durant le trajet, arrêt cardiaque due à une immobilité prolongée, le sang circulait mal en plus du surpoids de sa mère. Adrien avait enregistré tout ça comme un ordinateur, il ne se souviens plus de l'allure de cet homme ni même de son visage, seulement de ses condoléances et de son air faussement désolé qui avait gené Adrien, blessé même. Ensuite on l'avait fait sortir, ou alors peut être etait-il sorti lui même il ne sait plus ... Ah si, on lui avait proposé une chambre tellement son état devait être effrayant mais il avait refusé et maintenant ? Qu'elle heure était-il ? Cela faisait une éternité et à la fois si peu de temps qu'il pensait être dehors ...

Un vent frais fait toubilonner les feuilles mortes et les journaux abandonnés, les arbres de la grande avenue en face dansent lentement au rythme du vent éclairés par les lampadaires fantomatiques. La ville dort encore, la station de métro en face ne crache personne de sa bouche noire mais cela ne saurait tarder. Le ciel encore noir et gris de nuages stagnants arrachent un sourire narquois a Adrien, quel temps de merde c'était si triste qu'il en riait.
Tiré de sa contemplation par ses bras qui tremblent Adrien réalise qu'il est en t-shirt et que le froid ne lui convient pas vraiment.
"Et merde"
Sa voix sort eraillée et lui gratte la gorge:
"Re-merde"
Il se remet enfin à bouger, s'étirant les bras vers le ciel puis regrettant son geste les rabaisse vivement, il fait vraiment froid.
Se replaçant dos au pilier qu'il avait chauffé à force de s'y adosser il remarque une silhouette abordant un chapeau, marchant seule descendant la rue la tête en avant à la manière des vieilles personnes, une malette à la main sa démarche est néanmoins souple et lui donne une allure détendue. Que viens faire quelqu'un aussi tôt dehors ? Rien n'est ouvert à part ce maudit hôpital et celui-ci n'a pas l'air de se hâter réellement, étrange, l'homme se rapproche et Adrien commence à distinguer ses traits malgrès le jour encore naissant.
Une lumière à droite détourne son attention, une voiture, la première depuis qu'Adrien a repris ses esprits. C'est une Dacia blanche comme une petite camionette avec une courroie abîmée vue le bruit strident jaillissant dessous le capot. Les voitures non plus n'aiment pas le froid. A mesure qu'elle se rapproche Adrien réalise que c'est la même que celle qui le réveillait le matin quand il dormais la fenêtre ouverte avant. Avant ... Le seul fait d'avoir pensé à ce mot fait qu'un poid se dépose sur ses épaules, rien ne serait plus comme avant ... Si il avait fait plus vite pour acheter ce foutu paquet de cigarette peut être qu'il ne serait pas là en train de se cailler le cul devant un hôpital, une larme ne roulerait pas sur sa joue et sa mère serait encore dans son fauteuil ! Il essuie rageusement sa joue. La poubelle roulante passe devant lui lentement et laisse apparaitre derrière un vieux monsieur ridé.

Vêtu d'une jaquette bleue reluisante avec un noeud papillon rouge à poids noirs, une chemise blanche en dessous, un pantalon vert olive et des chaussures en peau de crocodiles il traverse la rue d'un pas tranquille, une malette dans sa main gauche semble peser mais ses grandes mains fermes aux doigts énormes la soutiennent sans fremir. Son visage impose une telle sensation de sérénité, de gentillesse, ses vieux rides et ses yeux vifs feraient penser à n'importe qui que ce vieillard est le plus bienveillant au monde. Et pourtant ... Pourtant quelque chose dérange Adrien, il ne peut plus détacher ses yeux du visage de cet homme, une sensation étrange le prend au ventre, il la connait bien. C'est cette intuition la qui ne se trompe jamais, cet homme ... Cache quelque chose il le sait, plus que ça, il le sent. Sous ses vieux airs de papi excentrique Adrien y voit autre chose... Il ne peut pas l'expliquer et puis il a si mal aux yeux ... Son cerveau tourne à mille a l'heure et n'en assume pas les conséquences.
L'autre s'arrete un instant, lève les yeux sur Adrien et celui ci sent un regard perçant traverser son crâne, traverser sa peau et son âme le sondant comme si l'homme fouillait en lui. Son visage affiche soudain une mine fascinée et il se remet à marcher vers lui d'un pas décidé. Adrien ferme sa bouche qu'il avait entrouverte et quelque chose se débloque en lui soudainement.
Ça y est, il sait.
Cet homme qui arrive vers lui, sa démarche, son air, son visage ... Adrien le sait cet homme cache quelque chose sous son attitude. Il le sait, il la déjà vu, chez sa mère. Quand il était jeune elle le prenait sur ses genoux lui caressant ses cheveux doucement, il se sentait bien puis d'un coup ... La main ne caressait plus ses cheveux mais sa joue et d'une puissance phénoménale qui le faisait tomber à terre, et elle hurlait qu'il n'était qu'un chien, une raclure, qu'il n'était bon qu'à lecher le sol et elle l'enchainait d'un coup de pied dans les côtes... Puis sa rage se calmais et elle le reprenais dans ses bras s'excusant en disant qu'elle était fatiguée qu'elle ne pensait pas ce qu'elle disait, le calinant et Adrien avait peur. Peur de l'amour de sa mère qui cachait sa véritable haine, un amour présent pour le faire rester, rester car si il partait elle n'avait plus rien et elle lui répétait. "Je n'ai plus rien sans toi Ad tu sais ta maman chérie ne peut pas vivre sans toi mon petit sucre. Depuis que ton enflure de père est parti... Il ne me reste que toi" Il l'avait compris, si il partait il n'y avait plus personne pour acheter les clopes. Un amour faux et sa mère maniait cela a merveille si bien qu'il était resté après toutes ces années dans l'espoir qu'un jour cet amour soit vrai. Alors cet homme la, gentil, Adrien le sentait cet homme utilisait cet air pour derrière faire ce qu'il lui plaisait... Et cela ne lui plaisait pas justement. Cependant celui ci s'étonna quand il réalisa qu'il en était jaloux, oui jaloux de cet air que ce vieillard avait, lui aussi voulait paraître gentil et qu'on arrête de le prendre pour un voleur violent. C'est si soudain qu'il en rejette l'idée, jaloux alors qu'il viens à peine de croiser cet homme... Ridicule Ad, ridicule... Il réalisa aussi que l'autre lui tendait la main d'un air franc:
"Moi c'est Neriad."
Il la serra, ne comprenant pas vraiment toujours perdu dans ses pensées puis il finis par répondre
"Adrien, moi c'est Adrien."
C'était simple et il se sent con il aurait peut être fallut dite bonjour, quoi que l'autre ne l'a pas fait. Et puis merde ! Que des questions inutiles. Il plonge son regard dans les yeux du vieillard.
Et leurs mains ne se lâchaient pas.

Ce que la vie nous opposeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant