Connor l'assassin

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C'était une belle aube pour un meurtre. La nuit avait été froide. Les petites flaques de pluie sur l'allée de graviers avaient gelé. La brume et le brouillard donnaient l'impression que le temps était suspendu autour du monastère St Matthieu, un court instant, quelques minutes avant que le soleil ne daigne se montrer. Une légère bruine semblait être inexplicablement liée à l'édifice et l'on aurait dit que les intempéries n'avaient eu aucune influence sur les façades du bâtiment.

D'autres auraient dit que, quitte à tuer quelqu'un, chose déjà fort peu conseillée, autant éviter de tuer un moine pour ne pas s'attirer d'ennuis. Toutefois ce n'était pas la philosophie de Connor, caché derrière la girouette du clocher ornée d'un coq, dont le regard semblait percer les rideaux de brumes.

Quand il était encore un nourrisson, sa mère avait demandé refuge dans le monastère St Matthieu. Le frère Henri lui en avait refusé l'accès et laissé la catin mourir dans le gel et le fog. Cela ferait bientôt dix-neuf ans.

Connor avait en bandoulière une arbalète de trois-cents livres conçue pour la chasse à l'ours, un poignard dans le repli de chaque botte ainsi qu'une épée dans un fourreau de cuir à sa taille. Il avait aussi une sacoche en cuir usée avec quelques surprises destinées à ceux qui lui chercheraient des noises. Il ne devrait pas avoir à s'en servir... Normalement.

Ce n'était pas la première fois dont il se servait de ce bijou de mutilation. Bien des malheureux avaient déjà goutté à la sensation glaciale de l'acier mordant de ses carreaux. Simplement cette fois-ci, la mutilation préméditée avait des ambitions plus... radicales et... permanentes.

Il saisit l'arbalète et sortit un carreau du carquois. Il savait qu'il n'avait droit qu'à une seule chance. Il inséra le trait dans la rainure. Compensa un léger vent d'aquilon. Prit une grande bouffée d'air par le nez. Pressa le levier.

L'attente fut interminable. Le projectile meurtrier parut prendre des minutes entières à arriver à la hauteur de sa cible et Connor, retenant sa respiration, observait les reflets adamantins des premiers rayons du soleil dans l'engin de mort.

Le carreau transperça son père, le frère Henri, en pleine poitrine. Alors qu'il se retournait, Connor crut voir que son géniteur le dévisageait, depuis le jardin des aromates, le sang lui coulant par la bouche, donnant l'illusion que son teint à l'ordinaire rubicond passait au marmoréen vampirique.









Le fils de la catinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant