Cap ou pas cap ?

A

Je soupirai et descendis lourdement de ma chaise, avant de me diriger vers la porte en traînant les pieds. Je me préparai à envoyer bouler quelqu'un afin de pouvoir déjeuner tranquillement mais ce fut la surprise. J'étais prête à faire face à n'importe quoi, n'importe qui, à part lui.

En voyant la tête d'Austin derrière la porte, je ne réfléchis pas et re-claquai immédiatement celle-ci. Mais il anticipa mon geste et coinça son pied entre la porte et le mur. Je donnai un léger coup d'épaule dedans, priant pour lui faire mal au pied afin qu'il le retire. Mais il se contenta de retenir la porte et elle ne bougea pas d'un poil. Il soupira fortement et poussa la porte de ses deux mains. Celle-ci s'ouvrit alors malgré moi. Et merde.

Ne voulant pas lui faire face, je retournai déjeuner en soufflant un "dégage". J'entendis la porte claquer mais à mon grand désespoir, il était juste entré à son tour et me suivait. Il a au moins eu la politesse de fermer derrière lui.

- Qu'est-ce que tu comprends pas dans "dégage" ? demandai-je en reprenant mon activité avec désinvolture.
- Il faut qu'on parle, dit-il en se plaçant à côté de moi.
- Non. Tu as envie de parler. Nuance, dis-je en fuyant son regard.
- Ne joue pas à ça Kay', s'exaspéra t-il.
- Tu n'es pas mon copain, pas mon ami, tu n'es rien pour moi. Donc arrête de m'appeler comme ça, m'énervai-je en arrêtant de manger et en plongeant mon regard dans le sien.
- Arrête de mentir ! Je sais très bien que tu tiens à moi ! s'énerva t-il à son tour.
- Tout ça n'est qu'un jeu Austin ! Et il temps que tu arrive à différencier le jeu de la réalité, rétorquai-je durement.
- Hier soir ça n'avait rien à voir avec ce cap ou pas cap débile, c'était la réalité. Et tu le sais aussi bien que moi.
- Ce qui s'est passé hier soir était une erreur et ça ne se reproduira plus, affirmai-je.
- Ne dis pas ça, tu as aimé autant que moi. Tu ne veux juste pas te l'avouer parce que tu as peur.
Touché.
- Tu as peur des sentiments que tu commences à avoir pour moi.
Touché.
- Tu as peur que je fasse la même chose que Ben.
Touché.
- Tu n'as pas confiance en moi.
Touché.
- Et tu n'as pas confiance en toi.
Coulé.

Je le fusillai du regard en lâchant ma tartine. Puis je me levai de mon siège. Ses beaux yeux se baladèrent un peu partout sur mon corps, peu caché par le long t-shirt que j'avais enfilé. En voyant qu'il se mordait la lèvre inférieure, je m'empressai de couvrir mon corps de mes bras et de faire demi-tour, sentant le rouge me monter aux joues.

- Maintenant tu t'en vas, lâchai-je en montant les escaliers afin d'aller prendre une douche.
- Non. Je resterai ici, je passerai même la nuit ici s'il le faut, jusqu'à ce que tu avoues que j'ai raison, d'une manière ou d'une autre.

Ne le croyant pas capable de le faire, je levai les yeux au ciel et montai dans ma chambre, choisis mes affaires, et allai me doucher. Quand je redescendrai, il sera sûrement parti.

Après une bonne douche bien chaude, je retournai au rez-de-chaussée, presque convaincu qu'il était partit. Mais lorsque je le vis, assis sur le canapé, devant un match de foot, je pétai les plombs.

- Mais bordel, tu fous quoi ici ? Dégage de chez moi putain !

Je devais être rouge comme une tomate et j'étais vraiment à bout.
Il leva les yeux de l'écran et plongea son regard dans le mien. Il me transperçait littéralement.

- Tu me crois vraiment pas capable de rester ici jusqu'à ce que tu avoues ? me demanda t-il calmement.
- J'en ai rien à foutre de ce dont tu es capable ou pas ! Je veux que tu te lève de mon canapé et que tu dégages avant que mes parents ne reviennent !

Bien entendu, ils ne rentraient que demain soir mais il me fallait bien trouver une excuse valable.

- Et bien ça devrait te pousser à avouer plus vite, sourit-il.
- Je ne sais même pas ce que tu veux que j'avoues, m'exaspérerai-je.

Il se leva, et s'approcha de moi. Peu rassurée, je fis un petit pas en arrière et le regardai de travers. C'est quoi encore son petit manège ?
Il continua d'essayer de se rapprocher de moi et moi de m'en écarter. Jusqu'à ce que mon dos rencontre un mur. À ce moment, je me jurai intérieurement d'abattre ce mur dès qu'Austin aurait foutu le camp de chez moi.
Il continuai d'avancer et je me demandai s'il avait prévu de me traverser ou si il voulait simplement se coller à moi. Visiblement, il choisit la seconde option.

Son torse était appuyé contre moi et mon cœur battait de plus en plus vite. J'essayais de me battre contre tout ce qui bouillonnait à l'intérieur de mon corps mais ce fut un échec total. J'avais envie de me jeter sur lui, sur ses lèvres et de l'embrasser jusqu'à manquer de souffle. Et je l'aurais fait. Je l'aurais fait si je n'avais pas repensé à Ben. Il m'avait détruite et rien n'empêchait Austin d'en faire de même. Je ne le connaissais que depuis quelques mois. Je pris une grande inspiration alors que le regard d'Austin me fixait toujours aussi intensément.

- Qu'est-ce que tu veux ? soufflai-je.

Il fronça les sourcils, ne comprenant pas le sens de ma demande.

- Pourquoi est-ce que tu veux que je t'avoues des sentiments que toi-même tu n'éprouve pas ?

Mon cœur parlait à ma place. J'en avais assez de ne plus rien comprendre et il fallait que ça sorte. Je voulais des réponses.

- Qui te dis que je ne ressens rien pour toi ?

Mon souffle ce coupa. Venait-il implicitement de m'avouer qu'il ressentait des choses ? Je me ressaisis. C'était impossible et je savais très bien pourquoi.

- Si on a fait ce pari, c'est pour que je puisse me venger de Ben, et que tu puisse récupérer Alyssa.
- Je... Je ne sais pas, lâcha t-il.

Il se décolla de moi, le regard dans le vide. Il était complètement perdu et il retourna s'assoir lentement sur le canapé. Je ne bougeai pas d'un millimètre, le dos toujours appuyé sur ce satané mur. Il prit sa tête dans ses main et se pencha vers l'avant, comme s'il essayait de se concentrer pour réfléchir.

- Vas-t'en Austin, murmurai-je. Si on a fait tout ça, c'est pour que tu te remette avec Alyssa. Elle est prête à se remettre avec toi, je le sais.

Il leva la tête vers moi, ne comprenant pas.

- Je l'ai vu hier soir. On s'est embrassés et ça n'est et n'ira pas plus loin. Retourne voir Alyssa. Sors de chez moi, lâchai-je en commençant à monter les escaliers. Et sors de ma vie, chuchotai-je de façon à ce qu'il ne puisse pas m'entendre.

En arrivant dans ma chambre, je me jetai sur mon lit et fermai les yeux pour empêcher les larmes de couler. Il avait raison, j'éprouvais des choses pour lui.
Non. Je ne voulais pas qu'il parte. Je voulais qu'il reste avec moi.
Oui. Il devait le faire. Il aimait Alyssa, pas moi. Et il risquait de me détruire comme Ben l'avait fait.