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 Fire, meet gasoline.

septième.


Lors de ses pauses, Sid s'asseyait sur le trottoir en face du café, un carnet de dessin à la main et un feutre noir glissant entre ses doigts. C'était son truc depuis le début le collège. Se poser quelque part, dans un coin un peu éloigné du reste, où les seuls passants étaient particuliers. Et elle les dessinait. Pas vraiment eux, mais plus ou moins. Fan de comics depuis des années, elle les regardait durant de longues secondes, mémorisait leurs traits, puis détectait un petit quelque chose, et se mettait à dessiner ce qu'ils auraient pu être, dans un univers où les héros font la justice, et non les policiers. Sid en avait des carnets entiers, de plaquettes. Une page par personnage. Et, elle en avait un préféré, évidemment.

C'était un petit mec, chétif, avec une crête iroquoise et des habits parsemés de clous et de pin's, se trimballant tranquillement dans le parc, une contrebasse sur le dos. C'était un joli contraste. Un punk contrebassiste. Son pouvoir était un peu simple, mais elle aimait beaucoup la représentation et la symbolique qu'il cachait. Lorsqu'il jouait une certaine note, l'atmosphère ou le temps changeait. Il contrôlait les choses grâce à un archet et un gigantesque instrument, et elle adorait cette idée, Sid. Voir un petit bout de héros chez tout le monde.

Tout le monde, sauf elle, évidemment.



- Bon, Sid posa délicatement deux tasses de café sur la table habituelle d'Iwan, recouvrant par la suite ses mains, frigorifiées par le froid, avec ses manches. Il est temps qu'on ait cette discussion. Iwan bloqua un instant sur l'oeil bleu clair de la blonde, avant d'hocher la tête. Thora et Elliott essayent de nous caser ensemble depuis des semaines, va savoir pourquoi, et ça devient... lourd.

- Ils te trouvent cool. Et ils adorent tes goûts musicaux, je crois.

Sid se refusa à rougir, préférant boire dans sa tasse de café — qu'elle détestait soit-dit en passant — avant de regarder la brune planquée derrière le comptoir, s'affaissant à changer l'organisation des gâteaux pour la troisième fois en une heure, histoire d'être au bon endroit au bon moment. C'en était devenu ridicule tant c'était quotidien. Sid servait un café au jeune homme et immédiatement, ces deux guignols étaient surbookés, ne servant pourtant qu'un groupe de lycéens ou d'habitués.

- On s'en fou, elle glissa l'une de ses boucles derrière son oreille, dévoilant une panoplie de piercings. On s'en débarrasse comment, mmmh? M'en veux pas, mais j'avoue qu'entendre les louanges d'un mec que je ne connais pas tous les jours, c'est.... relativement agaçant. Si ça venait de toi, pourquoi pas. Mais ça vient d'eux, elle pointa du doigt Elliott, planqué derrière la caisse. Et, ouais. C'est chiant. Sid se frappa intérieurement durant de longues secondes, hésitant à se cogner la tête contre la table. Je suis tellement douée pour les premières discussions.

- C'est pas vraiment la première, elle fit un peu plus attention à sa voix, calme, posée, qui te ferait rêver un gamin même si l'histoire était glauque à souhait. Puis, son sourcil droit se leva, ses doigts s'enroulèrent autour de sa tasse, et Sid pensa à la partition, toujours dans son portefeuille. C'est la troisième, c'est juste que les autres fois étaient.....

- ...inutiles?

- Plus courtes.

Sid hocha silencieusement de la tête alors qu'un sourire se dessinait sur le visage d'Iwan. C'était la première fois qu'elle le voyait sourire en deux mois. La première fois que ses traits pâles et fatigués s'égayaient un minimum et lui permettaient d'apercevoir les fossettes dans le creux de ses joues, ainsi que de remarquer le tatouage qui ornait sa tempe, camouflé par ses boucles noires. Et puis, bizarrement, Sid réalisa qu'en fait, ce n'était pas ce café en particulier qu'elle détestait. Ni celui qu'elle servait aux clients. Mais juste le café en général, et qu'elle préférait largement le chocolat chaud que Grace lui préparait lorsqu'elle avait tout plaqué, et qu'au fond, elle était toujours une gamine qui y croyait encore un peu.

- T'as qu'à... m'attendre après la fermeture. Je pars toujours en même temps que ces deux abrutis, et... je sais pas, quitte à apprendre des trucs futiles sur moi, autant que je te les dise. Je crois. J'en sais rien.

La blonde se releva, sa tasse à demi-pleine, renoua correctement son tablier crème autour de sa taille, puis s'éloigna en silence, avant de se retourner, un air des plus sérieux placardés sur le visage.

- Ne sois pas une Nancy.

Et il sourit. 


chain reaction.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant