We exist;
dixième.
Sid avait pris l'habitude de masser ses tatouages, lorsqu'elle parlait du brun à Grace. Probablement parce qu'il représentait cette dualité qu'elle tentait de masquer depuis des années ; se laisser aller, s'attacher, ou rester dans son bocal, tout en gardant ses épines intactes et pointues. Elle savait que le renard prenait de plus en plus de place mais que la rose ne voulait plus jamais voir ses pétales faner. Alors elle en parlait. Mais pas beaucoup. Parce que ses parents lui avaient fait croire que moins on parle des choses, moins elles ont d'importance, et qu'inconsciemment, elle appliquait encore les techniques glaciales de son père pour garder quiconque à distance.
- Tu connais pas son plat préféré, ni sa couleur préférée, ni sa passion... mais tu sais quoi de lui, concrètement, à part qu'il passe sa vie dans un café à regarder sa vie défiler sous ses yeux.
- Parce que savoir qu'un mec aime le poulet, le marron et l'athlétisme c'est te-e-e-ellement intéressant, évidemment.
Grace se tenait droite sur le lit de Sid, Ankou sur ses genoux alors que son amie se préparait pour sortir fêter un événement un peu con, en soit. Elliott avait tatoué un mec de The Maine la veille, et s'était décidé à aller boire un coup avec ses deux amis et elle, parce qu'elle faisait un peu partie du décor, maintenant. Que ça lui faisait plaisir que Sid soit là, et qu'ils avaient enfin l'opportunité de se voir en dehors de leur lieu de travail.
- Pourquoi tu....
- Il est... pas comme les autres, c'est tout, fut la seule chose que Sid eut à dire pour que Grace se taise et remonte la fermeture éclair de sa robe. Elle se mordit même la langue, une fois les mots prononcés. Et la rose piquait toujours.
Un coup de vent fit voler ses boucles une fois dehors, le froid traversant ses côtes et enrobant son coeur à mesure qu'elle distinguait trois silhouettes, sous un lampadaire. Grace à ses côtés, elle tentait tant bien que mal de se détendre alors que son corps entier s'était frigorifié à la vue des boucles noires d'Iwan. Et alors qu'elles s'approchaient d'eux, Sid reçu un message de son père, comme si le ciel lui tombait sur le coin de la gueule ce soir. Un message ne contenant que deux mots, et un point. Ferme. A bientôt. Même sa propre fille était gardée à distance.
Sid arriva finalement à la hauteur des quatre autres, Grace s'étant déjà présentée, alors que le visage blême de la blonde contrastait avec son manteau orange et son écharpe rouge vive. Iwan attrapa automatiquement un bout des mitaines de la blonde, et resta à ses côtés jusqu'au bar où Elliott avait décidé de picoler pour fêter ses premiers pas en tant qu'artiste tatoueur un poil reconnu. Ils riaient tous aux éclats, Thora draguant ouvertement Grace alors qu'Elliott buvait son troisième verre de bière tout en parlant de la différence entre les oiseaux qu'il dessinait lorsqu'il était gamin et ce que ses doigts étaient capable de faire, maintenant. Même Iwan se mêlait à la conversation. Toujours un peu détaché, observateur. Si bien qu'il vit que Sid était figée dans son coin, et que ses fossettes n'étaient pas apparues une fois durant leurs nombreuses discussions.
Sid pouvait se voir de l'extérieur, doucement tomber, et ça la pétrifiait de, de nouveau, voir le sol se rapprocher, sans savoir si des mains la retiendraient. Ou non.
❣
Iwan était sec. Pas de caractère, mais de physique. Un poil squelettique, il était comme une grande brindille. Si bien que la première fois qu'il s'était glissé en douce dans la chambre de Thora afin de lui emprunter une robe, celle-ci était parfaitement tombée le long de ses hanches. Il s'était ensuite décidé à s'acheter une paire de talons, et tout ce qui faisait de lui une personne différente chaque soir, après minuit. Comme un Gremlins, lorsque la lune était fixe, Iwan se transformait. En quelque chose de beau, d'admirable, cependant.
Il affinait davantage ses traits, s'appliquait soigneusement un rouge à lèvres bordeaux, et recourbait ses cils avant de mettre en avant le vert de ses yeux. Il s'emparait alors toujours de la même robe, enfilait ses chaussures, passait un bandana rouge dans ses cheveux, afin de leur donner du volume, et se faufilait jusqu'à la porte, sans bruit.
Et puis, il buvait toute la nuit. Dans différents bars qu'il avait repéré ; des bars dans lesquels il n'était pas le seul à se transformer une fois le soleil couché. Il parlait beaucoup, riait avec des habitués, comme lui, et dansait au rythme des musiques. Iwan se sentait bien, ainsi. Il explorait une facette de sa personnalité qu'il avait tenté de refouler durant toute son adolescence. Alors pour oublier tous ces sacrifices faits pour la morale de ses parents, il leur décernait toujours ironiquement un verre, au cours de la soirée, avant d'aller danser au centre de la piste, comme si le monde tournait autour de lui. Comme si les lumières, ainsi que les regards, étaient braqués sur lui. Comme si il sortait du moule dans lequel on l'avait forcé à se fondre et le brisait de ses bras frêles, refusant de lutter davantage.
La nuit, le brun laissait Iwan sur son lit, avec son jean abîmé et ses pulls délavés, et laissait Joiia respirer dans une robe rouge et un bar tapissé de fumée et de lumières tamisées.