ENSEMBLE

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Cela fait trois jours que les filles ont atterri à l'hôpital L. Elles sont toutes les trois dans trois chambres différentes, mais ont une autorisation spéciale de se retrouver deux heures par jour dans la chambre de Clara, pour se retrouver. Cette réunion est indispensable, voire obligatoire. Et aujourd'hui, c'est la toute première. Seulement, trois jours est un délai court, et malgré cette amnésie, les séquelles de l'accident sont toujours bien présentes. Inès a gardé une cicatrice sur la joue gauche, et Clara une cicatrice dans le dos. On a du l'opérer. Rien de grave, juste par mesure de précaution.

- Mademoiselle, calmez-vous ! Tout ira bien.

Charlotte balance son plateau repas.

- Je ne veux pas de votre repas. Laissez-moi tranquille.

Seulement voilà. La plus dure à « dompter », c'est Charlotte. Enfermée dans un étrange mutisme, elle ne veut ni manger, ni parler. Et quand elle ouvre la bouche, elle murmure des phrases inaudibles. L'infirmière, patiente, la regarde et lui dit doucement :

- Vos amies sont là pour votre première séance. Dans la chambre de Clara Balmondo.

- Belmondo, pas Balmondo.

« Ok, c'est déjà un bon point », pense l'infirmière en débarrassant le repas non mangé. « Elle a réagi ».

- Elles vous attendent.

Une fois l'infirmière partie, Charlotte tourne la tête vers la fenêtre. De sa chambre, elle aperçoit une partie du parc de l'hôpital. Il fait beau dehors, et les malades en profitent pour se promener. « Oui, il fait beau dehors », pense Charlotte, « mais je ne sais même pas quelle jour nous sommes. J'ai oublié une partie de ma vie. J'ai oublié des gens, merde ! ».

Des larmes de rage coulent le long de ses joues.

- Charlotte ?

Les filles viennent de rentrer. Charlotte tourne la tête vers elles.

- Ah, c'est vous. Salut.

- Comment tu vas aujourd'hui ?

- Pitié Anouck, arrête de prendre cet air condescendant. C'est monstrueux.

Un froid est lancé sur le groupe.

- Charlotte, on veut bien comprendre que tu sois mal, mais tu n'es pas la seule dans ce cas là. Alors sois tu vides ton sac, tu souffles un bon coup, et tu arrêtes de t'en prendre à tout le monde, soit tu fermes ta gueule et tu es sympa, répond Inès, exaspérée.

Elle aussi a été ébranlée par l'accident. Des poches se sont creusées sous ses yeux, et un énorme pansement lui barre la joue gauche.

- Autant pour moi. Excuse-moi Anouck, je ne sais pas ce qui m'a pris, murmure Charlotte, en baissant la tête, piteuse.

- Ne t'en fais pas, je comprends, répond Anouck en serrant le bras de Charlotte.

- Bon, on commence ? demande Clara en s'installant sur le fauteuil en cuir rouge.

Mathilde tire un carton vers elle. Charlotte n'avait pas fait attention à ça à leur arrivée, mais ce carton regorge de photos, de lettres, de cartes postales. Rien de tout ça ne lui dit quelque chose. Son cœur se serre. Dans ce carton pourtant se trouve toute une année de sa vie. Qu'elle a oubliée. Zappée. Supprimée. Elle ne se souvient même pas de l'accident. Quel accident ? vous répondrait-elle. Mais dans cette épreuve, elle n'est pas toute seule. Oh que non, elle est loin d'être seule. Charlotte croise le regard de Clara et d'Inès. Dans leurs yeux se lisent de la peur, de l'incertitude, mais également de la rassure, de l'apaisement, de la motivation. Oui, elles vont réussir. Mais il n'y a qu'un seul moyen : ensemble.

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Pour vous revoir un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant