Clara

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(en multimédia : Elizabeth et Aïshani)

- Je crois que c'est ici !

Nous venons d'entrer dans la dorm Jackie Kennedy. Ma dorm dorénavant ! Dans la fameuse salle commune, deux personnes, une meuf et un gars, âgés d'environ 30 ans, aident les familles à s'installer. Ce sont les préfets. Jasper avait raison : la réunion vient à peine de se finir, et il y a déjà beaucoup de familles, avec beaucoup de valises. Bon, pour ce qui est des valises, je n'ai pas grand-chose à dire : j'en ai quatre, dont deux pleines de vêtements, et les deux autres pleines de souvenirs, de photos, de livres et de décos pour orner les murs de ma chambre. Non, pardon, NOTRE chambre.

Nous nous avançons vers le préfet, qui s'appelle, d'après ce que je lis, Adam.

- Bonjour ! Quel est votre nom s'il vous plaît ? me demande-t-il en souriant.

- Clara Belmondo, je réponds en lui rendant son sourire.

- Vous êtes... Chambre 26, en compagnie de deux autres filles.

- Deux ?

- Oui, je lis trois noms. Belmondo, Foster et Rockefeller.

- Ah. Bon, eh bien merci beaucoup !

- Les chambres de 15 à 30 sont au deuxième étage. Bonne chance ! et n'hésitez pas à demander si besoin il y a.

- C'est très gentil à vous, conclut maman en se dirigeant vers l'ascenseur. Clara, tu viens ?

Je reste bloquée. Dans la cuisine en face de moi, il y a un ENORME frigidaire. Mais quelle quantité de nourriture on peut mettre là-dedans ?

- J'arrive !

Je m'engouffre dans l'ascenseur avec maman et nos valises. J'appuie sur le bouton 2.

- Bon, et bien, c'est parfait ! Les trio, ça marche toujours, me dit maman, en me prenant la main.

Je hoche la tête en silence. Logiquement, ça ne devrait pas me déranger d'être trois dans une chambre, mais là, je ne les connais pas les filles. Dans mon ancien internat, on était 75 dans un dortoir, mais je connaissais chacune des filles. D'un autre côté, ce n'est pas deux filles qui vont me faire peur. Surtout pas à moi. Mais me connaissant, j'espère juste que ça va bien se passer.

Bipbip ! Une voix robotisée retentit dans l'ascenseur : « Vous êtes au deuxième étage. »

Nous nous extirpons de cette boîte métallique, et pénétrons dans le couloir.

- C'est là ! me dit maman en ouvrant la porte 26.

- YES !!! Aïsha, je l'ai trouvé !!!!

Une blonde de taille moyenne pénètre dans mon champ de vision. En train de faire une danse de la joie chelou, elle tient un soutif rose bonbon. De dos, en train de ranger ses affaires dans l'armoire, la fameuse Aïsha se retourne et s'apprête à dire quelque chose, quand elle nous voit enfin, maman et moi. Au lieu d'être gênée, elle s'avance vers nous et me sourit.

- Toi, tu dois être Clara.

Etonnée, je lui réponds, en riant.

- Exact. Mais comment tu connais...

- C'est Adam, le préfet. On l'a soudoyé pour connaître la fille avec qui on va passer toute une année.

Elle me tend la main.

- Salut, moi, c'est Aïshani, Aïshani Foster. Mais tu peux m'appeler Aïsha.

- Moi, c'est Clara Belmondo. Mais tu le sais déjà apparemment.

- Et elle derrière,

Elle pointe la blonde qui s'est vite fait relevée, et qui nous regarde un grand sourire aux lèvres.

- C'est Elizabeth Rockefeller.

- Mais tout le monde m'appelle Liz ou Lizzie, comme tu veux ! ajoute Liz ou Lizzie. Salut, bienvenue à Jackie !

- On s'est un peu étalée, s'excuse Aïshani en montrant la pièce.

Effectivement, il y a des affaires PARTOUT. Mais ça ne me gêne pas dans la mesure où ma place reste libre.

- On a pas touché à ton coin, on t'a laissé le coin près de la fenêtre. Ca te va ? me demande Elizabeth en me souriant.

Je m'avance au centre de la pièce et observe « mon coin ». Il est parfait, près de la fenêtre. Il me paraît plus intime que les autres coins, et cela me convient parfaitement.

Je me tourne vers les filles qui attendent mon verdict. Je leur fais un immense sourire.

- C'est parfait. Où je peux commencer à ranger mes affaires ?

Depuis ce matin, avec maman, on n'arrête pas de faire des allers-retours entre le bâtiment scolaire et la dorm. Aïshani et Elizabeth sont très gentilles, et nous avons mangé ensemble à midi avec maman. D'après ce que j'ai compris, leurs parents à elles ne sont pas venus, car les parents d'Aïshani habitent en Inde, le poste d'ambassadeur des Etats-Unis de son père oblige, et ceux d'Elizabeth ne sont pas là car ce n'est pas sa première rentrée. Effectivement, elles sont là depuis la 3ème, et se sont connues cette année-là.

- Ma chérie, je dois partir.

Il est 13h45 et l'heure pour maman de s'en aller. Nous sommes devant la voiture de location, et maman ouvre ses bras. Je m'y jette en sentant mes larmes monter dangereusement. Nous ne nous reverrons qu'à Noël. 3 mois, plus de 90 jours, 2190 heures loin de celle pour qui je donnerai ma vie. Bien sûr, je savais que la séparation serait difficile. A chaque fois que notre cerveau y pensait, il repoussait le moment, disant : « on a le temps ! ». Mais quand on y est, pour de vrai, la déchirure est indescriptible. Quelque chose se bloque dans ma gorge.

- Reste forte, me chuchote maman, sa voix tremblant dangereusement. J'ai confiance en toi, , j'ai toujours su que tu ferais quelque chose d'extraordinaire. Bats-toi, tu vas tout déchirer.

C'est son cœur qui se déchire.

- Maman, commencé-je.

Mais impossible d'articuler deux mots. Cette putain d'humidité m'empêche de continuer. Ma vue se brouille, et je ferme mes yeux si fort que les coins me font mal.

Un dernier câlin, un dernier baiser. Un dernier regard.

« Retiens tes larmes »

- Je t'aime ma chérie ! me crie maman, déjà devant moi.

Je secoue ma main pour lui dire au revoir. J'inspire profondément. L'air est vif, malgré la fin de l'été. J'adresse un dernier regard à la voiture de maman, déjà loin devant moi. Je pense à mes années auprès d'elle, à mes souvenirs infinis. « J'aimerai te dire, maman, que depuis que je suis née, que mes yeux savent voir et mes oreilles entendre, tu es, de très loin, le plus des cadeaux que jusqu'ici, la vie ne m'ait donné. » Mais je n'ai pas le temps de développer ces pensées ; déjà la voiture passe la grande grille. Bientôt, ce n'est plus qu'une tâche à l'horizon, une ombre parmi les ombres... Enfin, je ne vois plus rien. Je ferme mes yeux, et je respire profondément. Ma nouvelle vie peut commencer.







Pour vous revoir un jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant