Chapitre VIII

19 1 0
                                    


« Lui?! »
Depuis la fois où j'ai suivi ce gars dans la rue, je n'y ai même pas accordé la moindre petite pensée.
Et le voilà qui réapparait dans ma vie, tel un revenant.

« Oui, mais nous savons tous deux qu'au Moyen-Âge, la dialectique et la rhétorique font partie du trivium, avec la grammaire. Le trivium et le quadrivium constituent les sept arts libéraux enseignés dans les facultés d'Art. Au dix-septième siècle, la rhétorique commence à être dissociée de la logique et de la grammaire par la modernité de la pensée cartésienne. Elle n'est plus un art et devient une théorie des figures de discours ou de style. Elle est maintenant réduite à une théorie des tropes, autrement dit à une tropologie, à une rhétorique restreinte, alors qu'elle avait été généralisée jusqu'à l'époque des collèges classiques. Au dix-huitième siècle, par Kant, et au dix-neuvième siècle par Hegel, la dialectique est déplatonisée avant d'être marxisée, par Marx lui-même, Engels, Lénine et Staline. La politique moderne est sans doute l'échec de la dialectique des An--»

La salle de cours de théorie appliquée était silencieuse. Chaque élève était bouche bée. Le coeur du prof avait probablement raté un battement. Comment un type de cet âge pouvait déblatérer sur un sujet pareil? Même le prof en est incapable.

- Monsieur Styles? Je vous prie de vous calmer. Ne partons pas dans un débat, vous êtes meilleur que moi en esthétique littéraire, nous le savons tous deux.
- Pardonnez-moi, je...
Il ne completa pas sa phrase, s'asseyant sur sa chaise, avant de s'être nerveusement recoiffé.
Des rires fusèrent, quoi qu'assez discrets. Il n'y prêtait pas attention.

Ce type est étonnant. Et intriguant à la fois. Me semble ne l'avoir jamais vu à ce cours. Me semble ne l'avoir jamais vu tout court. Du moins, pas avant le jour du McCafé. Ainsi, Styles était son patronyme.
Assister au même cours que lui allait peut-être me permettre d'en savoir plus sur le chiffre. De ce fait, le voir me rendait vraiment euphorique.

Trois coups retentirent sur le bureau de Mr. Dempsey.
« Vous allez jouer le rôle de philosophes de l'Art. Vous avez le choix entre plusieurs ouvrages pour ce qu'il s'agit des critiques justifiées que vous devrez me rendre sous forme de compte-rendu lorsque j'aurais jugé que vous avez eu assez d'heures de travail. »
Seigneur...
« Faites votre choix entre Dante, Phèdre et Platon. Il faut que vous critiquiez un des ouvrages de ces trois auteurs. Ah! Je fais les équipes cette fois. Vous travaillerez par deux. »
[Faites que je sois avec Styles, faites que je sois avec lui...!]
« Smith et Williams... Tomlinson et Dell... Styles et Allen... Hayes et Markowitz... Diaz et Berry... »
Bordel.

Premièrement, il fallait absolument que je sois avec lui, sinon comment savoir ce que mon destin me réserve? Ce 926 représente forcément mon destin. Quoi d'autre? Deuxièmement, Patricia Dell n'est nulle autre que ma coéquipère et... une de mes anciennes conquêtes dont je me suis débarrassé sans vergogne. Autant dire que ça promet et que travailler autant d'heures ensemble va s'avérer être très agréable... et surtout pas gênant!Troisièmement, je suis une vraie quiche en esthétique littéraire et être avec Styles m'aurait beaucoup aidé.

On se passera de ce génie, je n'ai pas le choix de toute manière.



Enfin le calme. Me trouver dans ma chambre universitaire était tout ce dont j'avais besoin. Je vide le contenu de mon sac sur mes draps malmenés.
Des stylos, des crayons, mon Iphone, mes clés, mes vêtements de sport, mon carnet de notes, un cahier, du tip-ex, une règle fissurée, un autre cahier, les informations que Rhys et moi avons déjà trouvé sur une œuvre de Platon, le feuillet, une paire de lun... Le feuillet. Froissé. Déchiré par endroit. L'encre s'estompant çà et là. Pfff...
Je faisais maintenant l'étoile de mer sur mon lit, ayant évité comme j'avais pu les bricoles qui trainaient dans mon Eastpak.

Je pense à Zain qui n'a plus le temps pour moi depuis que c'est devenu serieux avec Lily, je pense à Eleanor qui n'a plus le temps pour moi également depuis qu'elle fréquente un type de son Campus. Je pense à ma mère, cette ratée. Je pense à mon père, ce paumé.

Que faire? Jouer à la PlayStation? Je suis déjà assez con comme ça. Ça m'abrutirait davantage. Me droguer? Pour finir comme ma mère? Non plus. Étudier? Ça me parait être une bonne idée, mes notes chutent plus vite que les chutes du Niagara ces derniers mois.
Direction la bibliothèque, emprunter une oeuvre de Platon et plancher dessus.
Et j'y pense: peut-être que taper Styles dans le moteur de recherche Facebook et tomber sur son profil me permttra d'en apprendre plus sur lui.

INTROSPECTION || H.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant