Chapitre VII

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Zain, Lily, sa cousine et moi avons été faire du karting en dehors de la ville, en cette après-midi d'octobre à la température assez agréable. Ce fut un régal.
Ce après quoi nous avons été dîner dans un restaurant plutôt chic dans le sud de la ville.
Plus tôt, Josh m'a envoyé un texto:

Hey, beau-gosse. Je suis de retour et j'aimerais qu'on se revoie d'ici peu. Fais-moi signe.

En effet, il avait sous mes conseils, été rendre visite à sa fille à Bristol et était resté quelques semaines à ses côtés ainsi qu'à ceux de son ex.
Depuis notre rencontre au 17BLACK, je n'y ai plus remis les pieds. Par crainte évidemment. « 926. Encore et encore. » que disait le feuillet. Josh et moi nous sommes cependant revus. Quatre ou cinq fois depuis. Nos textos restent par contre quotidiens. Zain me taquine souvent sur ce point, de ce fait, il a amicalement surnommé Josh "Louise".
Je ne suis visiblement pas le seul à avoir été séduit par sa merveilleuse personalité. Zain et Lily aussi. Ils ont eu l'occasion de se rencontrer. Ils ont accroché tout de suite. « Pour une fois que c'est un gars que tu ammène! », riaient-ils, malgré les maintes et maintes fois où je leur ai répeté que Josh n'était qu'un ami.

Le même soir, quelqu'un frappe à la porte.
C'était Zain. Il était totalement essouflé.

- Qu'est-ce que tu fais là?
- J'ai laissé Lily pour qu'on passe une soirée entre gars. Ça me manquait.
- Mmh.
Je suis perplexe.
- Quoi qu'il en soit, je suis là.
- Merci Zain.
- De rien... Eh, tu sais quoi?
- Tu m'aimes bien?
- Aussi mais regarde ce que j'ai...
- Oh mon dieu..!

Il brandissait avec fierté deux billets V.I.P pour le prochain match des Manchester United.

- Tiens, ça c'est le tien.

Manchester United - Liverpool Anfield
09/26/16
O2 Arena
Ouverture des Portes: 8:00 PM

(Note de l'auteure: Chez les anglophones le mois est indiqué avant le jour.)

926.
C'est plus subtil cette fois mais d'autant plus troublant.
Je me ressaisis avant que Zain ne se rende compte de quoi que ce soit.

- Merci! J'y crois même pas!!

Zain parle, en allumant la télé. Je n'écoute rien de ce qu'il dit, commencant à prendre le feuillet au serieux.
« 926. Encore et encore. »


Mon réveil sonne. 9h26. Les rayons du soleil pénètrent très faiblement ma chambre universitaire, grâce aux stores que j'ai fait installer. Il est maintenant 9h27. Dieu sait que je ne programme jamais mon réveil durant le week-end mais je commence à me faire à ce 926. Mieux vaut l'accepter de toute manière.
Rapidement, je me prépare. Oui. J'ai l'intention de me rendre dehors.
Pour une fois, mes cheveux ne résistent pas aux dents de mon peigne. Pour une fois, la braguette de mon jean ne cale pas. Pour une fois, je ne perds pas de temps à essayer de rassembler deux chausettes qui sembleraient similaires, à défaut de trouver une seule et même paire. Pour une fois, je regrette d'avoir bu comme un trou la veille. Pour une fois je regrette d'avoir flirté avec cette fille. Pour une fois, je regrette d'avoir tué le temps comme j'ai pu.

Pour ne pas changer, l'air est frais à l'exterieur.
Ne sachant pas où aller ni que faire, je suis équipé de ma sacoche , contenant mon appareil photo, mon portable, mon trousseau de clé attitré de la deumeure Tomlinson, un recueil de poésie française - j'aime la poésie française - , mon étui à lunettes et un vieux paquet de Kleenex.

Deux bonnes heures que je suis assis sur ce foutu banc que la bruine a rendu humide par endroit, à tenter de deviner à quel 926 j'allais avoir à faire la prochaine fois. Mes mains refroidies vont à la recherche de mon portable à l'interieur de la sacoche.
" 12h37 " indique l'écran où figure cette fois, le sourire d'Eleanor.
Mes fesses me font mal. Mes mains aussi. Qu'est ce qu'on se les gèle!
De mémoire, je sais qu'il y a un McCafé sur l'une des rues voisines. M'y rendre serait une bonne idée.

Une fois à l'interieur, mes membres picotent. Le changement de température est évident. Je prend place au bout de la file la moins longue. Une chance qu'on ne soit pas sur une avenue principale, il y a peu de monde. Trois clients avant moi. Puis deux. Plus qu'un.
Je formule ma commande, la serveuse s'éxecute.

Ayant fini et étant assis sur une table au fond de la salle, j'observe. J'observe les passants. J'observe les clients. Une femme brune et son fils. Un vieillard. Un couple. Plusieurs ouvriers de chantier. Un jeune garçon.
Ne sachant pourquoi, mes yeux ne peuvent s'empêcher de retourner à lui. Il est brun, les yeux clairs. Il tapote sur son écran d'Iphone. D'une vitesse! Il m'a l'air d'être assez irrité, ce qui ne semblait pas être le cas quelques instants plus tôt. D'abord les plis de son front. Maintenant, la ride du lion qui se creuse sur sa peau lisse. Je remarque que son pied bat frénetiquement le carrelage crasseux. Comme lorsque l'on attend impatiemment une réponse ou que l'on bat le rythme d'une chanson. Ne distinguant ni casque ni écouteurs, j'opte pour la première hypothèse. Ses longs doigts semblent presser son portable de plus en plus fort. Il lance un regard à la fenêtre puis comme l'aurait fait quelqu'un de coupable, il sillonne la salle d'un regard noir. J'en ai des frissons lorsque celui-ci croise le mien. Mon coeur ralentit lorsque le brun retape du pied en rythme. Il vient de reçevoir une réponse. Une réponse qui n'a pas vraiment l'air de le réjouir. Comme pour mieux se concentrer, il retrousse les manches de sa veste puis appuie ses poings sur ses cuisses écartées en ne détachant pas une seule seconde le regard de son portable. Ses yeux reviennent me fusiller du regard. Le même choc dans ma poitrine. Ce type me fait froid dans le dos. Il reporte le regard sur l'écran avant de le saisir et d'y taper sûrement un autre message. De sa main libre, il se recoiffe brièvement. Puis revient à la charge mais cette fois, sa main reste immobile dans sa cheveulure épaisse. Il ouvre des yeux ronds. Il tape de nouveau du pied, plus vite alors et porte ses doigts à sa bouche avant de les rammener à sa cheveulure ombrée.
Pincez-moi! Tant ce que je vois n'est pas croyable. Le type est tatoué. 926 en caractères gras, suivi de lettres en italliques que je n'arrive pas à déterminer. Sur la tranche de l'avant-bras.
Comme s'il avait deviné mes pensées, le brun redscend ses manches. Il bondit de sa chaise, se mordant les lèvres et accourt vers la porte vitrée, trop préocuppé pour se donner la peine de débarrasser son plateau, je suppose.
Dans mon cerveau, c'est la panique. Que faire? Je ne sais plus où donner de la tête. Je le vois à travers la vitre, traverser la rue. Spontanément, je quitte l'établissement de la même manière que lui et me lance dans une filature.

Je ne sais pas qui il est, je ne sais pas pourquoi je le suis, du moins pas vraiment, je ne sais pas jusqu'à quand je vais continuer de le suivre et encore moins ce que je vais trouver comme excuse pour l'avoir fait mais il est trop tard pour faire machine arrière.
Je suis déjà essouflé, tant il presse le pas.
Il parle à quelqu'un au téléphone. Il s'énerve. Il est furieux. Il baisse le ton. Il le hausse de plus belle.
«Merde!»
Le type brandit maintenant son Iphone dans les airs en jurant et en pestant. Qu'est-ce qui lui arrive?
Il s'arrête, il semble chercher quelque chose. Il se retourne et nos regards se croisent une fois de plus.

- Excuse-moi? bredouille-t'il
Je suis tellement soulagé de ne pas avoir eu à aller lui parler.
- Oui?
- Est-ce que je peut emprunter ton téléphone un instant? J'ai plus de batterie et il faut que je règle une affaire urgemment.
- Hum, okay, pas de souci.
Je fouille dans mon sac, heurtant mon porte-clés à trois reprises.
- Le voilà.
- Je te remercie.
Le type s'éloigne de quelques pas, mon téléphone à la main. Une chance qu'il ait été trop préocuppé et qu'il ne se soit pas demandé ce que je faisais derrière lui tout ce temps.
C'est quelques minutes après qu'il revient, une once de sourire aux lèvres, les bras aussi mous qu'un Ficello.
- Tu as pu être en ligne avec la personne que tu voulais joindre?
- Non mais ça ne fait rien. Ta petite-amie est bien jolie, tu en as de la chance.
Hein?
Je viens de saisir à quoi il faisait allusion.
- Tu veux parler de mon fond d'écran?
- Exact.
- C'est ma demi-soeur.
- Ah. Excuse-moi.
- Ça fait rien. Merci quand même, je le lui dirai.
Il sourit.
- Très bien. Sur ce, merci encore. Au revoir.
- De rien.

Je n'ai même pas le temps de prononcer ces mots qu'il s'éloigne déjà. Quel drôle de personnage. Ça alors! Son visage me dit vaguement quelque chose... Je me demande bien ce qui a pu le mettre dans une colère pareille.
« 926. Encore et encore "

INTROSPECTION || H.SOù les histoires vivent. Découvrez maintenant