chapitre 5

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J'entassais mes effets personnels dans un vulgaire sac en toile. Avant de me mettre à fuir dans un autre état, je devais essayer de changer de planque. Je ne tenais pas à partir dans l'immédiat, je me plaisais à Atlanta. Je trouvais une vieille dame, au détour d'une ruelle étroite du centre-ville, qui louait une chambre, je lui versai 45 dollars et m'effondrais sur un vieux lit imprégné de poussière. J'entendis les voisins du-dessus se disputer et le mari claqua la porte en réponse. La nuit me sembla interminable, je retournai dans mon esprit les moyens qui me permettraient de prouver l'existence des meurtriers de mes parents, ces moyens qui me permettraient de leur échapper pour de bon. J'y avais pensé, de nombreuses fois. Il y a bien longtemps, j'étais rendue dans un commissariat, où des policiers dont le serment était de protéger tout être humain aurait pu m'apporter leur aide. Si entre trois verres de whisky, ils avaient cru l'adolescente qui criait au drame devant eux. Bien sur, je n'y suis jamais retournée, à quoi bon ? Je n'avais pas de preuve, seulement quelques certitudes qui s'évanouissaient au fur et à mesure du temps qui défilait. Mes parents n'avaient pas eu le temps de m'expliquer quoi que ce soit, ils ne m'avait laissés qu'une brève lettre avec de l'argent et un billet d'avion. Mon plan était tracé depuis longtemps : ma majorité atteinte, je m'arrange pour disparaître, nouvelle vie, nouvelle identité, nouvelle maison, tout ceci dans un lieu reculé, là où personne ne me trouvera. La réalité était plus dramatique. Je valais cher aux yeux de ceux qui cherchaient, j'étais la témoin gênante, celle qui en savait trop, celle qui pouvait les faire tomber à tout moment. Je scrutais ma montre, le jour se levait. J'étais restée la nuit entière, allongée sur le dos, le regard braqué vers le plafond en train de réfléchir. Je devais absolument me présenter au lycée, ne serait-ce pour quelques heures, sinon l'assistante sociale ne tarderait pas à faire un rapport complet et ma liberté me serait dérobée. Je saisis mon sac à la volée et quittait la pièce sombre. Une fois là-bas, je vis de nombreux adolescents discuter de tout et de rien, peut-être devrais-je essayer de m'intégrer ? Je chassais cette idée de mon esprit, cela signifiait une énorme contrainte en cas de départ inattendu, en supposant qu'ils tiennent à moi, ils lanceraient un avis de recherche, enquêteraient sur mes origines, alerteraient les médias... Je portais la main à mon front, fiévreux, rien qu'à cette idée. Mon stress redoublait de jour en jour ces temps-ci. J'entrais en cours de mathématiques comme si de rien n'était, avec l'expression la plus neutre possible même si au fond, je voulais crier détresse. La fille de mon cours de littérature vint s'asseoir à côté de moi, je ne pouvais pas la repousser. Cette potentielle amie aux cheveux blonds engagea la discussion, je racontais un nombre incalculable de mensonges sur la raison de ma venue ici et mes origines. A ses yeux, j'étais maintenant la petite française dont les parents riches possédaient une maison au style victorien en dehors de la ville. Mes paupières se fermaient au fur et à mesure de ce cours ennuyant. La sonnerie me tira de ma sieste. La fille assise à côté dont il était impossible de me souvenir le prénom m'invita à manger à sa table, je ne refusais pas. Un peu de sociabilité ne me ferait pas de mal. Elle regardait par la fenêtre dont la vue donnait sur un petit lac artificiel, elle scrutait l'horizon bordés de grattes-ciels avec ses lunettes de soleil. Je détailais la cafétéria qui grouillait d'adolescents en pleine discussion qu'il semblait juger formidable. A quelques mètres, Aurora, jacassait devant ses amies, toutes émerveillés par son charisme débordant. Dans le fond, assis à une table, Tyler accoudé à côté de son assiette, discutait avec Tako, son (seul) ami. J'évitais son regard à tout prix, je ne voulais pas qu'il me pose des questions au sujet de "l'incident" où les hommes de main des meurtriers m'avaient retrouvés. Je demandais à la fille qui dont les pensées divaguaient :

" - Tu le connais lui ?" demandai-je en désignant Tyler du doigt.

Elle grimaça :

" - Personne ne le connait vraiment, à part peut-être Tako. Il sèche les cours souvent. Pourquoi cette mine énigmatique ?

- Comme ça, je me demande pourquoi il ne traîne pas avec les autres.

- Tu es pareil, je te signale ! Enfin, tu es plus sympa. (Elle m'informa d'un ton qui semblait grave.) Il y a des rumeurs comme lesquels c'est un repris de justice, d'autre disent qu'il traverse le pays car il est recherché.

Elle éclata de rire.

- C'est stupide." riais-je sans en être amusée.

Je rentrais à la nuit tombée, portant la fatigue et le stress de ces derniers jours, je ressentis un frisson de surprise en moi, j'entendis des hommes discuter entre eux. La voix d'un d'autre eux m'étais familière. Aux alentours, tout était calme, les bâtiments en briques luisaient au soleil couchant, les citadins affluaient, une légère brise souffla sur mon visage. Je me plaquai contre le mur à l'angle de la ruelle de l'ancien endroit que je m'étais approprié,  il y a encore deux jours. Je reconnus l'un d'entre eux, l'un de mes agresseurs s'exprimait violemment. Dans la quarantaine d'années, il était grand, les cheveux châtains et les yeux sombres, une expression de rage lui collait à la peau. J'arrêtais de respirer. J'écoutais leur dispute, l'un commença en anglais :

" - On va avoir des problèmes si on ne la trouve pas avant la date prévue.

- La dernière fois elle t'a roulé et tu n'as strictement rien vu venir.

- Elle est maligne !

- Et toi t'es un abruti, oui, je le sais déjà. Elle a du quitter la ville.

- Pas sûr, on a surveillé tous les transports en communs avec les autres. " remarqua l'autre.

Leur voiture, était située à quelques centaines de mètres, j'avais juste à passer devant la rue en un éclair, ouvrir et me hisser dedans. Facile à dire, je risquais gros. Devais-je prendre autant de risques pour peut-être revenir bredouille ? Peut-être y trouverais-je des papiers d'identité, de l'argent, n'importe quoi qui puisse améliorer ma situation actuelle et que je puisse mette un nom sur leurs visages une bonne fois pour toutes. En quelques secondes ma décision fut prise, je voulais sortir de ce calvaire et pour cela je devais me défendre. Alors je courus, aussi vite que possible jusqu'au 4x4 gris clair, les portes étaient fermées mais grâce à ma clé passe-partout ce fut presque trop facile, pensai-je. Je saisis la poignée de la boîte à gants, je tremblais mais ma détermination prit le dessus et je fouillais dans leurs papiers. Bon nombre me seraient inutiles, parmi eux je découvris une enveloppe contenant de l'argent en liquide et un passeport. Dans une malle, je repérais une bombe lacrymogène, je mis touts ces objets dans mon sac à dos. Je scrutais les alentours, les deux hommes n'étaient toujours pas revenus. Un objet attira mon attention, la lumière se reflétait dessus, coincée entre les deux sièges avant, je vis que cet objet était un téléphone portable prépayé. Je sortis du véhicule comme si de rien n'était. Certains passants me dévisageaient, je leur adressai des sourires innocents. Au loin, je vis les hommes revenir, je mis ma capuche et parti d'un air paisible. Je me mis à courir deux rues plus loin, sentant l'adrénaline remonter, comme avant.

Quelques heures plus tard, au milieu d'un jardin public, je m'écroulais sur un banc en bois, pour faire l'inventaire des objets volés aux hommes qui voulaient me trouver et me faire taire. Le passeport était au nom d'un certain Bradley Adams, de nationalité américaine, ceux qui me recherchaient avait donc des complices aux Etats-Unis.  Le téléphone portable était un vulgaire Samsung, dont des appels avaient été effectués en destination de numéros inconnus. Aucune photographie, aucune musique, aucun document ni aucun contact. Un téléphone qui avait un but professionnel avant tout. J'ouvris ensuite l'enveloppe dont la seule inscription sur le recto était deux noms anglais , "Wallace to Adams", écrit avec une écriture peu commune. Le contenu total de cette enveloppe s'élevait à 5000 dollars. Mes doigts tressautèrent et mon cœur manqua un battement à la vue des billets. Je valais donc 5000 dollars. 







The girl who is on the run.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant