Un petit grincement. Une silhouette noire informe émergea de la pénombre de sa chambre, plissant les yeux sous l'éclat du soleil à son zénith.
- Ça pique...
- GRIM ! JE SUIS TELLEMENT DÉSOLÉ !
- Hein ?
Je me jetai sur lui, et le sentis sursauter. Sans lui laisser le temps d'en placer une, je continuai :
- Désolé, désolé, promis, je le referai plus !
- B...Bri...
- Je te jure, je m'en veux à mort, je suis impardonnable ! Je suis un imbécile de poisson rouge !
- Ça... ça va, je ne t'en veux pas.
- Ouf !
Ravi, je me détachai de lui, le laissant reprendre son souffle, puis déclarai :
- J'ai vu que tu ne te réveillais pas, du coup, j'ai fait le repas pour nous deux !
- ...
- Omelette et pâtes !
- Super.
Je le laissai définitivement se réveiller et repartis dans la cuisine, juste à temps pour éviter que l'eau ne déborde. En baissant le feu, je lui jetai un regard en coin. Il avait encore l'air un peu dans les vapes ; il partit d'ailleurs se laver à son tour.
Évidemment, l'accalmie fut de courte durée. À peine eus-je sorti l'omelette de la poêle - non sans en laisser la moitié, cramée, au fond - que la joue barbue de mon ami vint chatouiller la mienne. Comme d'habitude, je ne l'avais pas entendu venir. Il demanda indifféremment :
- Tu n'as toujours pas appris qu'il faut mettre de la graisse au fond de la poêle quand tu fais cuire quelque chose ?
- Mais... mais si, je le savais ! C'est juste que j'ai oublié !
- T'es mignon.
Sa voix n'avait pas changé. Toujours aussi nonchalante. Alors pourquoi me sentis-je rougir comme une fillette ?
- Si t'es là pour critiquer, file. C'est prêt de toute façon, ronchonnai-je.
- Hmm.
Il s'éloigna. Je fixai mon omelette atrophiée dans le blanc... de l'oeuf, et lui demandai, avec tout le sérieux du monde :
- Dis, pourquoi il est comme ça ? Je le comprends pas.
Elle ne me répondit pas. Contrariante, va. J'amenai à table la petite assiette avec l'omelette, et repartis chercher le gros saladier plein de pâtes. Mon coloc me regardait fixement, ce qui avait le don de me mettre mal à l'aise.
- Quoi ? Mon nez coule ? fis-je, embêté.
- Est-ce que tu te souviens d'hier, Greg ? demanda-t-il avec l'expression la plus sérieuse que je lui aie jamais vue.
Je penchai la tête, et répondis innocemment :
- Oh, tu parles de cette soirée DVD qu'on avait prévue ? Je suis vraiment bête d'avoir oublié, franchement... mais on peut remettre ça à ce soir, si tu veux !
- Je ne parle pas de ça...
Il se mordit la lèvre, affichant une gêne plutôt rare chez lui, puis finit par lâcher à contrecoeur :
- Qu'est-ce qu'il s'est vraiment passé avec Siph' ?
- Hein ?
Instant bug. Il ne plaisantait pas, mais moi, je ne voyais vraiment pas de quoi il parlait. Aussi répétai-je bêtement :
- Avec Siph'... ce qu'il s'est passé avec Siph'...
C'est étrange comment la mémoire humaine fonctionne. La mienne, en tout cas. C'est le gros blanc - et puis d'un coup, plop, un petit souvenir apparaît comme ça. Et l'instant d'après... Big Bang.
Le saladier fit un son mat quand il heurta le sol. Étant en plastique, il ne se cassa pas ; mais mes coquillettes (sur)cuites avec amour finirent par terre.
Mes genoux me lâchèrent, et je ne tardai pas à rejoindre les pâtes au sol, les yeux écarquillés, l'esprit pulvérisé.
- Greg ?!
Ma gorge, purement et simplement bloquée, ne put émettre qu'un petit couinement pitoyable. Ce qu'il s'était passé avec Julien... j'étais le premier à me le demander. Je sentais encore ses doigts, sa chaleur... et son souffle, sa voix tentatrice à mon oreille... rien qu'à ces pensées, ma peau me brûlait.
- J'en sais rien... soufflai-je, les yeux embués.
- Greg...
Cette fois-ci, je l'entendis reculer sa chaise pour venir à moi. Je le vis s'accroupir devant moi. Et je vis ses bras venir m'enlacer doucement. Retenant mes larmes, je me laissai aller contre lui, contre sa présence forte et rassurante, et vins poser ma tête sur son épaule.
- Désolé... je n'aurais pas dû parler de ça, me murmura-t-il.
- C'est moi qui aurais dû t'écouter quand tu m'as dit de ne pas chercher à faire cette foutue vidéo... j'avais oublié qu'on avait prévu ce film hier, souris-je faiblement.
Il fut secoué d'un petit rire.
- Imbécile...
- Tu ne m'en veux pas ?
- L'important, c'est qu'il ne te soit rien arrivé.
Je fermai les yeux, apaisé, m'interdisant de réfléchir plus à l'attitude de Julien. Grim avait raison. Au moins, lui, je lui faisais confiance...
Il ne me ferait jamais, jamais un truc aussi étrange...
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Non, rien à rajouter cette fois. À part que la dernière phrase va potentiellement faire gueuler. Ah, merveilleux territoire que la friendzone.
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"Il reviendra"
FanfictionOu comment se rendre compte que chez les autres, ce n'est pas forcément mieux que chez soi. - Bonjour, ceci est un yaoi, soit une relation amoureuse (ou plus) entre deux hommes - si ça vous dérange, passez votre chemin. - Cet écrit est une pure fict...