Souffle

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"La nouvelle Babylone n'a jamais été aussi belle

Les Anges y ont mis nos plus beaux espoirs

Mais alors qu'est ce qui me dévore la poitrine chaque nuit ?

[...] a mis les graines duTemps mais [...]"

Note anonyme


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Les autres enfants punis racontaient souvent avec effroi les terribles nuits passées dans la Tour. Le vent, le froid, l'obscurité lorsque la bougie de suif s'éteignait. Mais Myr ne détestait pas particulièrement l'endroit. Ici personne ne la frappait.

Elle s'empara de son style et commença par gratter son nom sur un emplacement vide. Peu de gens étaient punis, à l'Eglise du Savoir. Chaque personne savait que pêcher éloignait la possibilité d'accéder au paradis après la mort. Mais Myr ne considérait pas que c'était elle qui pêchait. L'Eglise lui cachait quelque chose. Quelque chose de noir et de malsain qui lui donnait des frissons dans la nuque et faisait dresser ses boucles brunes sur sa tête. Comment les gens pouvaient-ils ignorer cette noirceur âcre qui flottait autour du bâtiment ? Ces rémanences sales qui s'agrippaient sur les gens quand ils ressortaient de la pièce interdite ? Ces râles immondes qu'elle entendait presque chaque fois que quelqu'un ouvrait la porte ?

"Car mon esprit est plus fort que le glaive."

Elle grava les mots avec soin. Le calcaire de la roche poudrait et lui piquait les yeux.
Son regard s attarda un instant sur sa blessure. Elle ne saignait plus, mais la marque indélébile qu'avait formé la violence sur son corps d enfant la fit réfléchir. Peut être que le Prêcheur avait raison. Peut être que la solution à son problème résidait ailleurs.
La petite fille poussa un soupir et son estomac gronda. Ses séjours répétés à la Tour ne jouait pas en sa faveur et si elle continuait encore elle n aurai bientôt plus que la peau sur les os.
Comme papa et maman.

Elle appuya son front sur la pierre fraîche. Son père lui avait dit avant de mourir : "Myr, le monde n'est que mensonge. Dieu nous a oublié, et le Mal reprend racine."
Elle n'avait pas compris et ne comprenait toujours pas. Mais la Mort était joueuse et avait scellé à tout jamais ses lèvres pâles et ses yeux bleus comme l eau calme.
Myr n avait pas pleuré ce jour là, même si elle était triste. Triste de sentir le poids d une tâche invisible lui incombant, le poids d un destin se graver dans son esprit comme elle gravait le grès de son style. Elle n'avait que 35 lunes à l époque, et maintenant qu'elle en avait 50, elle comprenait que la sagesse viendrait au cours du temps. Il fallait attendre qu'elle devienne plus sage, plus forte, plus intelligente. Les enfants de 50 lunes n étaient pas pris au sérieux ici. Quand bien même la majorité était acquise après l Épreuve du Salut, les Senescents n'accordaient de crédit qu'aux écrits et aux rares élus du peuple néo-babylonien...
Plus que 50 lunes à attendre et elle aurait sa place sur l'Échiquier.

Un grattement discret se fit entendre sur la porte. Un raclement de gorge se fit entendre à travers la lucarne de la porte. La petite se redressa, aux aguets. Le Prêcheur avait-il oublié quelque chose ?

"Myr, tu es là ?"

Silence.

"Myr, réponds moi !"

La jeune fille souffla en silence. Encore cette idiote de Félicité. Elle n'avait pas arrêté de la suivre depuis son arrivée ici. 

"Je...j'ai rapporté du pain pour toi. Il n'est pas frais de ce matin mais c'est tout ce que j'ai trouvé..."

Accroupie au sol, la petite fille se fit la plus discrète possible. Peut-être partirait-elle au bout d'un moment ? Mais son ventre gargouilla en une longue plaite douloureuse, trahissant sa faim dévorante ainsi que sa présence par la même occasion.

Nouvelle BabyloneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant