Marchant dans la rue jusqu'au centre d'établissement des Wilds, je me sens d'autant plus morose que mon dix huitième anniversaire arrive à grands pas. Encore une séance de recensement où je me doute que je n'en sortirai pas accompagnée.
Le bâtiment, juste devant moi est à n'en pas douter l'un des plus haut et des plus architectural de la ville tout entière. Avec ses allures de cathédrales d'acier et de verre, il mêle avec une vision légèrement futuriste sur son temps un accord parfait entre les arabesques métalliques et la lumière passant au travers de ses grands panneaux translucides, sans couleurs, mais reflétant avec une facilité admirable le soleil déclinant peu à peu de ce début d'automne.
Je soupire profondément en arrivant devant la grande porte en verre du bâtiment clair et jette un œil à la grande pancarte où l'inscription « Centre d'Établissement des Wilds » est figée en lettres noires sur son fond crème. L'escalier de marbre à mes pieds est nervuré inlassablement et je me souviens qu'étant petite, je m'amusai à retracer ces lignes informes et diaphanes du doigt en attendant mes parents qui statuaient sur mon sort avec le laborantin. Accompagné de sa fidèle rambarde en fer forgé, l'ascension jusqu'en haut est parfaite et dénonce depuis toujours la richesse de ce côté de la ville.Je peux très facilement monter les marches jusqu'à la salle d'attente les yeux fermés tellement j'en connais le chemin. Et c'est ce qui m'exaspérait le plus. Dix marches pour l'escalier, plutôt longues, mais pas trop, une première porte en verre ouvrant sur le sas d'entrée, puis une seconde en bois finement ciselée aux coins avant de plonger dans cette atmosphère presque livide mais purement bureaucratique du Centre.
Je me fais silencieusement et avec amertume la remarque que contrairement à autrefois, mes parents ne m'accompagnent plus depuis longtemps en ces lieux. Ravalant cette douloureuse pensée, je monte enfin ces dix marches de marbre, le regard pourtant rivé sur le sol. Je suis seule ici car mes parents sont depuis longtemps désemparés. Devant les séances infructueuses et mon âge avancé, ils ont décidés de me laisser venir ici seule. Le désespoir de parents attendant bien plus de leur première fille et sûrement d'un secret qu'ils ne peuvent dévoiler.
Une fois passé la seconde porte, le blanc et le gris que portent les murs me frappent de leur luminosité. Tout est sobrement habillé de ces couleurs, le carrelage gris clair réverbère la lumière provenant des panneaux vitrés en hauteur du bâtiment et le tout est amplifié par la peinture blanche des murs jusqu'à hauteur d'homme où enfin à terre, on trouve une nouvelle teinte de gris clair elle aussi. Je lance un regard vers le bureau d'accueil où siège Mademoiselle Bellori, une secrétaire fidèle et assidue en charge de la réception. Son regard est plongé vers son bureau et à demi caché derrière la remonté de bois de son meuble, elle porte ses cheveux blonds dans cet indéfectible chignon haut et parfaitement ajusté.Ses grands yeux noisette ne mettent qu'une fraction de secondes avant qu'elle ne me voit et aussitôt, son sourire s'ancre avec fermeté sur son visage. Ce même sourire depuis si longtemps, trop longtemps. Je lui adresse un vague sourire de salutation alors qu'il y a quelques mois, j'aurai échangé volontiers quelques mots avec elle et avec mon sourire. Mais le coeur n'y est plus. Je sais ma limite bientôt atteinte, je ne peux plus attendre avec ce genre de simagrées surtout que je sais aussi que ce sourire est le même pour tout le monde...
Le grand ara aux couleurs flamboyantes pousse un cri mêlant joie et amertume. Lui aussi sait pourquoi je suis là, toutes les semaines, toujours à la même heure. La persistance de son regard franc me fait de plus en plus tôt baisser les yeux lorsque je le vois - contrairement à sa moitié - qui ne cache pas ses expressions derrière ce voile de politesse et de sympathie à mon égard, comme le demande son travail.
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Wild
WerewolfDans un monde où l'homme est relié à un animal - Wild - toute sa vie durant. Madyson se révèle ne pas avoir de Wild. Or, dans cette société très stricte, ne pas en avoir est signe de rébellion et de déchéance. A l'aube de son 18ème anniversaire...