Wild - Le marché

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          Je reste perplexe et le regarde un instant, encore partagée entre admiration pour son être et la surprise de sa demande. Il se passe quoi ? Comment un pur inconnu peut entrer dans ma vie, l'air de rien, et me proposer d'être mon Wild juste par supposition ? Comment sait-il tout cela sur moi? M'épit-il depuis longtemps pour savoir que je passe souvent par cette rue et surtout que je suis "spéciale" au sens de la société ?

- Je te le répète. Je serais ton Wild. Tu en as besoin, je le sais, je connais votre système.

          Je recule d'un pas dans le vide, me souvenant que le mur m'a déjà accueillie un peu plus tôt. Je suis effrayée. Il me regarde bizarrement et penche la tête sur le côté. Les questions viennent soudainement se mêler dans mon esprit. C'est tout bonnement impossible ! Peut-être n'ais-je pas l'esprit assez ouvert pour, premièrement ; croire qu'il existe des créatures pareilles en ce monde, et deuxièmement ; qu'il sache de je ne sais quelle raison de mon malaise ici même.

- Quoi ? Reprend-il. Cela te surprend ?

- Beaucoup oui... Je ne suis pas vraiment sûre...

          Son regard change sans cesse, il passe un court instant d'une tendresse indéfinissable, à une dureté sans pareille. Si j'en crois mes faibles connaissances en comportement canin, l'agitation de ses oreilles trahissent aussi un changement d'opinion allant de la méfiance, à la surprise, en passant par la neutralité. Alors qu'il rouvre le dialogue, je peux remarquer que ses babines bougent comme de vraies lèvres pour former ses mots. Qu'il soit prit par la parole comme un humain me surprend. Mon regard glisse sur sa truffe, noire et humide à en juger par les reflets du lampadaire dessus, ses moustaches de part et d'autre de sa gueule, naissant de points de fourrure noire parmi tout ce blanc. Il agite la patte devant mon regard et étrangement, il me sort de cette rêverie descriptive que je préfère faire plutôt que de penser à ma peau.

- Je t'ai observé... Oui, je sais, c'est étrange, mais je savais que tu passerais ici aujourd'hui, comme presque à chaque fois de toute façon... Et vu ta tête depuis un moment, tu vas bientôt être une adulte.

          La surprise me fait me compresser contre le mur, un hoquet de stupeur venant s'écraser sur mes lèvres. Je porte immédiatement ma main sur ma bouche, comme si je voulais me faire taire moi-même au lieu d'être à nouveau bâillonné. L'exactitude de ses propos me déstabilisent. Cette fois, il me fait peur. Comment est-il possible qu'il m'ait surveillé ? A Bellow, cette ville très surveillée et à la foule toujours présente, c'est possible? D'autant que le centre, et donc par extension, cette ruelle, se trouve au beau milieu de la ville. Mais à la place, je ressasse le fait qu'il m'ait observé pendant longtemps. Traquée ? Je ne sais pas comment prendre cela si ce n'est comme quelque chose de malsain. J'en frémis, presque happée par le sentiment de n'être qu'une proie. Mais je dois en avoir le coeur net.

- Vous... Tu... Veux être mon Wild ? Mais nous n'avons aucune connexion... Je n'ai pas ressenti cette chose si particulière.

- Nous pouvons tous les tromper... Faire semblant. Répond-il aussitôt, sûr de lui.

          J'écarquille les yeux et retiens un rire saugrenu. Il veut tromper tout le système, tout ce qui nous guide depuis toujours ? Il est fou !! On ne peut pas berner la société, feindre quelque chose d'aussi énorme. Posséder un Wild nous intègre définitivement dans ce lieu, dans cette sphère, dans ce monde. D'un autre côté, si je ne trouve pas de Wild, je finirai rebuse de ce même système. Il reprend la parole, sa voix s'est habituée à force de faire vibrer ses cordes vocales.

- Je sais me taire, aussi, je comprends bien que vous autre, les humains, ne comprenez pas que nous puissions parler.

          Il marque un point. Je hoche la tête de façon à lui signifier que je suis d'accord avec sa remarque. Une pensée traverse mon esprit ; tous les Wild savent-ils parler ? S'en cachent-ils ? Est-ce un moyen de les différencier des autres animaux ? D'une question, j'en arrive à une dizaine, impossible de m'arrêter. Je m'y force cependant et lâche la première pensée qui me traverse alors l'esprit.

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