Laisse le feu brûler la glace (TERMINÉ)

PARTIE 11. Laisse le feu brûler la glace

L'ombre qui reprenait consistance en s'avançant peu à peu dans le faible halo de lumière de la lampe tenue par Abigail, laissa place à la forme d'un homme.

- Vous avez demandé à me parler, Abigail ?

La jeune femme qui ne savait pas très bien si elle était réveillée ou toujours dans l'un  de ses songes, sursauta au son de la voix de Jared Lewis. Elle lui semblait si réelle.

- C'est impossible, je suis encore en train de rêver.

- « Encore » ? Vous rêver donc souvent de moi ? Ce n'est pas la première fois que vous me faites une telle révélation.

- Des rêves qui se transforment en cauchemars.

- Evidemment qu'ils deviennent cauchemardesques si j'en fais partie, étant donné ma ténébreuse nature.

- Ils ne se transforment pas en cauchemars à cause de votre ténébreuse nature comme vous le dites, mais parce qu'à chaque fois, je vois votre mort. Et c'est insupportable. C'est comme si votre perte provoquait la mienne. Elle me rend tellement malheureuse que j'en mourrais, également.

Décontenancé par ce nouvel aveu d'affection, le démon ne répliqua pas immédiatement.

- Vous savez que je suis réellement ici avec vous, cette nuit, Abigail ? Vous ne dormez plus.

Semblant hésiter, elle se risqua à lui demander le moyen de vérifier son affirmation.

- Donnez-moi votre main, Jared.

- Pourquoi ?

- Parce que cette sensation que nous ressentons tous les deux dans la réalité par notre simple contact, est différente dans mes rêves. Vous savez ce dont je parle, n'est-ce pas ? Ce mélange de chaud et de froid qui se heurtent. Cette sensation pourra me faire prendre conscience de la situation. Malheureusement, je saurais alors si vous êtes aussi ténébreux que vous le prétendez, car votre intrusion dans ma chambre de cette façon, est totalement terrifiante.

Le démon plongea un regard à la fois inquiet et mal à l'aise dans les grands yeux d'or qui le fixaient.

- Je pensais que vous auriez compris ce matin en vous rendant à Scotland Yard, que je suis .

Ce fut au tour d'Abigail, d'être tendue. Tout en déglutissant, elle réitéra sa demande avec encore moins d'assurance que précédemment, en évitant son regard.

- S'il vous plait, votre main ?

L'être démoniaque s'avança et s'exécuta. Dès qu'Abigail referma ses doigts autour de ceux de Jared, l'étrange effet dont elle parlait plutôt, les traversa tous les deux. Chacun retira précipitamment sa main. L'une parce qu'elle venait de prendre conscience qu'elle ne rêvait pas, l'autre parce qu'il se méfiait de cette sensation qui lui était si mystérieuse.

- Vous êtes donc réellement ici ce soir...et...vous m'avez fait suivre ce matin quand je me suis rendue au commissariat de police. Vous êtes...l'éventreur...Et vous êtes venu me tuer ?

Jared ne put s'empêcher de rire, mais apporta rapidement une réponse à la jeune femme.

- Non je ne suis pas l'éventreur. A vrai dire, je suis pire. Mais je ne suis pas venu vous tuer, j'en suis incapable. Vous vous souvenez de ce dont nous avons parlé, l'autre jour ? : « La plus dangereuse des créatures au monde, ne peut vous dévorer [1]. »

Effrayée, Abigail recula d'un pas et répliqua tout en fixant à nouveau son interlocuteur dans les yeux, de sorte à montrer son courage face à la crainte qu'il lui inspirait.