Laisse le feu brûler la glace (TERMINÉ)

PARTIE 6. Le choc des extrêmes

En rentrant chez elle ce soir là, Abigail eut bien du mal à trouver le sommeil. Mais lorsqu'elle y parvint enfin, elle rêva de Jared Lewis. L'endroit où elle se trouvait en compagnie du beau brun ténébreux était flou, cependant le scénario qui s'y déroulait était très explicite. Debout dans ses bras, elle était en train de l'embrasser et de se laisser aller à ses caresses. C'était un rêve agréable jusqu'à l'intervention d'un troisième personnage qui menaça son amant d'une arme à feu. Abigail qui se concentrait pour tenter d'identifier l'agresseur, comprit que le coup était parti lorsqu'elle découvrit le sang sur sa main puis l'auréole rouge grandissante sur la chemise de celui qui l'enlaçait, quelques secondes plus tôt. L'instant d'après, elle se retrouva accroupie auprès du mourant, en lui suppliant de ne pas l'abandonner. Supplications qui se transformèrent en pleurs lorsqu'elle assista au dernier souffle de son bien-aimé.

Ce fut avec les larmes aux yeux et un profond sentiment de tristesse, comme si elle avait eu le cœur brisé, qu'elle émergea lentement de son cauchemar. Quel mélange dans sa tête. Comment pouvait-elle se sentir si malheureuse ? Tout ça n'était qu'un rêve et Jared n'était qu'un étranger à ses yeux. Elle n'était pas vraiment étonnée d'avoir rêvé de l'américain, puisqu'elle avait songé à lui pendant un certain temps avant de s'endormir. Tout d'abord parce qu'elle s'en était voulu d'avoir été si peu sympathique avec celui quilui avait évité de se mettre en danger en rentrant seule chez elle ce soir-là. Ensuite car elle n'arrivait pas chasser le trouble intense que cet étranger avait déclenché en elle.

Le fait est que la veille, quand elle l'avait accusé de lui faire la cour et qu'un contact physique s'était établi entre eux, son pouls s'était considérablement accéléré. Elle savait qu'il ne s'agissait pas de colère, malgré ce qu'elle avait laissé paraître. En réalité elle s'était sentie intimidée et effrayée. Aucun homme ne lui avait jamais provoqué cette sensation désarmante et donc elle s'était montrée froide et brusque par pur réflexe défensif. Et puis il y avait autre chose. Lorsqu'elle avait posé sa main sur la poitrine de Jared pour se rattraper alors qu'elle perdait son équilibre, elle avait décelé une chose extraordinaire. Le mélange de chaud et du froid. Le choc entre deux forces qui s'opposent : le feu et la glace.

Quoiqu'il en soit cette déstabilisation et les mauvais souvenirs de l'agression qu'elle avait subie ces jours-ci, semblaient avoir fusionné pour laisser place à un bien curieux cauchemar.

Alors qu'elle tentait de mettre un visage sur le troisième intervenant de son rêve, elle porta dans un geste habituel, sa main à son cou pour faire glisser entre ses doigts, le pendentif qui contenait les portraits de ses parents adoptifs. Son ventre se noua au moment où elle constata l'absence de l'objet. Elle chercha son bijou dans son lit, puis par terre, mais ne le trouva nulle part. Elle s'en voulait de ne pas avoir fait réparer le fermoir abimé comme le lui avait recommandé Mona, sa domestique qu'elle connaissait depuis toujours. Elle se souvint l'avoir tripoté pour la dernière fois, lors de la narration de l'un des exploits sportifs du rugbyman barbant. Elle songea qu'elle pouvait l'avoir perdu en sautant de l'arbre et donc elle décida de retourner à cet endroit pour le retrouver.

Au moment où elle terminait de s'apprêter pour sortir, la sonnette de la porte d'entrée retentit. Elle ne laissa pas le temps à l'employée de maison d'aller ouvrir et s'enquit de la raison de la venue du visiteur qui n'était autre que le chauffeur qui l'avait raccompagnée la veille. Ce monsieur qui semblait âgé d'une bonne soixantaine d'années et répondant au nom de Gordon, avait en fait été engagé par Jared pour une petite course : celle de rapporter le précieux bijou à sa propriétaire. A sa grande surprise, elle constata que le fermoir était réparé. Le coursier lui fit également savoir qu'il était aussi payé pour la reconduire de la faculté à chez elle, tous les soirs de cette semaine.