Chap. 7 - Oublier le passé

14 1 0
                                    


   Il est 5 h du matin quand je rouvre les yeux. Je crois voir la neige tomber par la fenêtre, encore. Je n'aime pas le froid. Et cette année, je n'aime pas non plus la neige. Elle recouvre d'un drap immaculé le sol de la ville, les rues tachées de sang, la vermine qui grouille et la colère qui ronge ses entrailles. Je me tourne, face au plafond, et pense. La journée promet d'être assez difficile à vivre. Il me faut oublier tout. Qui suis-je, qui sont mes parents, que leur est-il arrivé...J'essaye de me mettre en tête que je suis Raphaëlle Strauss, j'ai 21 ans, mes parents sont morts il y a quelques années dans un accident tragique, je suis orpheline. Gretta est ma meilleure amie depuis toujours. Je passe le plus clair de mon temps chez elle, le foyer étant bien trop strict à mon goût. C'est vraiment dur, la vie en foyer... Je soupire. J'ai l'impression de ne pas être convaincante. C'est difficile de faire croire au monde en seulement quelques mots que nous sommes telle personne alors qu'il n'en est rien. Je sens du mouvement, à côté de moi. Gretta se tourne et se retourne dans son sommeil. J'ai peur de la réveiller. Le sommeil me manquant, je décide de descendre. Il fait froid dans l'appartement, et la fine chemise de nuit que je porte ne me tient sûrement pas chaud. Je saisis un gilet que j'avais dû ramener, qu'en sais-je, et le glisse sur mes épaules avant d'ouvrir lentement la porte pour ne pas faire de bruit. Je m'engouffre dans la cage d'escalier et me dirige vers le salon.

— Tiens, Raphaëlle ! Déjà réveillée ?

Astrid est déjà à la table du petit déjeuner. Je recule de quelques pas pour m'engouffrer dans la cuisine.

— Bonjour Astrid. Je ne trouve plus le sommeil, donc je me suis levée.

— Tu as bien fait, viens t'asseoir.

Elle me tend une chaise, à côté d'elle.

— Comment te sens-tu ?

— J'essaye de me convaincre de qui je suis, d'après les renseignements que vous m'avez donnés. Je ne suis pas vraiment sûre de moi...

— Je te comprends bien. Mais as-tu vraiment besoin de parler de toi aujourd'hui ? Après tout, tu vas voir deux personnes qui te connaissent suffisamment pour que tu n'aies pas à leur rappeler quoi que ce soit. Et dans le pire des cas, Gretta est là. Tu n'auras qu'à dire que tu n'as toujours pas fait ton deuil.

Je regarde dans le vide, écoutant chacun des mots. Cela me semblait assez correct, comme excuse. Je tourne les yeux vers elle, un peu perdue, mais rassurée. Elle avait les cheveux tirés en arrière, coincés dans un chignon rapide mais propre, malgré tout. Elle porte une chemise de nuit souple, recouverte d'une robe de chambre en laine, qu'elle avait sûrement du tricoté. Un sourire léger se dessine sur son visage naturel. Sourire que je tâche de lui rendre.

— Je sais que rien de tout cela n'est simple pour toi. Et tout le monde ici comprendrait que tu ne veuilles plus continuer.

— Ah oui ? Je ne crois pas que Gretta soit de cet avis.

— Comprends là, elle ne veut pas te perdre. Elle veut que vous partagiez tous vos beaux moments ensemble.

— C'est tellement dur de devoir se renier, de devoir renier sa famille, et de vivre en se disant qu'elle est peut-être morte, par ma faute !

— Elle n'est pas morte.

— Comment pouvez-vous en être certaines ?

— Conrad est un conseiller du Führer, n'est-ce pas ?

— Oui...

— Il a réussi à obtenir des informations concernant l'affaire d'avant-hier soir. Il semble que même ton frère est échappé à la pire des sanctions. Il a eu la bêtise de courir se réfugier chez vous. Ils les ont tous emmenés dans un camp.

A l'ombre de ses plumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant