Chap. 6 - Retour à la réalité.

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Je sens l'air frai glisser sur mon corps, ma peau, mes vêtements. Mes joues me tiraillent. En ouvrant les yeux, je ne vois qu'une lumière aveuglante, et du blanc. Du blanc immaculé. J'ai mal aux yeux, de voir tant de lumière après l'obscurité. Je plisse les sourcils. Suis-je morte ? L'au-delà ressemble-t-il à cela ? Une infinité blanche, sans murs, sans sol, sans plafond, sans portes ni fenêtres, sans rien. Du néant. Juste du néant. J'entends un bruit. Je ne sais pas s'il est proche ou lointain. Un craquement. Étrange, dans un monde sans rien. Mais je n'y prête pas attention. Je veux qu'on me laisse en paix. Mais quelque chose me saisit le bras. Doucement. Me secoue, tout en tendresse. Je plisse les sourcils, résistant à cette intervention. On me secoue plus fort. Je résiste encore. On me secoue toujours plus. Je cède. J'ouvre les yeux et me mets assise.

— Raphaëlle ?

La lumière s'estompe. Le blanc laisse place à des ombres, dessine des volumes, des formes. L'espace des fenêtres se dégage et se dessine. Les murs, le parquet, les meubles... le désastre. Un difficile retour à la réalité.

— Raphaëlle, tu vas bien ?

— Oui, oui... je crois.

Je pose ma main sur mon front, regarde autour de moi. Le chaos était toujours comme la veille. La tache de sang avait séché. La neige s'était éparpillée dans la pièce, grappillant toujours un peu de sol. Je frissonne, entre la peur, l'horreur, et le froid. Gretta me prend les épaules et me sert contre elle. Je ne pleure pas, mes larmes ne coulent plus. Je suis complètement vide, juste une enveloppe sans cœur, sans chaire. Je ne ressens rien, là. J'avais peur de retomber dans la souffrance de la veille, mais non. J'avais tout sorti. Gretta me hisse sur mes jambes, chancelantes, et m'aide à me maintenir debout. Même si mon cerveau semblait réfuter toutes sortes de sentiments, mon corps, lui, semblait ne pas s'en remettre. Je sentais sa faiblesse partout. Je sens l'inquiétude de mon amie, qui me regarde ne sachant trop que faire. Elle devait être tiraillée entre le bonheur de sa vie, le bonheur de ma rencontre d'hier, et le malheur qui clôtura cette fin de soirée. Pour elle, il fallait que je me ressaisisse. Que je retrouve la force de me lever, de marcher, d'affronter le monde. Qu'avais-je à perdre à présent ? Ma famille était portée disparue, peut être même morte. Et je n'avais rien, pas un indice, pas un soupçon, pour les retrouver et les aider. Alors, au final, avais-je le choix ? Entre vivre ou mourir, je préférais me battre, comme je l'avais toujours fait. Je souffle un grand coup, ferme les yeux en les plissant, puisant au fond de moi-même le courage qu'il me restait. Une fois retrouvé, je me redresse, pousse gentiment la main de Gretta, et avance de quelques pas. Je me retourne vers mon amie, qui, étonnamment, ne semblait pas heureuse mais surprise.

— Alors, tu viens ?

— Mais, Raphaëlle, tu viens de perdre ta famille...

— Justement. Je n'ai plus rien à perdre.

— Je ne te suis plus, là...

Elle devait avoir l'impression que j'étais devenue folle. Peut-être était-ce le cas. Mais je n'avais pas tout à fait tort. Ma famille était bel et bien disparue, alors qu'avais-je à perdre à par ma vie, qui, à ce stade, tenait à un fil ? J'ai l'impression que Gretta comprit vite ma pensée. Elle s'avance vers moi et vient me prendre la main.

— Tu peux toujours compter sur moi, quoiqu'il arrive...

Elle me sert dans ses bras et sort de la boutique. Je la suis, traversant le chaos de la pièce sans y prêter attention. Aujourd'hui, je n'étais plus Raphaëlle Görring, mais Raphaëlle Strauss, fille orpheline, dont les parents étaient morts il y a de cela quelques années. Au fond, la situation ne différait pas vraiment.

A l'ombre de ses plumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant