1-Young

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Young

Je regardais la mer. Je pourrais sauter, là maintenant, et tout serait fini. Plus d'Aaron Young sur terre.

Je pourrais me laisser emporter par les vagues, par le vent, et laisser mon corps se décomposer au fond de l'océan, pour ensuite servir de nourriture à un poisson

Oui, je pourrais faire ça.

Je sentais déjà l'abandon monter en moi, j'étais près à le faire, je le savais. Après ça, tout serait fini.

Je prenais une grande inspiration, puis lâchais la rambarde d'une main, histoire de me pencher encore plus.

Puis j'entendis un sanglot.

Je tournais la tête dans tous les sens et fini par la voir.

Elle était de l'autre côté du ponton, donc dos à moi. La nuit m'empêchait de bien la voir, mais elle était elle aussi penchée sur la mer, ses cheveux clair virevoltant autours d'elle, et elle pleurais.

Je soupirais, puis passer de l'autre côté de la rambarde de sécurité, avant de traverser le pont et d'aller de son côté à elle.

"-La vu est belle, déclarai-je car je ne savais pas trop quoi dire."

Je n'avais pas l'habitude d'avoir des compagnons de suicide. C'était une grande première !

Elle me fixa du regard, puis reposa ses yeux sur l'horizon, comme si elle cherchais à y découvrir la solution à ses problèmes.

"-Tu sais, continuai-je, je suis quasiment sûr que la vue est la même derrière la rambarde de sécurité."

Elle ne tiqua pas, ne décolla même pas son regard de la mer.

"-Regarde, tu as juste à tirer sur tes bras, à passer un genoux sur la barrière, puis à y passer ta jambe."

Elle ne réagis pas tout de suite. Je tournais la tête vers l'horizon moi aussi, pour essayer de voir ce qui la fascinait à ce point. Je ne voyais rien d'autre que la nuit, les étoiles et la mer. La lune était de l'autre côté. De mon côté. C'était beau, certe, mais il y avait quelque chose de terriblement déprimant dans cette vision. J'arrivais à peine à voir la séparation entre la mer et le ciel.

Puis je senti son regard sur moi. Longtemps. Je me mis à sourire, tout en laissant mon regard perdu devant moi.

Cela dura un long moment, mais elle fini par faire ce que je lui avait dit de faire. C'est-à-dire à ce mettre à califourchon sur la rambarde. Puis ses yeux se reposèrent sur moi.

"-Et maintenant? Souffla-t-elle de sa petite voix."

Elle devait avoir mon âge, peut-être un peu plus jeune. Mais elle semblait si vulnérable à cet instant que j'aurais pu croire qu'elle n'avait que six ans. Pourtant, ses yeux trahissaient une maturité assez perturbante.

Elle avait des taches de rousseurs, j'arrivais à les voir malgré la nuit, ainsi que des cheveux roux. Et ses yeux vert...

"-Et maintenant? Répéta-t-elle plus fort cette fois."

Je souris.

"-Fait la même chose avec ton autre jambe, expliquais-je simplement."

Elle hocha la tête, puis recommença l'opération qu'elle avait fait un peu plus tôt. Mais elle perdis un peu l'équilibre.

Je sautais d'un seul mouvement de l'autre côté de la rambarde et lui attrapais le bras, pour la faire basculée du bon côté, celui où elle restait en vie. Elle s'écrasa au sol, et me lança un regard noir.

"-Tu aurais pu faire attention, gronda-t-elle.

-Je viens de te sauver la vie, un merci se serait pas du luxe."

Elle souffla.

"-Merci."

Une larme coula sur sa joue, avant qu'elle n'éclate en sanglot. Comme je disais, terriblement déprimant. La lune l'éclairait. Ses cheveux tournoyaient toujours autours d'elle, et ses mains pâles posées sur son visage ressortaient. Elle aurait pu être un fantôme. Le fantôme le plus beau que j'ai jamais vu.

Bon, je pouvais rayer "sauver la vie de quelqu'un" de ma liste de chose à faire.

Je lui tournais le dos, puis repartis de mon côté de la rambarde.

Je sentis encore cette sensation d'abandon naître en moi, j'étais près, enfin...

"-Tu as juste à tirer sur tes bras, à passer un genoux sur la barrière, puis à y passer ta jambe, entendis-je derrière moi."

Tout retomba. Elle avait tout gâcher.

Je soufflais bruyamment, puis la rejoignis du côté sécurisé du ponton.

"-Tu es doué, remarqua-t-elle.

-L'habitude."

Il y eu un silence tendu. Je ne savais pas trop quoi faire là maintenant tout de suite.

"-L'arbre est fait pour se rompre, pas pour se plier, finit-elle par dire.

-Aaron Young, moi aussi je suis ravi de te rencontrer, répondis-je avant de m'en aller, les mains dans les poches."




Le Tour de ton MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant