CHAPITRE UN : LE DEPART ~ #3 : Cicatrice d'un temps lointain

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Ce vendredi matin, j'étais nerveux. Une insomnie m'avait traqué toute la nuit. Je m'étais levé à l'aube et avais rejoint la plage. Assis dans le sable, je regardais le ciel rosé. La mer, elle, était calme, plate ; une vaste mer d'huile qui s'étendait au loin, jusqu'aux murs. L'eau ruisselait doucement en cascade sur celles-ci. Un système d'évacuation permettait à la mer de repasser derrière les murs ; il n'y en avait jamais trop : Vauban, elle, ne subissait jamais de crue, simplement parfois des marées plus élevées. Je fermais les yeux et écoutais les petites vagues, le vent qui soufflait faiblement, les mouettes rieuses... J'entendis des pas feutrés se diriger vers moi ; je sentais l'irrégularité de son souffle, la douceur de son parfum qui flottait dans le vent, et la légèreté de son corps s'asseoir à ma droite. Elle mit sa main sur la mienne et déposa sa tête sur mon épaule. Roxane prit mon poignet et me glissa un bracelet en tissus vert. C'était celui qu'elle m'avait offert il y a bien longtemps...

- Combien de temps ? me chuchota-t-elle.

- Neuf mois d'exploration d'après eux, mais je pense que ce sera facilement prolongé à dix voire onze mois, lui répondis-je.

- Ca va être long...

- Dis-toi que je serai quelque part dans l'océan, peut-être sur un nouveau continent ou en train d'explorer les profondeurs sous-marines... Dis-toi que je suis toujours dans ton cœur.

Elle baissa les yeux, regardant mon bracelet qu'elle tripotait.

- Je le garderai toujours, lui promis-je.

Elle me regarda dans les yeux. Je me laissai plonger dans son regard, bercé par son sourire. Je déposai ma main gauche sur sa hanche et la fit légèrement basculer en arrière pour l'embrasser. Elle laissa échapper de sa bouche un léger gémissement de douleur. J'avais appuyé là où il ne fallait pas : sa cicatrice. En effet, paire de ciseaux avait laissée une trace indélébile des évènements de Montparnasse.

Je me relevai ; je l'aidai à se relever à son tour. Nous marchions en direction des habitations. La Cité de Vauban était toujours aussi calme. Personne n'était encore éveillé à part nous deux.

Il était temps pour moi de partir. Les trains arrivant à Vauban étaient rares ; seulement deux par semaine. La Cité était indépendante du système et cela avait un coût : avoir un certaine distance avec les autres Cités. Cela avait aussi un avantage : notre pacifisme. Je rentrais chez moi et pris mes affaires. Roxane m'attendait sur le pas de la porte et c'était peut-être mieux ainsi : je savais que s'était dur pour elle de ne pas savoir quand je reviendrai, voire même de savoir si je reviendrai un jour ou non. Moi aussi ça me faisait mal, ça me faisait peur, mais je ne lui montrai pas, sinon je sais qu'elle aurait été encore plus mal qu'elle ne l'était déjà. Elle ne le montrait pas beaucoup elle non plus, mais ça se voyait dans ses yeux. Je le voyais, et je ne doute pas qu'elle le voyait aussi dans les miens.

Les trains provenaient des tunnels. Au-dessus de chacune des grandes portes, il y avait une petite lumière rouge. Une d'elles devait s'allumer en vert quand le train serait à l'approche. Parmi les lumières, une était éteinte, à jamais : celle dont le tunnel avait été condamné, il y a déjà trois ans.

Deux, trois, quatre minutes interminables devant cette lignée d'ampoules rouge jusqu'à ce que l'une d'elle vire au vert. « The train is toward: Big Ben Area - peripheral station: A3 - Bee. »... La grand porte se déverrouilla et coulissa. Roxane baissa son regard.

- Hey, regarde-moi, lui disais-je en lui relevant doucement le menton, je reviendrai, tu m'entends ? Je reviendrai.

Elle me regarda dans les yeux, sans un mot. Je la pris dans mes bras et lui promis :

- Je t'appelle en arrivant, quand j'aurai les confirmations et tout le reste.

Je sentis sa tête sur mon torse qui montait de bas en haut. J'en concluais qu'elle acquiesçait.

Je l'embrassai une dernière fois. Pour moi, ce n'était pas un « adieu », ni même un « au revoir », simplement un « à très vite ».

J'embarquai dans le train.

« Beware departure ! »

Les portes du wagon se fermèrent et se verrouillèrent. La porte du tunnel se referma lentement dans un grincement métallique. L'obscurité envahissait peu à peu le tunnel et je voyais le corps de Roxane disparaître dans l'encadrement lumineux.

Deux, trois, quatre seconde brèves jusqu'à me retrouver dans le noir total. Cette fois j'en étais sûr : je m'étais lancé pour une aventure qui allait changer ma vie.




UN CŒUR TAILLÉ DANS LA PIERRE | Science-FictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant