9 # Eyes wide shut

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Toute personne en ce monde est confrontée au regard des autres. La différence ne laisse jamais indifférent, et si elle est trop importante, elle est souvent incomprise. À mon sens, il y a autant de personnes différentes qu'il y a de personnes tout court. Ce n'est pas simplement une question de physique ou de psychique, c'est une évidence. Cependant, force est de constater que si le genre humain est habitué à côtoyer ses pairs mêmes s'ils ont des paramètres divergents, il n'en reste pas moins très susceptible de sur-réagir face au handicap.

C'est quelque chose avec lequel on vit. Je crois très sincèrement parler au nom de tous en disant qu'à un moment donné, on a tous dans notre vie subi les effets négatifs de quelque chose qui nous différencie des autres, qui nous sépare de la norme, ce fameux parangon de vertu qui n'est ni plus ni moins que l'idéal de certains mais pas celui d'autres. La couleur de peau est sujette à la diffamation, tout comme les orientations sexuelles, la religion, les penchants politiques, etc. 

De toute façon, on aura beau dire, on aura beau faire, il y aura toujours des gens qui auront comme on dit « un pet de travers » vis-à-vis de ce que vous êtes.

S'il y a des différences que l'on choisit, le handicap n'en est pas une. OK, il permet de toucher les allocs et d'avoir des supers places de parking, mais quand même, on est tous d'accord pour dire que le deal n'est pas génial.

Tout comme il y a plusieurs couleurs de peau, il y a plusieurs types de handicaps. Physiques, mentaux, psychologiques, voire même des mélanges... Pour tout vous dire, ma propre pathologie n'a même pas d'étiquette claire et définie (même pas un truc du genre « super promo : -70 % ») ! Alors comment voulez-vous me ranger dans une case...

Le fait est que je me suis rendu compte très tard de ma différence, ou plus précisément qu'elle était si clivante. J'ai suivi un parcours scolaire (hormis lors de ma rééducation post-op, cf Confessions 3) dans des établissements lambda, et même si j'étais dispensé de cours d'EPS, j'étais parfaitement intégré dans les classes. J'ai rarement subi quoi que ce soit en rapport avec mon handicap. Hormis l'évidence de ne jamais avoir été le boyfriend idéal (le prince charmant n'a jamais boité dans les Disney), j'ai eu des altercations avec des abrutis à cause de mon handicap seulement deux fois à tout casser. 

Je ne sais pas si c'est une question de chance ou une question de sociabilité, mais je suis passé entre les mailles d'un filet qui d'habitude ne laisse pas filer (lol) grand-chose. Je m'en aperçois maintenant car je vois le monde avec des yeux d'adultes. Quand j'avais 12 ans, je ne voyais que les parties de Mario Kart, et quand j'avais 17 ans et que je me prenais râteau sur râteau, je ne me rendais peut-être pas compte que l'image que je renvoyais n'était pas celle d'un ado normal mais celle de quelqu'un beaucoup moins garant de certaines choses, comme peut-être (et je dis bien peut-être car je ne fais que spéculer, comme à la bourse mais en ruinant non pas des pays mais juste mon cerveau) la protection, la virilité, la hype...

Tout ça pour en venir à ce caractère incontournable du handicap : l'image que l'on renvoie aux autres est parfois plus dure à porter que le handicap lui-même. Moi, je suis né comme ça. J'ai une pathologie dite dégénérative, c'est-à-dire qu'avec le temps elle empire et je ne peux pas contre-attaquer. C'est comme ça, il faut vivre avec. C'est comme accepter à 27 ans de s'asseoir dans un fauteuil électrique : on n'a pas le choix, il faut continuer comme ça. Comme le dit Bertrand Cantat dans la chanson « A Ton Etoile » : « comme on n'a pas le choix, il nous reste le cœur ». J'adore cette phrase, elle est vraiment représentative de ma vie. Enfin bref, quelque part, ce moment où j'ai du m'asseoir dans ma bécane a été salvateur pour moi. Explications.

Avant, les gens me voyaient boiter. Je ne me suis jamais mis d'œillères, après tout je ne suis pas un cheval (quoi que... non, je plaisante), et j'ai toujours affronté ce genre de choses en face. Mon problème essentiel était que je voulais faire comme tout le monde, car je me suis toujours senti comme tout le monde, donc j'ai refusé d'utiliser une canne pour marcher, puis j'ai toujours reculé avant d'accepter le fauteuil, j'ai retardé jusqu'à être complètement dos au mur. J'en étais rendu à un point où je ne pouvais pas marcher sans m'accrocher à une voire deux personnes, bras dessus bras dessous pour qu'elles m'apportent l'équilibre et la force que je n'avais plus. Imaginez un peu la dégaine !

Confessions InfirmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant