19 # Amsterdam...

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Vers novembre 2014, des amis et moi avons décidé de nous faire un petit week-end prolongé dans l'une des plus fameuses capitales européennes : Amsterdam, ville réputée pour son incroyable réseau de canaux, ses nombreux musées et surtout le plus connu d'entre eux, celui sur Vincent Van Gogh. Affamés par tant de culture à notre portée, nous partons le vendredi après-midi avec des rêves de tableaux et de sculptures plein la tête.

Ça, c'est la version officielle qu'ont donné certains de mes amis à leurs parents (et oui, il y en a encore qui ne sont pas tout à fait émancipés). La réalité était que nous n'avions que deux buts : les drogues et les putes.

Le voyage se passe bien, si bien qu'à peine arrivés en début de soirée, sitôt les bagages déposés dans nos chambres d'hôtel (et nous remercions tous encore une fois Cristobal qui travaillait dans cette chaîne d'hôtels et qui nous a permis un accès facilité, ça a du bon de connaître les bonnes personnes parfois !), nous partons vers le centre-ville à la recherche d'un coffee shop histoire de se détendre après ces longues heures en voiture.

Nous entrons dans un petit boui-boui qui, par le plus grand des hasards, est tenu par un français. Il nous apprend d'ailleurs qu'Amsterdam comprend une grande communauté de gaulois, et qu'il ne faut pas être étonné d'entendre la langue de Molière parlée dans les rues. Ce mec est très sympa, mais mon ventre gargouille bruyamment : je n'ai rien mangé depuis ce matin, il faut faire quelque chose !

Nous nous attablons et certains de mes amis commandent des cônes, spécialités locales s'il en est. Sur la table, il y a un petit tas de gâteau au chocolat sous plastique. Ni une ni deux, guidé par mon appétit, je m'empare de l'un d'eux et le dévore à pleines dents. Délicieux ! Me voilà rassasié... Cristobal en fait de même, sauf que lui en mange deux.

Vous allez peut-être pas me croire, mais à aucun moment je me suis dit « tu es Amsterdam, il y a de la drogue partout, de la drogue légale, fait gaffe à ce que tu manges, ça pourrait être un space cake »

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Vous allez peut-être pas me croire, mais à aucun moment je me suis dit « tu es Amsterdam, il y a de la drogue partout, de la drogue légale, fait gaffe à ce que tu manges, ça pourrait être un space cake ». Pour ma défense, j'étais complètement claqué et vraiment affamé. Voilà pourquoi j'ai mangé un space cake en deux bouchées, à jeûn, et le prix à payer fut terrible...

Cela n'a pas mis beaucoup de temps à venir, et ça ne m'a pas raté ! À peine 10 minutes après ma dernière bouchée, je commence déjà à me sentir étrangement pâteux. Mes coudes appuyés sur la table me tiennent de moins en moins, comme si mes os se transformaient petits à petit en guimauve. J'ai chaud, j'ai froid, c'est le grand huit de la température interne. Dans ma tête je comprends assez vite ce qui m'arrive. Et je regrette déjà mon geste.

Je crois que c'est l'un des jours où j'ai le plus été heureux d'être handicapé ! S'il avait fallu que je marche, il est probable que j'aurais fini dans le canal.

Et quand j'y pense, heureusement que je n'avais pas pris mon fauteuil électrique, car là aussi j'aurais très certainement bu la tasse... tandis que là, avec mon manuel, j'ai juste à me laisser pousser par mes amis (en espérant qu'ils ne me jettent pas dans le canal).

Ce qui est étrange avec ce space cake, ou peut-être avec les spaces cakes en général, je ne sais pas, c'est la première fois et seule fois où j'en ai pris, c'est que ça monte vraiment très très vite. J'ai essayé d'autres trucs, et sans m'étaler sur mes autres expériences, je n'ai jamais vécu quelque chose de semblable. J'entends au loin les rires et les moqueries de mes amis, mais je suis incapable de répondre, mes lèvres sont comme collées et mon organisme dans son entièreté passe de l'état solide à l'état liquide.

Je n'ai qu'une seule solution en tête : manger. Quelque chose de consistant. Car actuellement, il n'y a que le gâteau hallucinogène qui squatte mon estomac, mais si je l'envahis avec d'autres aliments, ses effets vont forcément diminuer. Et par la grâce du Saint Esprit, ma petite troupe de camarades décide sans que je n'ai à formuler quoi que ce soit de se rendre dans un restaurant.

Malmené par une notion du temps somme toute très élastique, je ne vois pas trop le trajet passer et me retrouve une nouvelle fois attablé, mais cette fois-ci non pas dans un coffee shop mais dans un restaurant argentin. Les rires continuent, et je sais très bien qu'ils sont dirigés vers moi, mais bon, c'est de bonne guerre : j'aurais fait pareil à leur place !

Cristobal se rit de moi quand, pour choisir le plat que j'aimerais déguster, je ne parviens qu'à montrer du doigt la ligne sur la carte. Je pense que le serveur sait. Et je suppute qu'il doit se dire « encore un de ces abrutis de touristes qui est venu pour la drogue ». Il a pas tout à fait tort.

Enfin, le moment tant attendu : mon plat arrive ! J'ai l'impression que les couverts pèsent des tonnes, et chaque fois que je dois lever la fourchette ou le couteau, c'est comme effectuer un des 12 travaux d'Hercule. Déjà qu'à la base, j'ai du mal à couper mes plats, vous imaginez quel niveau de difficulté je subis dans l'état actuel des choses...

Chaque bouchée est comme une marche gravie sur l'escalier de la résurrection. Oui, c'est drôle d'utiliser l'image d'un escalier alors que celui-ci est souvent un ennemi dans mon quotidien. Quelle ironie, ha ha ha ! Bref, passons.

Ce qui est encore plus drôle, c'est que plus je reviens à la réalité, plus je vois Cristobal sombrer dans le néant hallucinogène duquel je viens de sortir. Le moqueur se retrouve moqué (rien à voir avec Guy), et c'est avec délectation que je me repais non seulement de mon repas mais surtout de la chute de mon ami dans les limbes du mutisme et de la mollesse. C'est vraiment très rigolo de voir ce grand gaillard d'1,85 m s'écrouler sur lui-même comme un flamby que l'on viendrait de dépoter !

Ceci dit, quand je parle de ma remontée dans le monde des vivants, je suis pas non plus en parfait état de marche (c'est le moins qu'on puisse dire). Mais au moins, je peux désormais communiquer sans difficulté, et puis de toute façon, le cul vissé sur ma chaise roulante, je n'ai qu'à me faire balader par mes amis qui ne souffrent pas des effets des spaces cakes (ils sont peu mais existent bien !).

En fait, maintenant que je peux distinguer les choses, je constate que nous sommes trois à avoir goûté de ces délicieux gâteaux aux effets secondaires déroutants : Cristobal, moi-même, mais également Fanny, qui titube comme une vieille alcoolique, aidée tant bien que mal par son petit ami.

Nous montons tous les quatre dans un taxi pour rentrer à l'hôtel pendant que le reste du groupe décide de continuer la soirée à se balader tranquillement, pétard à la bouche, probablement pour finir la soirée à arpenter les quartiers rouges.

Au sortir du taxi, juste devant l'hôtel, c'est le drame : Cristobal laisse un pourboire au conducteur sous forme de galette juste devant la portière. Quelques mètres plus loin, c'est Fanny qui y va de son retour gastrique. Pour ma part, ce steak argentin m'a littéralement sauvé la vie. Je vais bien, et je me régale du spectacle que m'offrent les deux autres drogués. Le copain de Fanny ramène celle-ci dans sa chambre, tandis que Cristobal, ragaillardi par son renvoi, s'occupe de moi.

Une petite douche, et hop, sous la couette. Pareil pour Cristobal. Nous ne faisons pas les malins, mais on se dit qu'on se rattrapera le lendemain. Car à Amsterdam, il y a certes les drogues, mais il y a aussi les femmes de joie...

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