Libre et heureuse

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« C'est de notre faute ! Voilà ce qui arrive ! Nous aurions dû rester avec elle au lieu de la laisser à cet homme ! Bon sang, je suis vraiment une mère pathétique... s'apitoya-t-elle.

– Nous ne pouvions pas savoir que leur histoire finirait comme ça ! Même Alicia l'a avoué. Et arrête de crier, les enfants vont nous entendre ! » cria mon père. Mais sa voix portant, il était celui qui faisait le plus de bruits.

Dans le couloir, nous aperçûmes Max sur le seuil de sa chambre. Je lui souris en levant la main, lui indiquant que je m'occupais de tout. Il hocha la tête avant de refermer sa porte. J'ouvris doucement la porte de la chambre qu'occupaient mes parents. Mon père avait pris ma mère dans ses bras en nous tournant le dos.

« Arrêtez de crier. On dirait qu'Alicia est devenue lesbienne et que vous vous apitoyez sur votre sort en répétant que c'est de vot' faute, » dit Emily, exaspérée.

Nos parents nous firent face, étonnés tout comme moi.

« Je te rappelle que c'est toi qui avais dit que c'était de notre faute quelques heures plus tôt, et pourquoi tu prends l'exemple d'une personne homosexuelle ?

– C'était juste un exemple ! Tu étais tellement choquée par ce qu'elle avait fait, mais ce n'est pas entièrement de votre faute. Peut-être que si vous étiez restés, les choses se seraient passées d'une autre façon ! J'sais pas moi ! s'exclama-t-elle, embarrassée. Bon je vais aller dormir. »

Sur ce, elle courut presque pour s'échapper de la chambre. Je me retournai vers mes parents, affrontant leur regard triste.

« Je l'aime bien. Elle est assez différente de moi. Moins bête que moi, laissai-je échapper en repensant à mon comportement enfantin.

– Elle ne te remplace pas, ma chérie.

– Je sais. Et je suis contente que vous l'ayez adopté...

– Alicia...

– Je sais, je sais. Ce que j'ai fait est horrible. J'aurais pu lui donner naissance, l'élever, mais je n'étais pas prête. Je ne savais pas quoi faire d'autre. J'ai paniqué... soufflai-je honteuse.

– Non, ne dis pas ça. C'est nous qui sommes allés un peu fort. Je n'aurais jamais pensé que tu aurais subi tout ça. Emily a raison. Subir toute seule ces épreuves... ça n'aurait jamais dû arriver, » annonça mon père, navré.

Il me prit dans ses bras, et nous restâmes ainsi pendant plusieurs minutes. Quand je le relâchais, ma mère avait les bras croisés, et je pus voir le tourment dans ses yeux. Elle voulait me pardonner, mais sa raison lui disait que c'était, au contraire, impardonnable. Je ne lui en voulais pas. J'avais moi-même mis du temps à me pardonner pour cet avortement et je ne savais pas si j'avais totalement réussi, alors elle, elle allait aussi avoir besoin de ce temps précieux.

Je lui souris tout de même, et heureusement, elle soupira doucement pour se calmer, et me sourit aussi. Soulagée, je leur demandai de dormir avant de repartir dans la chambre d'Emily. Celle-ci était déjà endormie. Je me glissai près d'elle, et fermai les yeux en espérant que le lendemain serait plus calme que cette journée.

Heureusement, ce fut effectivement plus calme tout comme les journées suivantes. Nos discussions exprimaient plus de joie. Mais aussitôt arrivés, les voyageurs devaient repartir. Emily reprenait les cours, et nos parents ne souhaitaient pas qu'elle rate ne serait-ce que quelques jours. Je les comprenais et c'était avec des embrassades chaleureuses que nous nous quittions. Dès qu'ils furent rentrés, ils m'appelèrent et nous discutâmes encore. Et ils n'étaient pas les seuls à être partis de la demeure. Max et Mégane avec leur bébé retrouvèrent leur maison dans une ville plus grande qu'ici. Max avait repris le boulot d'arrache-pied tandis que Mégane s'occupait de Stan chez eux. Nous nous téléphonions encore pour papoter au grand regret de Max qui écoutait nos conversations féminines et gloussements élégants. Il fallait dire que c'était amusant de le faire rager.

Comme un pantinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant